Un ouvrage précieux de Patrick Cloux, que j'ai commandé, qui sort de
l'ombre un grand peintre américain, Andrew Wyeth, célèbre mais mal
compris en Amérique et quasi ignoré en France...
"Loin de ces peintres d'ampleur, aux sujets pour lui trop marquants, Wyeth reste par principe modeste quant à ses thèmes. Il n'a jamais été démonstratif. Ce qui l'écarta en partie du public. Après la guerre, il ne vend pas grand-chose, le marché de l'art s'effondrant. Il ne se retrouve
pas dans la part historique ou revendicatrice des réalistes américains. Il n'est redevable qu'à lui du nouveau traitement de ce qu'il peint. Il en a établi le caractère unique à partir de sa seule intuition. Ce qui le rend incomparable et sans vraie filiation (...) (p. 57)
Pourtant, depuis très longtemps, un tableau m'a toujours fascinée :
"le Monde de Christina"... je suis d'autant plus ravie que c'est un artiste dont j'adore les toiles et les sujets abordés : la belle nature sauvage, l'amour des maisons isolées ainsi que de nombreux personnages solitaires...bouleversants de beauté et d'expressivité... Une peinture faussement simple , d'une sobriété à l'émotion intense... qui me fait songer comme l'écrit fort justement Patrick cloux, aux photographies de Dorothea Lange ... entre autres artistes...!
"Wyeth ne peint jamais à la légère. Il y a chez lui quelque chose de la tradition juste et grave des photographes de la Farm Security Administration lâchés dans l'Amérique rurale entre 1934 et 1939, en pleine récession. Je pense à ces photographies pudiques et vraies de Dorothea Lange où la même densité transparaît. Mais aussi aux gris contrastés des haies et des granges de Paul Strand. "(...) (p. 93)
Il est des coïncidences amusantes... Je viens d'achever le dernier ouvrage autobiographique de Michel le Bris [cf. "Pour l'amour des livres" ], où il parle avec un enthousiasme non feint de N.C. Wyeth, célèbre illustrateur, et père d'Andrew W. [***Je trouve d'ailleurs dans la bibliographie de cet opus de Patrick Cloux, un ouvrage de Michel le Bris , consacré exclusivement au père, chez Hoëbeke , 2000 ]
Patrick Cloux rend un merveilleux hommage à ce créateur.. nous offrant une analyse détaillée, très fine de l'oeuvre de ce peintre inclassable. Un grand Merci à l'auteur pour ce texte pétri d'émotion et d'admiration....pour un peintre à redécouvrir ou à connaître de "toute urgence" ...!!!
A voir : https://www.youtube.com/watch?v=sbYD0o01p70
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La vieille Amérique est là dans sa banalité, aiguisant des nostalgies par une suite de nouvelles toiles. Rien n'est alors plus vivant que cette ferme. Il peindra le coin de traite, l'entonnoir et les filtres à lait, le hachoir, les seaux, le boudin pendu au cellier. Le peintre est aussi leur peintre, celui qui sait rendre autrement l'ordinaire. L'agrandissant. Cette distance est un enrichissement, une fidèle attention. Cela lave des soucis où l'on se trouve, de la tristesse aussi. (...) Chacun est moins figé. Il connaît tout le monde, prend des nouvelles. Andrew est attaché au courage de ces isolés. Il se sait sur les traces d'une sociabilité qui s'achève. Et cela est d'autant plus émouvant de vulnérabilité. (p. 69)
On lui doit, jusqu'à la fin de sa vie, une attention particulière aux arbres , une minutie extrême de leur rendu. Il vit uniquement à partir des équations d'une vie campagnarde, qu'il fait sienne, loin, très loin des des questions urbaines, de la politique et de la sociologie. Son envie d'exactitude et d'émotion le pousse seulement vers l'architecture déployée d'énormes platanes, vers des pins tordus ou des sycomores. Soucieux de leur déploiement. Attaché à leur verticalité. A l'essence pionnière de leur vérité. (p. 133)
Wyeth ne peint jamais à la légère. Il y a chez lui quelque chose de la tradition juste et grave des photographes de la Farm Security Administration lâchés dans l'Amérique rurale entre 1934 et 1939, en pleine récession. Je pense à ces photographies pudiques et vraies de Dorothea Lange où la même densité transparaît. Mais aussi aux gris contrastés des haies et des granges de Paul Strand. (...) (p. 93)
Au sortir de la guerre, son père, illustrateur très connu, trouva la mort à deux pas de chez lui (...)
peindre n'était plus un exercice mais une manière à peine voilée d'aborder sa propre mort. Mais aussi celle des autres. Celle récente de la présence tutélaire d'un père vénéré. (p. 30)
Profondément terrien et nourri d'inspirations océaniques sans cesse mêlées, il est le grand peintre des côtes atlantiques du Maine, des gens, des bois et des prés autour de Chadds Ford en Pennsylvanie où maintenant il repose, ouvrant pour d'autres , en cette éternité toute relative de l'art, l'âme et le corps à une véritable -géopoétique- des lieux. (p. 134)