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EAN : 9782021136456
190 pages
Seuil (25/10/2014)
4/5   3 notes
Résumé :
En 1935, Maxime Gorki avait invité les écrivains du monde entier à raconter une journée de leur vie, la même pour tous : le 27 septembre. L'idée avait été reprise en 1960, et une nouvelle génération s'était alors essayée à l'exercice. À cette date, Christa Wolf eut envie de relever le défi, elle tint donc la chronique de cette journée du 27 septembre 1960, puis, prise par le jeu, s'astreignit à cette discipline jusqu'à sa mort, survenue le 1er décembre 2011.Un premi... >Voir plus
Que lire après Mon nouveau siècle: Un jour dans l'année (2001-2011)Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
A côté de l'écriture de ses récits, Christa Wolf a tenu un journal d'une espèce particulière, où ne sont rapportés que les événements d'une seule journée dans l'année, le 27 septembre. Commencé en 1960, ce journal s'est poursuivi jusqu'à sa mort en 2011.

Un premier volume couvrant la période 1960-2000 avait été publié du vivant de l'auteur. La suite a été éditée en 2013 en Allemagne par son mari Gerhard Wolf, et débute donc avec le nouveau siècle, quelques jours après les attentats du World Trade Center à New York qui donnent d'emblée à ce livre sa tonalité dramatique, qu'il soit question de l'actualité internationale ou du quotidien de la chroniqueuse attentive au moindre événement de sa journée, même le plus insignifiant.

Car il y a le désir chez Wolf d'être exhaustive, de retranscrire la totalité de la journée, journée qui, souvent, commence par des lectures au lit après minuit et par une série d'allers et retours entre veille et sommeil s'intensifiant au fil des pages, au cours d'années de plus en plus obscurcies par la maladie. Dans la préface du premier volume reprise ici, elle évoque ce qui motive chez elle ce désir d'exhaustivité : « l'horreur de l'oubli ». Il s'agit de lutter contre cette « irrémédiable perte de l'existence » à quoi se résume le plus souvent le quotidien. Un jour dans l'année, donc, noter tout ce qui se passe, « sans intentions littéraires, de manière pure et authentique » pour échapper aux opérations forcément partielles et subjectives de la mémoire quotidienne.

Mais ce désir d'exhaustivité dépasse la seule journée du 27 septembre : Christa Wolf tente de se placer elle-même et du même coup son lecteur devant la totalité de son existence. Celle-ci a plusieurs dimensions qu'il faut s'efforcer de distinguer au fil du temps alors qu'elles sont mêlées les unes aux autres : l'écriture en créant une linéarité opère cette séparation indispensable sans laquelle il n'y a pas de compréhension. Difficile en revanche de savoir quelle dimension est, au quotidien, la plus importante, la plus centrale. Est-ce celle de l'actualité, qui occupe beaucoup Christa Wolf au fil de la journée, à travers les journaux qu'elle lit au petit déjeuner et de la télévision qu'elle regarde souvent, notamment le 27 septembre 2001 ? L'existence individuelle se trouve ainsi reliée au devenir historique, plongée dans son époque, et « il s'instaure une distance, une objectivité plus grande par rapport à soi-même ». C'est cette objectivité que cherche à atteindre et à renforcer l'écrivaine page après page, année après année. Plusieurs fois, elle semble avoir attendu ce rendez-vous annuel avec impatience, comme si un processus créatif était pour elle à l'oeuvre à travers cette contrainte d'écriture, processus lui permettant de relier sa vie intime à un ensemble plus vaste, universel.

Ce processus créatif apparaît aussi dans le long récit qu'elle écrit alors et dont il est souvent question dans ce journal : Ville des anges . Son propre destin d'écrivaine d'Allemagne de l'est ayant vécu la chute de la RDA et injustement accusée d'avoir été une collaboratrice de la STASI est intégré dans une histoire plus vaste, celle des émigrés allemands partis pour les Etats-Unis sous le Troisième Reich et celle de la domination sans partage du modèle capitaliste. Cette liaison de l'individuel et du collectif au coeur même du processus d'écriture renforce chez Christa Wolf le désir de lutter contre la désinformation à laquelle nous sommes quotidiennement exposés et même contre des formes de propagande plus sournoises que dans les dictatures, propre à nos démocraties surmédiatisées. Parmi les pages les plus fortes de Mon nouveau siècle il y a celles qui sont consacrées à la domination américaine à travers la mondialisation : « Apparemment, il ne peut pas entrer dans le crâne de la plupart des gens du monde occidental que monsieur Bush, qui a déclenché la guerre d'Irak en sachant pertinemment qu'il la justifiait par un mensonge, est un criminel incommensurablement plus grand que n'auraient pu l'être les quelques détenteurs d'un bien faible pouvoir en RDA. Mais il continue d'être respecté comme le chef de la communauté des valeurs occidentales, « freedom and democracy ». Alors qu'il n'est qu'une marionnette dans la main des représentants des grands groupes qui ont intérêt à la mondialisation ».

Ces réflexions politiques sont mêlées à de nombreuses évocations de certains rituels de la vie quotidienne où s'exprime l'amour de Christa Wolf pour son mari, qui cuisine pour eux deux, ou pour ses enfants et petits-enfants (un appareil de notes bienvenu à la fin du volume nous permet de nous repérer dans la famille). de plus en plus affaiblie d'année en année, de plus en plus hantée par la pensée de la mort, elle reste fidèle, malgré les séjours à l'hôpital, à ce moment particulier d'écriture que représente pour elle le 27 septembre, tout en constatant que son intérêt pour le devenir du monde tend à s'atténuer (« Ce n'est plus mon époque »). Elle se raccroche à sa famille, la part la plus solide de son existence, écrit-elle, et son journal de 2011 s'achève de manière poignante sur quelques brèves notes à propos de son état de santé et sur ces mots extraits du Berliner Zeitung : « le bruit augmente au-dessus du Müggelsee », un lac situé dans la périphérie de Berlin. Comme si le monde entier continuait à bourdonner en elle, jusqu'au bout.
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critiques presse (1)
Liberation
12 novembre 2014
Peu d’écrivains savent, comme Christa Wolf, mettre en mots le tissu intime de leur propre vie pour en faire la matière de notre propre peau.
Lire la critique sur le site : Liberation
Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Année 2001
Une voix me réveille, qui dit tout haut : Une déchirure dans le tissu du temps. J'écoute cette voix, comblée par cette vérité qu'elle énonce, avant même de prendre conscience de l'endroit où je suis, qu'il est tôt le matin, que je suis au lit, et plus ma conscience s'ouvre, avec réticence, à la réalité, plus le sentiment de bonheur s'efface.
(...)
Irréaliste ? Tant pis pour la réalité. Je pense que la bonne vieille " réalité " dérape à toute allure dans l'absurde, les limites de ce qu'il est possible de raconter ne cessant, semble-t-il, de se réduire. Il y aurait sans-doute quelque chose à écrire à ce sujet. Mais à quoi bon ?
(...)
Trop d'amis meurent cette année, comme si une force négative inconnue privait un nombre grandissant d'êtres de ce petit surcroît d'énergie dont on a besoin pour se maintenir en vie.
(...)
J'ai souvent l'impression que l'histoire est un entonnoir dans lequel nos vies s'engouffrent en tourbillonnant pour disparaitre à jamais. Le sentiment d'etre un dinosaure.
(...)
Notre amie E. nous envoie une page du Tagesspiel d'hier. Intitulée " la pensée lâche ", elle montre dans la colonne du milieu, regroupées comme pour un avis de recherche, des photos d'intellectuels auxquels on reproche cette " pensée lâche ". " Artistes et intellectuels se réfugient dans des sentiments anti-américains". Des noms estimables y sont cités, accompagnés de phrases détachées de leur contexte. Il ne manquerait plus que l'on indique leurs adresses et numéros de téléphone, afin que la vindicte populaire puisse les atteindre". Nous nous regardons. No comment.
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Videos de Christa Wolf (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Christa Wolf
Christa Wolf (1929-2011), dans le puits du temps : Une vie, une œuvre (2013 / France Culture). Production : Matthieu Garrigou-Lagrange. Par Christine Lecerf. Réalisation : Charlotte Roux. Diffusion sur France Culture le 9 novembre 2013. Photographie : Christa Wolf im Jahr 1971. (dpa / picture alliance). Née en 1929, en Prusse orientale, aujourd’hui territoire polonais, Christa Wolf est précipitée dès l’origine dans le paysage tourmenté de l’histoire allemande. Comme beaucoup d’enfants, elle s’enthousiasme pour le Führer. Comme beaucoup d’adolescents, elle participe avec fierté à la naissance de la nouvelle Allemagne de l’Est. Et comme bon nombre d’intellectuels antifascistes qui croient à l’idéal socialiste, elle s’engage au parti communiste dès 1949. Mais Christa Wolf n’est pas tout à fait comme tout le monde. Elle écrit : sur la déchirure de l’Allemagne dans “Le ciel partagé” (1963), sur ses propres dénis dans “Trame d’enfance” (1976). Elle creuse l’oubli, rumine un passé qui ne passe pas. À partir de 1976, à la suite de son soutien au chanteur Wolf Biermann, Christa Wolf n’est plus une femme libre. La Stasi l’espionne. On refuse qu’elle quitte le parti. Plus on cherche à la museler et plus l’écrivaine s’échappe par l’écriture dans les strates du temps. Elle trouve refuge auprès des premiers romantiques allemands qui, comme elle, n’avaient “Aucun lieu. Nulle part” (1979). Dans “Cassandre” (1983) ou “Médée” (1996), elle s’inspire de ces « femmes sauvages » de la mythologie grecque qui avancent comme elle, tête haute, la parole vibrante. On se presse à ses lectures. On rêve l’esprit éveillé. Peu après la chute du mur, l’icône de la littérature est-allemande est injustement accusée d’avoir travaillé pour la Stasi. Dans “Ce qui reste”, elle écrit : « N’aie pas peur, dans cette langue, que j’ai dans l’oreille, pas encore sur les lèvres, j’en parlerai aussi un jour. » Brisée mais non vaincue, Christa Wolf entreprend alors dans “Ville des anges” (2011) une lente et ultime descente au « fond du puits ». Le corps perpétuellement en alerte, Christa Wolf luttait depuis des années contre la maladie. Elle est morte à l’âge de 82 ans.
Avec : Jana Simon, journaliste, petite-fille de Christa Wolf Nicole Bary, traductrice et éditrice de la revue “LITERALL” Pierre Bergounioux, écrivain Günter Grass, écrivain (Archives) Marie Goudot, auteur de “Cassandre” Alain et Renate Lance, traducteurs de l’œuvre de Christa Wolf Erika Tunner, germaniste, spécialiste du romantisme Irving Wohlfarth, germaniste
Et la voix de Christa Wolf
Textes lus par Blandine Molinier et Aurélia Petit. Avec la voix de Jean-François Néollier.
Extraits de films : “Le ciel divisé”, de Konrad Wolf, adaptation de Christa et Gerhard Wolf, DEFA, 1964 “Le tambour”, de Volker Schlöndorff, 1979 “Christa Wolf. Ein Tag, ein Jahr, ein Leben”, de Gabriele Denecke et Gabriele Conrad, ARTE, 2004
Source : France Culture
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