Même s'ils sont tous deux très différents, ce roman d'
Hortense Dufour et "
Umami" de
Laïa Jufresa dont je vous ai parlé la semaine dernière m'ont laissé la même impression. Il a fallu que je me batte un peu pour pouvoir y entrer et y trouver ma place. Il a fallu que je passe une sorte d'épreuve pour être acceptée par ces pages. Il a fallu des pages et des pages pour que les personnages m'ouvrent leurs portes. Je n'ai pas l'habitude de me battre pour lire. D'habitude, j'aime quand je suis happée dès les premières lignes. J'aime qu'on m'ouvre grand les bras, qu'on m'emmène ailleurs et qu'on m'accepte sans condition. Pourtant, ces épreuves et ces batailles en valaient la peine. Quelle récompense au bout de chemin...
Si l'écriture d'
Hortense Dufour m'a vraiment déconcertée au début, j'ai fini par l'apprécier. Il y a du charme, de la force, de la passion, de l'authenticité, et ça colle vraiment bien à l'histoire ou plutôt aux histoires que l'auteur nous raconte. Ces histoires, ce sont celles des habitants d'un petit village-îlot charentais. Là-bas, on naît, on travaille dur, on apprend de ses aïeux, on vit ensemble, on se marie, on meurt mais on ne quitte que rarement
Port-des-Vents ou alors on y revient. La vie y est à la fois dure, modeste et authentique. On suit plus particulièrement les femmes d'une même famille qui vivent ou ont vécu dans la même maison de pêcheurs, se sont transmises le savoir-faire et les valeurs, année après année, ont partagé les secrets, les souffrances, les joies et les peines. Adèle, Adrienne, Marjolaine, Indiana, Elena. Toutes sont des femmes fortes, passionnées et passionnantes que l'on n'a plus envie de quitter et encore moins d'oublier.
J'ai particulièrement aimé l'histoire si touchante de Pierre et Marjolaine. Un amour de toujours, comme une évidence qui est plus complexe qu'il n'y paraît, un vrai coup du sort. J'ai aussi beaucoup aimé la magnifique et mystérieuse Adrienne que les gens admirent et fuient en même temps. J'ai aimé la description des tâches quotidiennes notamment la préparation des repas. On croirait être à côté de ces femmes et sentir toutes ces bonnes odeurs de plats préparés avec des gestes sûrs mille fois reproduits. J'ai aussi adoré tous les passages qui concernent les naissances et les décès et toutes les traditions liées à ces évènements.J'ai été très touchée par toutes ces histoires de femmes. Ces femmes qui encaissent sans broncher le labeur et la douleur. Ces femmes qui sont parfois envoyées vers une vie qu'elles n'ont pas choisi et qui regrettent parfois toute une vie un instant d'insouciance. Ces femmes punies d'être trop belles ou qui se punissent parfois elles-mêmes de s'être égarées un instant. Ces femmes qui génèrent tant de passion, qui survivent aux hommes et à ceux qu'elles aiment, qui n'ont d'autres choix que de reproduire les mêmes gestes encore et encore pour ne pas sombrer et pour que survive la lignée et la vie à
Port-des-Vents. Ce sont les piliers du village, les fondations de la famille. Sans elles, il n'y aurait plus rien. le vent aurait tout envoyé au loin.
J'ai aimé la fougue de l'auteur, la façon dont elle nous raconte la vie à
Port-des-Vents et ses personnages. Il y a des passages vraiment magnifiques et très forts. de la poésie et de la passion. Là-bas, rien n'est à moitié. Tout est intense et passionné. On aime, on déteste, on jalouse, on souffre toujours à l'extrême. C'est à la fois beau et violent. A
Port-des-Vents tout se sait, rien ne s'oublie. On vit avec sa famille, son histoire, son passé. On se transmet le bon comme le mauvais. La vie est dure à
Port-des-Vents et pourtant chacun accepte le rôle qu'on lui confie. On dirait que le temps n'a pas d'emprise sur cette vie-là. Les gens n'ont rien mais donnent tout. Ils s'épuisent à la tâche et s'ils s'arrêtent c'est comme s'ils acceptaient de mourir. Il y a une rage de vivre, un courage qui n'a pas d'égal. Et pourtant, le courage, est-ce que ce ne serait pas justement de quitter cette vie-là ? Si le début de ma lecture a été difficile, j'ai finalement beaucoup aimé cet endroit, ces histoires, ces gens. Passionnément. On adore ou on déteste. Il ne peut en être autrement à
Port-des-Vents.
En quelques mots :
Il a fallu que je m'accroche et que je sois patiente, mais j'ai finalement succombé au charme de
Port-des-Vents. Il y a, dans ce roman, de l'amour, de la violence, de la force, du courage et beaucoup d'authenticité. C'est un roman intense et poignant avec lequel il n'y a pas de demi-mesure. On adore ou on déteste !
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