L'expédition polaire à bicyclette : Suivi de La vie sportive aux Etats-Unis

Prenons le somme diurne sur courte distance, probablement la forme la plus humiliante de sommeil ferroviaire. Dans ce cas de figure, le coude repose sur le rebord de la fenêtre et la tête sur la main dans une attitude pensive. Le contact de la vitre sur le front est particulièrement rafraîchissant, et si nous nous appuyons dessus, c’est avant tout pour profiter de cette fraîcheur. Tout ce que l’on sait ensuite, c’est que le front (emportant la tête entière avec lui) a glissé sur toute la longueur du carreau et que l’on s’est pris un vilain coup en se cognant contre l’encadrement. Quelle idée aussi de mettre des vitres aussi glissantes ! Un de ces jours, quelqu’un pourrait se blesser grièvement !

Nous voici au stade des derniers préparatifs fébriles avant le coup d'envoi tardif de l'expédition polaire Life à bicyclette. Ce retard est imputable à nos fournisseurs, qui n'ont pas réussi à livrer les pinces à vélo dans les temps; mais à présent, tout est prêt et il semble que nous devions démarrer d'une minute à l'autre. Les hommes rongent leur frein, impatients de rattraper Amundsen et Byrd, et nous sentons tous qu'en pédalant très vite et en ne folâtrant pas sur le chemin, nous pouvons y arriver.
"On y arrivera coûte que coûte", m'a assuré la nuit dernière le lieutenant-colonel Marc Connelly; voilà qui résume bien l'ardeur avec laquelle nous entreprenons ce voyage.

Nous avons atteint Scarsdale hier en fin d'après midi, avec l'intention de faire relâche dans mon jardin, de boire un verre d'eau fraîche — et peut-être aussi de goûter quelques biscuits préparés par Rosa —, de montrer à mes deux fils comment fonctionnait l'équilibrateur gyrostatique, puis de pousser jusqu'à White Plains pour y arriver avant la tombée de la nuit
La partie eau—fraîche—et—biscuits du plan a marché au poil, mais en faisant la démonstration de la partie équilibrateur, nous sommes tombés sur un os qui nous a retenus une journée entière.