Curieux de découvrir une auteure liée au surréalisme, et sachant que Michaux l'appréciait, je m'attendais à prendre du plaisir à cette lecture. Malheureusement j'ai très vite décroché dans la première partie consacrée à la prose. Pas moyen ensuite de rentrer dans la deuxième partie consacrée aux poèmes. La thématique sexe/mort omniprésente ne me convient pas. Tant pis pour moi !
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Connais-tu la vieille femme qui veille
A la porte de la mort
Elle arbore une perruque couleur de cafard
Dans sa bouche niche une dent de cheval
Fruit de la rancune
Cadeau du vent fou
Je ne sais
Elle troue sa langue de sa point acérée
Si elle mange elle renaît dans l'enfer des affamés
Prix à payer à la chance qui, elle, porte un râtelier
Inaccessible à la maladie
Esclave d'un esclave
Elle connaît le chemin du retour
Mais ne saurait s'y rendre
Car ses jambes coupées se fanent dans un vase
Et sa bouche pleine de boue
Rit le rire maniaque des fèves d'Istanbul
Elle glisse glisse d'un rêve à l'autre
Dans le sommeil granitique
De la tombe
Connais-tu l'odeur de la boue
Qui suinte entre ses dents pourries
Ces dents piliers de basalte
Érodées par des vagues de viande
Dents de la vieille femme qui veille
A la porte de la nuit
Elle couvre nos morts de sa langue sucrée
Malaxant ceux qui hier encore oui seulement hier
Parlaient haut marchaient droit
Dans la vase gluante de sa salive mortifère
Elle retient son souffle quand le vent solaire s'abat
Du haut de la montage
Dans sa bouche la boue devient poussière
Vite avalée avant la prochaine grande marée
De boue
Et l'homme dit à l'homme
Pourquoi coulez-vous si tranquille
Et l'homme répondit à l'homme
Vous coulez vite et moi lentement
Malgré cela nous nous enfonçons tous deux
Chacun dans son abysse assigné
Voilà tout
J’ai volé l’oiseau jaune
Qui vit dans le sexe du diable
Il m’apprendra comment séduire
Les hommes, les cerfs, les anges aux ailes doubles,
Il ôtera ma soif, mes vêtements, mes illusions,
Il dormira,
Mais moi, mon sommeil court sur les toits
Murmurant, gesticulant, faisant l’amour violemment,
Avec des chats.
CRIS
Extrait 2
Insensiblement tu glisses vers la folie des rêves.
Insensiblement tes yeux se ferment à la vie.
Tes prunelles dilatées se noient dans l’océan blanc.
Ta bouche tombe en versant le trop-plein
De ta cervelle sans amarres
De ta langue paralysée.
La chambre toute la chambre se crispe en attendant
Tes hallucinations.
"Venez, ne bafouez pas mes bras. Suivez-moi, âme ailée, dans l'emportement extatique de la masturbation, venez, mes organes vous appellent. " Le perroquet enlevait son tablier et plongeait dans la femme ouverte. Après des heures de sourires figés et d'attouchements sournois, Marie fourrait son mamelon dans le bec jauni par la jactance, et engageait le langage désespéré, inhumain des yeux. Le perroquet cédait toujours. Il devenait rose, grassouillet, ses plumes s'éclipsaient, son bec aussi. Du lait gonflait le sein offert et Marie était enfin soulagée. Les pensées de la femme et de l'oiseau miroitaient sur les murs; même les tapis se tatouaient de vice.
L’empire du serpent
extrait 4
Il y a pulsations passion plaintes et prière
Au cœur de ces rocs austères
Bornes qui ornent le désert armé
Le désert armé de son haleine granitique
Soufflant soufflant frénétiquement absent
Il harcèle la momie accroupie dans ses bandelettes
Il dépouille la dépouille de ses rêves impubères
Décapant le squelette ivre de solitude
Il claque des dents et
Les dunes s’effritent le sol perd ses écailles
Qui dit qu’une tombe est ouverte ou fermée ?
…
Joyce MANSOUR – La femme surréaliste (France Culture, 2005)
L’émission « Poésie sur parole », par André Velter, diffusée le 4 septembre 2005.