Le poète est un créateur, il fait advenir ce qu'il veut en puisant dans le réel qu'il réinterprète à sa guise, ou dans son imaginaire, sa vision personnelle, qui en quelque façon se rattache toujours un peu au réel.
Edouard Glissant est poète ; il s'est qualifié comme tel, et comme tel il a créé des pensées, des concepts, de nouveaux mots, et même une philosophie métissée de poésie. A escient, il fond dans le creuset de sa pensée les deux genres ; le poète s'octroie tous les droits, y compris celui de se montrer abscons.
Abscons dans la création et la qualification de sa pensée ; celle-ci est dite archipélique par opposition à la pensée des continents qui finissent eux aussi par s'archipéliser. Qu'est-ce à dire ? Que la diversité, peut-être, se donne à voir, s'exprime partout dans la totalité du monde, non pas dans un isolement absolu, mais dans une relation avec le
Tout-monde - autre concept d'
E. Glissant.
Dans ses déambulations poétiques et martiniquaises, il me fait me ressouvenir de mots vernaculaires que, dans ma Bretagne d'adoption, je ne pratique plus.
Il rend un bel hommage aux chantres de la négritude et rafraîchit nos mémoires des histoires particulières et des crimes singuliers de l'histoire que la narration des vainqueurs tend à effacer ; il le fait par évocation, ellipse - ainsi les histoires des diasporas du Sud, des Afriques comme il dit, etc.
On finit par comprendre que cette philosophie de la relation veut restituer la dignité aux uns, provoquer la prise de conscience des autres dans une relation de fraternité, ou quelque chose d'approchant..., et ce, en dépit du chaos du monde.
De toute manière, le réel impose la diversité des cultures, des êtres, des visions, des pensées, et le lien nécessaire entre tout ceci, puisque le monde est devenu village ; village creuset de créolisation, comme la Martinique par exemple...
Les poètes ne s'expriment pas comme tout le monde, ai-je bien saisi Glissant ?
Pat.