Philippe Collin. - Je voudrais que vous me disiez ce que l'on entend par ready-made. C'est une expression anglaise, mais qui finalement n'est pas évidente pour tout le monde.
Marcel Duchamp. - Oui. Ça veut dire "tout fait". Comme les vêtements de confection. Je suis arrivé à une conclusion, il y a assez longtemps. Il y a toujours quelque chose de "tout fait" dans un tableau : vous ne faites pas les brosses, vous ne faites pas les couleurs, vous ne faites pas la toile. Alors, en allant plus loin, en enlevant tout, même la main, n'est-ce pas, on arrive au ready-made. Il n'y a plus rien qui soit fait : tout est "tout fait". Ce que je fais, c'est que je signe, simplement, pour que ce soit moi qui les aie faits. Simplement, j'arrête là, c'est tout. c'est fini. Ça semble un peu drôle, mais c' est une conséquence naturelle, en allant au bout du raisonnement.
L'intention du ready-made, c'est de se débarrasser de cette idée du beau et du laid. On pourrait en faire cinquante par jour, mais ce n'est pas vrai. Si vous en faites cinquante par jour, vous verrez que dans trois ou quatre jours les cinquante commencent à vous plaire, donc le résultat n'est pas ce que je cherchais.