Pasteur

De façon surprenante, Louis Pasteur est le premier scientifique invité dans la collection éclectique Biographies-Gallimard, qui compte une quarantaine de volumes et dont nous nous souvenons du remarquable André Breton de Mark Polizzotti.
Les scientifiques sont toujours discrets sur leur vie privée mais il est évident que leurs travaux s'insèrent dans un entrelacs familial, amical et politique. C'est le cas pour Pasteur. Cependant, on nous accordera que nous pisterons en priorité son cheminement intellectuel pour admirer l'implacable détermination volitive de son raisonnement logique face aux résistances archaïsantes.
D'emblée, Michel Morange, en historien aguerri de la biologie, se plonge dans les cahiers de laboratoire du jeune Pasteur et les met en relation avec les cahiers des cours donnés aux étudiants Lillois. Au sujet de la fermentation, ces cahiers « révèlent une recherche de nature exploratoire ». (p. 88) Une recherche… exploratoire, l'expression peut paraître un pléonasme. Mais ce que signifie Morange, c'est que Pasteur, littéralement ébloui par ce qu'il constate dans les éprouvettes, veut absolument relier les divers phénomènes : « Pasteur poursuit trois objectifs en parallèle : trouver les conditions optimales pour les différentes fermentations ; caractériser les produits formés ; observer au microscope les « êtres grouillants » que l'on trouve dans le milieu et tenter de déterminer leur rôle dans le processus. » (p. 92)
On lira avec délectation la narration proposée de cette recherche obstinée par un chimiste de trente cinq ans. Morange va jusqu'à parler de « révolution copernicienne opéré par Pasteur : la mise au premier plan d'un domaine du vivant jusque-là peu exploré » (p. 95) ( En 1857, Pasteur affirme que la fermentation résulte de l'action de « corps organisés micodermiques », d'un « phénomène vital » et d'une « organisation de globules » ). Ce ne sera qu'en mars 1878 que le chirurgien C. Sédillot, listant les nombreux synonymes qui dénomment les « organismes microscopiques », proposera le néologisme « microbe » .
Maladies des vins, du ver à soie, des poules, des moutons, nous ne dévoilerons pas les péripéties pasteuriennes, entre intuitions audacieuses, polémiques perpétuelles, soutiens amicaux, concurrences soudaines, perspicacité des collaborateurs, lutte pour les financements et « rage» de vaincre.
Après s'être échiné à démontrer que l'hypothèse de la « génération spontanée » est chimérique – car certains pensaient encore que les microbes peuvent renaître à partir des restes moléculaires – Pasteur, âgé de 45 ans, subit une attaque d'apoplexie dont il gardera toute sa vie une paralysie partielle du bras gauche qui l'empêche de se servir de sa main. Vient alors le « temps du doute » après la guerre de 1870 et jusqu'en 1876, malgré les honneurs : « L'idée de retraite virait à l'obsession : le temps était-il venu d'abandonner la bataille scientifique et de se contenter de donner des conseils aux jeunes savants ? » (p. 207)
Soudain, un article de Robert Koch provoque une réorientation des recherches aboutissant quelques années plus tard à l'invention des vaccins par atténuation de la virulence des germes.
Michel Morange explique en épilogue qu'il a tenté de raconter le « vrai » Pasteur. Un vrai roman !

Une autre biographie de Pasteur direz-vous, mais celle-ci très documentée tout en restant très lisible restitue bien toute la vie et oeuvre multiple de Pasteur dans le contexte du 19e siècle, ses doutes, son obstination algrè la maladie, ses erreurs, ses victoires. La vie d'un chercheur travailleur et intuitif. Ni hagiographique ni critique anachronique, un must !