Vous vous rappelez, dans le roman de Dostoievski, Dmitri Karamazov dit à son frère Alexis que l'âme humaine est un champ de bataille entre le malin et... et... Dieu. C'est peut-être au cours de cette lutte qu'est apparu ce que nous appelons l'art. si l'âme d'un peintre ou d'un écrivain ne connaît pas ce combat... s'il n'est que lumière, il devient un saint. S'il n'y a en lui que des ténèbres, il devient un bandit. Celui qui ne ressent pas avec une force égale les ténèbres et la lumière ne saurait créer une oeuvre chargée de l'énergie de la confrontation. V.K. p 37
Quant à la souffrance... Je refuse complètement de la considérer comme un moyen d'accéder à la lumière. Mais je suis obligé de reconnaître que rien ne peut se réaliser sans douleur. Il y a quelque temps, à New York, j'ai entendu un pianiste russe de dix-neuf ans. Il jouait merveilleusement bien, c'était un véritable feu d'artifice, d'une technicité extraordinaire. Mais c'était vide. Ces sons, absolument parfaits pour ce qui était de la tonalité et du rythme, restaient sans vie. Tant qu'il n'aurait pas ensemencé son jeu de douleur et de pertes, rien de vivant n'y pousserait. Il lui manquait la caisse de résonance de la souffrance humaine.