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EAN : 9782913406872
90 pages
Pleine page (04/12/2008)
4.53/5   39 notes
Résumé :
"Je n'arrive pas à leur parler. Pas entièrement comme je voudrais. Je laisse des lots derrière les mots - arrivés mais cachés, en retrait de l'enterrement.
J'effleure ce que j'écris comme après une longue journée de travail.
Chaque mot m'essouffle."

Né en 1956, Thierry Metz a choisi de disparaître le 16 avril 1997.

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L'homme qui penche, c'est un recueil de petits textes, d'un auteur qui m'est cher Thierry Metz.
L'auteur ne s'est jamais remis de la mort accidentel de son fils, il a mis fin à ses jours. Il nous laisse ces textes comme des empreintes dans la glaise. Nos doigts ont mal quand on effleure la douleur des mots de Thierry Metz.
L'homme qui nous écrit, le fait depuis un hôpital psychiatrique. Il lutte contre la souffrance qui l'assaille. Il questionne un homme, l'autre que lui-même, celui justement qui penche.
C'est un homme qui ne pleure jamais, il ne dit jamais qu'il a mal. C'est simplement un homme qui penche, vers le vertige. Vers nos vertiges.
Qu'est-ce qu'un vertige ? Qu'est-ce qu'un homme qui penche ? Pourquoi penche-t-il ? Et vers quoi penche-t-il ?
L'homme qui penche est le journal d'un homme qui passa deux séjours volontaires en hôpital psychiatriques, ultimes tentatives d'un homme qui voulait se redresser.
Ici quatre-vingt dix textes parfois très courts, parfois à peine deux ou trois lignes, pas plus, nous livrent la pensée d'un homme qui a mal et pose des mots pour se sauver.
Il pose des mots sur des pages, des mots presque silencieux.
Il pose un regard sur lui, sur les autres.
Se taire, parfois.
Il voudrait parler aux autres, il sait nous parler. Avec peu de mots, rassemblés dans une poignée de main.
Attendre, c'est permettre que quelqu'un vienne... Qu'un arbre le suive dans un parc... C'est faire silence avec les mots, avec les feuilles tombées dans un jardin...
Attendre aussi le silence d'une autre manière...
Le dimanche est le jour des visites. Triste...
Alors, écrire peut-être... Faire et défaire, tant mieux. Cueillir un coquelicot sur un talus.
Le monde est sous nos pieds, il est à la dérive, nous dit Thierry Metz. Le savons-nous ? Et quand bien même, qu'en ferons-nous ?
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Dans cet hôpital psychiatrique de
Cadillac en Gironde la mort rôde.

Thierry Metz fait constat d'une
souffrance qu'il découvre partout.

Il est amer et surtout impuissant.

Il porte un regard acéré sur
ces quelques humains égarés là,
et dont bien entendu il fait parti.

Son corps-maison, son corps-prison
penche, se redresse, puis retombe.

Quelques lignes lumineuses
ressortent de cet esprit tourmenté,
lucide et poétique.



Ainsi :

" 24.
Un homme marche dans les feuilles , non loin
du pavillon. Il se déplace si lentement, avec
tant de précautions qu'il ne s'aperçoit pas
qu'un arbre le suit.


" 23.
Je n'ai que ce blanc enfoui de la page pour
enfouir la lumière – pour la retrouver.
Et puis quelque chose d'autre, qui n'est plus
sous la garde de ce mot.
Captation de ce qu'il faut ravir et écrire sur
le territoire déjà vécu, déjà écrit. Je n'ai pour
l'instant que mon regard pour y accéder.


" 25.
Je n'ai apporté qu'un seul livre : Douzième
poésie verticale, de Roberto Juarroz. de la
lumière. Un passage. Et toutes les possibilités
de l'exil, du fatal. Tout ce que l'être peut
exprimer c'est qu'il ne peut rester. Mais qu'il
demeure en état de penser d'une manière ou
d'une autre et à n'importe quelle heure.
Curieusement, l'hôpital psychiatrique est une
demeure comme une autre, mais qui passe
d'une main à l'autre, différemment pour cha-
cun, modifié parce qu'on y dit, ce qu'on y
fait.

« On arrive toujours,
mais ailleurs.

Tout arrive
mais à l'envers. »

Tendre le bras, l'élever, c'est cueillir ce fruit
haut placé – c'est arriver avant les oiseaux.
Avant les étoiles.


" 26.
Lenteur, confusion parfois, dues au traitement
que je reçois. J'en ai conscience comme un
plongeur ou un alpiniste. Et j'en ai besoin.
Je me débarrasse d'une ivresse par une autre,
d'une mort par une autre mort, du vide par
le vide. Ma voix contredite ne passe, pour
l'instant, que par ces voies contrariées
d'éclipses.


" 39.
Les jardiniers sont revenus ramasser les
feuilles. Je les regardais derrière une vitre.
Je ne voyais que ce que la vie a de proche,
d'inexorable et partiellement accessible –
avant de m'allonger sur le bûcher, d'en être
le mort.


" 47.
L'endurance (la vie ?) n'est plus autre chose,
peut-être, que de maintenir nos visages dans
le jour, enfouis dans les heures.
Mais nous ne sommes là que par instants.
Fugitivement. du regard. Seulement du regard.


" 59.
Eux.
Simplement.
Derrière ce haut mur et cette grille, malades
et médecins. Eux réciproques. Au commen-
cement.


" 70.
Je ne sais pas si ma place est ici. Ni ailleurs.
Avec parfois quelque chose d'autre qui m'en-
traîne à écrire. Les gens ont souvent les yeux
et les oreilles inversées ou sans existence. Ce
que je vois n'est jamais complet. Silence et
mots sont nos bûchers.


" 71.
Que dire de soi ?
Le brasier ?
L'abreuvoir ?
Et mourir ?

Non : qu'on regarde nos mains.


" 76.
Venant de l'un, allant vers l'autre, ne s'arrê-
tant nulle part.
Etant ici.
Puis s'en détachant.
L'abeille peut-être ou une rose donnée à une
étoile.


" 78.
Sophie.
Une jeune femme.
40 kilos.
Elle titube et tremble toute la journée, allant
de sa chambre au fumoir, la nuque raide, les
joues creuses, morte sans le savoir.


"86.
Maintenant, dans la chambre aux murs jaunes,
il n'y a plus de bruit, du vacarme, du lan-
gage manqué. Je ne regarde plus, je n'écoute
plus ‒ je vais simplement me cacher au centre
de ce qui se passe.


" 87.
Aucun baiser le soir. Aucune tendresse. Le
lit. Les comprimés. L'avant-goût de pourrir
sur un tas de feuilles mortes.
Il y avait pourtant de quoi faire.
Il était une fois…
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L'auteur, qui nous parle depuis des pages laissées en prose derrière lui, en écrira deux cahiers comme autant de séjours à l'hôpital psychiatrique de Cadillac, en Gironde. Il combat l'addiction qui, elle, répond au deuil du fils perdu trop tôt, perdu le même jour où il obtient le Prix Voronca pour son recueil "Sur la Table inventée".

Dans l'hôpital, qui est « une demeure comme une autre, différemment pour chacun, modifiée par ce que l'on y dit, ce que l'on y fait », il cherche par l'écriture l'habitant qui a cessé d'occuper la maison qu'est son corps, ses souvenirs, son soi. Il cherche celui qui se penche sur les feuilles, inatteignable par le crayon et le langage. Mais il lui « manque toujours ce qui aurait pu être. Et qui peut-être a été », et il perd pied.

Dans tous les visages qu'il observe, de la jeune infirmière qui lui porte attention, de Mady « La Simple rose du regard », de Philippe qui n'est pas « habité par ce que l'on pourrait croire », il s'efforce de trouver cet occupant, ce déserteur convoité.

Il constate les corps fragmentés, prisonniers de l'« hypnose de la mémoire ». Il surveille les âmes flâneuses qui vont et viennent sans but, sans même emprunter des chemins. Tout entre et sort, tout accueille puis raccompagne, tout rapproche mais éloigne, aussi.

Il n'y a que le désir de pouvoir se nouer à nouveau à eux, à nous. Mais la proximité est difficile et les mots sont disparates, ils n'ont pas toujours raison. « L'Homme qui penche est encordé. Encordé mais pas lié ».

Il n'y a que l'espoir d'apprendre à vivre une nouvelle fois, de continuer de conter et d'écouter, de jouir des choses. Mais pour la plupart, ils sont déjà morts, morts « sans le savoir ». Ils souhaitent se réparer, mais « seules les horloges ont le temps d'avoir le temps ».

Sans rage ni réelle tristesse, Thierry Metz nous délivre ses dernières poésies, celles d'un homme qui combat pour retrouver l'espoir, risquant se rappeler que les nuages ne sont pas toujours annonciateurs de pluie, et qu'ils sont parfois là par la seule poussée du vent, soupir alléchant de promesses. Mais « quoi que je fasse ou écrive », dit-il, « n'y a-t-il pas ou n'y a-t-il plus que cet instant ? »

Une oeuvre écrite avec force et générosité, dotée d'une mélancolie des jours à venir puisque, contrairement à certains avec qui il partage ses jours en Gironde, lui sait que le salut n'est pas à l'ordre du jour. Un homme à la vie fauchée par une voiture qui ne laissera qu'un vélo au bord de la route, un écho de l'injustice de celui qui aimait, peut-être, vivre, et que l'on peut encore rencontrer, au travers de ces pages.
Lien : https://julienrilzel.wordpre..
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de plus ou moins courtes notations - une attention aux autres, aux regards, aux détresses - attention fraternelle - un combat avec soi-même parfois, et une acceptation - la recherche, toujours de l'écriture.
Un petit très beau livre.
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Un livre qui m'aura marquée et qui me laisse ces impressions :

L'homme penche
Sous le poids des paroles
Cassées dans sa main

S'épanche la douleur
De voir autrement
D'espérer autre chose

L'homme de pise
Pris de vertige
Est éconduit

En psychiatrie
Couloirs rectilignes
Les heures s'empilent

L'homme de plume
Griffonne, expire
Des ronds de liberté.
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Citations et extraits (24) Voir plus Ajouter une citation
1.


CENTRE HOSPITALIER DE CADILLAC EN GIRONDE,
PAVILLON CHARCOT. OCTOBRE 1996
C'est l'alcool. Je suis là pour me
sevrer, redevenir un homme d'eau et
de thé. J'envisage les jours qui viennent
avec tranquillité, de loin, mais attentif.
Je dois tuer quelqu'un en moi, même si
je ne sais pas trop comment m'y prendre.
Toute la question ici est de ne pas perdre
le fil. De le lier, à ce que l'on est, à ce que
je suis, écrivant.

24
Un homme marche dans les feuilles,
non loin du pavillon. Il se déplace si
lentement, avec tant de précautions
qu'il ne s'aperçoit pas qu'un arbre le
suit.
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Tendre le bras, l’élever, c’est cueillir ce fruit haut placé–c’est arrivé avant les oiseaux. Avant les étoiles.
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L'homme en pente.
La maladresse de dire "je"
de savoir "si"...
Une fois pour toutes, le défi est d'en arracher la première page, de la mêler au livre, quelque par dans le hasard.
Chaque fois, il faut extraire les mots de là où ils sont. Puis les mettre en langue.
Et peut-être alors, quelquefois...
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Mady est toute maigre.

Une ou deux fois par semaine on lui fait des électrochocs, puis on la ramène, gisante, toujours plus absente, avec cette difficulté d'atteindre chaque fois ce qu'elle voudrait dire. Elle n'est plus qu'un regard qui nous cherche.

Simple petite rose

du regard.

Où nous sommes.

Où se maintient la rose.
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21
  
  
  
  
Patricia est toute jeune mais déjà on lui voit des cheveux blancs. Elle reste debout toute la journée à l’intersection des deux couloirs : côté femme, côté homme. On la force à manger mais elle n’a jamais faim. Elle est maigre, très maigre et ne parle pas, toujours étonnée de nous voir, presque transparente, soutenue comme une brindille par un oiseau que nous ne voyons pas.
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Terre – Thierry Metz lu par Lionel Mazari
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