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Gabriel Quéré (Illustrateur)
EAN : 9782856681572
Rougerie (15/02/2010)
4.44/5   18 notes
Résumé :
Viens avec moi
je te dirai le cri des sternes
et le psaume des pierres levées
(...)
Viens avec moi
je te dirai les dieux fraternels
dans les chapelles bleues
Viens
nous inventerons un pays mystique
violentes seront les femmes comme des solstices
il y aura des nids chantants dans les poutres
les nefs seront pleines d'hirondelles.

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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Il a brûlé sa poésie comme il brulait ses cigarettes …
La mort l'a pris par les poumons,
trop tôt,
alors même, paradoxe, qu'il n'eût de cesse de s'époumoner à crier ses révoltes et ses prières sur un papier de chair, respirant la Bretagne à pleins pores, exsudant ses chagrins, convictions et ses amours de Vie sous le pas des pierres brutes, collant sa rage, ses larmes et ses embruns sur les calvaires bretons, sur les champs de bruyères, au soleil des ajoncs, sur le sauvage des dunes , avec toujours, cette mer, cette mer aux yeux, palpitante, exaltante,
cette mer tout à la fois beauté, liberté et tombeau.

Il a brûlé sa poésie comme il brulait ses cigarettes …
Je regarde sa photo, en première page du livre : noir et blanc balbutiant dans les volutes de fumée, visage creux fascinant, galbé de gravité, raviné de sillons, profondes et belles rides affirmées de vécu, Et puis cette mèche « rebelle », échappée de la nuit, accrochant à elle seule l'unique rai de lumière, toute la lumière du monde. Une « gueule » ! Une gueule décharnée, sèche et brûlante, d'une profondeur rare, oui, dans ce noir et gris, une beauté lumineuse : celle qui vient du dedans.

« Les vents m'ont dit » sa voix, rauque, âpre, dévorée par la fièvre et l'ombre de la mort, poèmes dévastés par un feu dévorant, poèmes qui implorent la clémence et la grâce, poèmes qui magnifient, de fait, la beauté de toutes choses quand on sait que bientôt les yeux ne pourront plus la voir …
« Solo », « Rituel Breton » et tant d'autres :
lisez, lisez tous ces poèmes criblés de neige, de pluie et d'éclaircies,
lisez et écoutez surtout cette voix emplie de confondante sincérité.
On ne triche pas quand on arrive au bout … On ne triche plus,
« On ne possède son être qu'à son dernier souffle »

Poète pourfendeur, barde ou troubadour,
Poète des « vents hurleurs, soleils jaunes, rocs et ressacs »,
Poète de tous les hommes, dont les plus misérables,
Poète de la Vie exaltée par la mort,
Xavier Grall remue nos tripes, soulève notre réveil, et nous laisse pensifs, au prodige d'un matin, agenouillés sur notre propre marbre, éblouis par notre frêle escale.


Il repose en « Solo », là où il voulait être
Avec ses yeux de pluie et ses bagages de rêves
Sous un tas de gravier
Au jardin de la mer
Il repose en « Solo », là où il devait être
Kenavo, Mr Grall
Avec ton âme de sel et tes moussons de brumes
Sous la porte battante
De ta Bretagne bleue
Je sais
Je sais que tu souris.


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Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
Les vieux de chez moi ont des îles dans les yeux
Leurs mains crevassées par les chasses marines
Et les veines éclatées de leurs pupilles bleues
Portent les songes des frêles brigantines

Les vieux de chez moi ont vaincu les récifs d'Irlande
Retraités, usant les bancs au levant des chaumières
Leurs dents mâchonnant des refrains de Marie Galante
Ils lorgnent l'horizon blanc des provendes hauturières

Les vieux de chez moi sont fils de naufrageurs
Leurs crânes pensifs roulent des trésors inouïs
Des voiliers brisés dans les goémons rageurs
Et luisent leurs regards comme des louis

Les vieux de chez moi n’attendent plus rien de la vie
Ils ont jeté les ans, le harpon et la nasse
Mangé la cotriade et siroté l’eau de vie
La mort peut les prendre, noire comme pinasse

Les vieux ne bougeront pas sur le banc fatigué
Observant le port, le jardin, l’hortensia
Ils diront simplement aux Jeannie, aux Maria
"Adieu, les Belles, c’est le branle-bas"

Et les femmes des marins fermeront leurs volets.


Xavier Grall - Les (vieux) Marins p87
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Seigneur me voici c’est moi
Je viens de petite Bretagne
Mon havresac est lourd de rimes
De chagrins et de larmes
J’ai marché
Jusqu’à votre grand pays
Ce fut ma foi un long voyage
Trouvère
J’ai marché par les villes
Et les bourgades
François Villon
Dormait dans une auberge
A Montfaucon
Dans les Ardennes des corbeaux
Et des hêtres
Rimbaud interpellait les écluses
Les canaux et les fleuves
Verlaine pleurait comme une veuve
Dans un bistrot de Lorraine
Seigneur me voici c’est moi
De Bretagne suis
Ma maison est à Botzulan
Mes enfants mon épouse y résident
Mon chien mes deux cyprès
Y ont demeurance
M’accorderez-vous leur recouvrance ?
Seigneur mettez vos doigts
Dans mes poumons pourris
J’ai froid je suis exténué
Ô mon corps blanc tout ex-voté
J’ai marché
Les grands chemins chantaient dans les chapelles
Les saints dansaient dans les prairies
Parmi les chênes erraient les calvaires
Ô les pardons populaires Ô ma patrie
J’ai marché
J’ai marché sur des terres bleues
Et pèlerines
J’ai croisé les albatros
Et les grives
Mais je ne saurais dire
Jusques aux cieux
L’exaltation des oiseaux
Tant mes mots dérivent
Et tant je suis malheureux

Seigneur me voici c’est moi
Je viens à vous malade et nu
J’ai fermé tout livre
Et tout poème
Afin que ne surgisse
De mon esprit
Que cela seulement qui est ma pensée
Humble et sans apprêt
Ainsi que la source primitive
Avant l’abondance des pluies
Et le luxe des fleurs

Seigneur me voici devant votre Face
Chanteur des manoirs et des haies
Que vous apporterai-je
Dans mes mains lasses
Sinon les traces et les allées
L’âtre féal et le bruit des marées
Les temps ont passé
Comme l’onde sous les saules
Et je ne sais plus l’âge
Ni l’usage du corps
Je ne sais plus que le dit
Et la complainte
Telle la poésie
Mon âme serait-elle patiente
Au bout des galantes années ?

Seigneur me voici c’est moi
De votre terre j’ai tout aimé
Les mers et les saisons
Et les hommes étranges
Meilleurs que leurs idées
Et comme la haine est difficile
Les amants marchent dans la ville
Souvenez-vous de la beauté humaine
Dans les siècles et les cités
Mais comme la peine est prochaine !

Seigneur me voici c’est moi
J’arrive de lointaine Bretagne
Ô ma barque belle
Parmi les bleuets et les dauphins
Les brumes y sont plus roses
Que les toits de l’Espagne
Je viens d’un pays de marins
Les rêves sur les vagues
Sont des jeunes rameurs
Qui vont aux îles bienheureuses
De la grande mer du Nord
Je viens d’un pays musicien
Liesse colères et remords
Amènent les vents hurleurs
Sur le clavier des ports
Je viens d’un pays chrétien
Ma Galilée des lacs et des ajoncs
Enchante les tourterelles
Dans les vallons d’Avril
Me voici Seigneur devant votre Face
Sainte et Adorable
Mendiant un coin de paradis
Parmi les poètes de votre extrace
Si maigre si nu
Je prendrai si peu de place
Que cette grâce
Je vous supplie de l’accorder
Au pauvre hère que je suis
Ayez pitié Seigneur
Des bardes et des bohémiennes
Qui ont perdu leur vie
Sur le chemin des auberges
Nulle orgue grégorienne
N’a salué leur trépas
Pour ceux qui meurent dans les fossés
Une feuille d’herbe dans la bouche
Le cœur troué d’une vieille peine
De lourdes larmes dans le paletot
Et dans les veines des lais et des rimes
Seigneur ayez pitié !

La mort vient tôt frapper à notre porte
Les vents d’hiver emportent les poitrinaires
Et pour flétrir les pâles primevères
Il suffit que l’ondée se conforte
D’un peu de givre et de galerne
La vie s’en va la vie s’en vient
Ma belle passante mon Etrangère
Ysolde de mon navire ma passagère
La vie s’en vient la vie s’en va
Lonla lonlaine et caetera

Extrait de "Solo"
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MENHIR

Tout est bien de ce qui est
Tout est bien de ce qui sera
J’ai vécu mes journées
Viendra ma nuit
La mort ailleurs continue les songes de la vie
Le soleil ne se lasse de caresser la stèle funéraire
Sans que la terre en tire ombrage
Et les pluies adoucissent la rigueur ossuaire

Tout ce qu’il est possible d’aimer
Je l’ai aimé
J’ai fait aller le mythe avec la théologie
Et le rêve toujours épousa ma raison
Ainsi par les chemins d’Argol
La pierraille chante avec l’ancolie

Menhir
Je veux une mort verticale
Parmi les ronces paysannes
Que nul féalement ne grave mon nom
Nulle épitaphe sur la pierre
Nulle dédicace au granit

Menhir
Je veux seulement des vocables de lichen
Et la jaune écriture que silencieusement burinent
Les bruines hivernales et les vents d’océan.


Xavier Grall, Oeuvre poétique, La Sône, des pluies et des tombes, p 116

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Viens
en cette Bretagne ancienne
je plaide pour l'homme nouveau
je chante la route, le cercle, la danse
je dis le retour fraternel des saisons
vous ne fermerez pas le monde avec vos lois
vous n'achèterez pas mon âme avec vos banques
Viens avec moi
nous dirons bonjour au revoir aux masures
nous prendrons les routes et les ramures
dans nos bras
le peuple naîtra de nos pas
dans la lumière des genêts
Viens
je te dirai l'incroyable frairie
en ma Cornouaille d'été
l'Aven roule sur les graviers
les sortilèges d'eau
et glapit de joie l'hydromel
au cabaret
Viens avec moi
je te dirai mon hameau gris
et mon seuil que fleurit l'épagneul
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(...)
Allez dire à la ville
que c'est ici que je perdure
roulé aux temps anciens
des misaines et des haubans
Allez dire à la ville
que je ne reviendrai pas

Poètes et forbans ont même masure
les chaumes sont pleins de trésors et de rats
on ne reçoit ici que ceux qui sont en règle avec leur âme sans l'être avec la loi
les amis des grands vents
et les oiseaux perdus
Allez dire la ville
que je ne reviendrai pas
Terre dure de dunes et de pluies
pierres levées sur l'épiphanie des maïs
chemins tordus comme des croix
Cornouaille
tous les chemins vont à la mer
entre les songes des tamaris
les paradis gisent au large
Aven
Eden
ria des passereaux
on met le cap sur la lampe des auberges
les soirs sont bleus sur les ardoises de Kerdruc
O pays du sel et du lait
Allez dire à la ville
Que c'en est fini
je ne reviendrai pas
Le Verbe s'est fait voile et varech
bruyère et chapelle
rivage des Gaëls
en toi, je demeure.

Allez dire à la ville
Je ne reviendrai pas.
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