Ça fait quelques minutes que je suis là à me demander ce que je vais dire de ce livre, parce que d'un côté j'ai beaucoup de respect pour ce que l'auteur a essayé de faire (ou ce que j'ai cru qu'il a essayé de faire, anyway), de tisser autour de la vie de quelques Amérindiens de l'Ouest canadien une fiction particulière, qui revisite les mythes qu'on s'approprie sans les comprendre, qui se sert de l'humour comme d'une massue, pour mieux nous confronter à nos préjugés & nos à priori — mais de l'autre, tabarouette, ça m'a pas plu tant que ça.
Mais pour commencer par le commencement : ce livre est une succession d'histoires qui convergent toutes, parfois assez confusément, vers le même endroit, le même moment. (Je crois pas que ça gâche grand-chose que de le mentionner, on s'en rend compte assez tôt dans le livre.) Il y a quelques Amérindiens dans la quarantaine qui ont tous grandi dans la même réserve & qui, chacun de leur côté, vivent de ces choses qui ne sont pas tragiques mais qui bouleversent quand même — une femme qui aimerait des enfants mais qui ne veut pas s'embarrasser de l'homme qui vient avec, un professeur de littérature à la retraite qui tente de sauver de la destruction la cabane en rondins de sa mère, un homme qui se retrouve vendeur de télévisions après avoir passé vingt ans à dire qu'il retournera à l'université l'année suivante. Il y a quatre vieux Amérindiens échappés d'un hôpital psychiatrique — ou de vieilles Amérindiennes, peut-être, personne n'est trop certain. Il y a le médecin qui leur court après, & la concierge qu'il traîne avec lui. & il y a le narrateur, un I mystérieux, qui raconte à Coyote les débuts du monde.
Je sais pas pourquoi j'ai pas embarqué. Peut-être parce que j'ai mis du temps à m'adapter à la structure du livre ; peut-être parce que les personnages n'ont éveillé chez moi qu'un intérêt relatif, comme une espèce d'indifférence bienveillante ; peut-être parce que les pointes d'humour, pour moi, ont fini par tomber à plat. L'écriture de
Thomas King ne m'a pas marqué, je garde le souvenir de phrases fonctionnelles, correctes, rien de mauvais mais rien d'extraordinaire non plus. J'ai aimé les histoires de genèse complètement loufoques du narrateur, qui jouent habilement sur les perceptions qu'on a des mythes amérindiens, jusqu'à devenir des amalgames caustiques de récits bibliques & de références littéraires & de folklore de magasin de souvenirs — mais pour le reste, bof. Quelques bons moments, & un livre que j'ai refermé en ayant l'impression d'être exactement la même qu'au début de ma lecture.