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EAN : 9782715229464
300 pages
Le Mercure de France (04/02/2010)
3.78/5   30 notes
Résumé :
« Je suis la femme de Daniel Leroy et la maîtresse d’un secrétaire d’État macoute. C’est vrai je suis lâche, j’aurais pu me battre, refuser, crier au scandale. Mais j’aurais été seule, tout à fait seule. Seule face à la peur. J’aurais pu disparaître, me faire torturer et violer, comme il y a quelques années, au tout début de la dictature, cette journaliste, mère de cinq enfants. Maintenant la peur couche dans mon lit, je la baise, lui donne du plaisir, je profite d... >Voir plus
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Nous sommes en Haïti. Aux premières années du duvaliérisme. Daniel Leroy est un opposant communiste au régime dictatorial qui se met branle progressivement. Il est arrêté sous le prétexte de pamphlets violents qu'il adresse au pouvoir haïtien, mais en fait c'est pour la tentative de fomentation d'une insurrection armée contre le régime de Duvalier qu'il est incarcéré.

Le roman débute avec Nirvah, la belle mulâtresse qui frappe à toutes les portes pour extraire son mari des geôles de Papa Doc. le désespoir l'a conduit dans les bureaux de Raoul Vincent, secrétaire d'état, chargé de la police politique. Un homme puissant, violent, noir, laid, complexé. L'impact de cette rencontre sur Nirvah, ses enfants, son entourage, le secrétaire d'état, est l'objet du traitement de Kettly Mars.

Saisons sauvages porte très bien son titre. Sauvage, brutal, implacable est le système macoute que Duvalier et ses sbires posent les épaules des haïtiens. Par des artifices variés, Kettly Mars nous plonge dans cette ambiance délétère par entre autres les notes du journal intime de Daniel Leroy que sa femme découvre peu de temps après sa disparition. Elles constituent une première voix de ce roman polyphonique. Mais le chaos de ce système répressif s'exprime aussi au travers de celui qui le caractérise le mieux, Raoul Vincent, tout puissant qui déploie son énergie à posséder intégralement Nirvah.

Des choix s'imposent à Nirvah. Aucun ne semble s'ouvrir vers une issue heureuse. Mais, il faut survivre. Ses enfants et elle. Kettly Mars nous fait vivre au travers la tragédie de la famille Leroy, toute la violence du système duvaliériste qui fait écho à bien des systèmes totalitaires. Elle offre un portrait d'un homme de pouvoir à la fois passionnant et terrifiant qui laisse sa prédation s'exprimer sur cette famille. Mais, c'est avant la figure de la femme, de Nirvah, incarnation du peuple violentée qui fait l'objet du traitement de l'auteure.

Pouvoir et sexe, mulâtres et noirs, c'est avec une très belle plume, maîtrisée, agréable, sensuelle toujours marquée par un équilibre certain, qui nous épargne le graveleux.

C'est donc une nouvelle découverte de cette littérature haïtienne qui me donne l'occasion de mieux appréhender l'histoire contemporaine de ce pays, de mieux saisir les textes de René Depestre « le mât de cocagne » et « Hadriana, de tous mes rêves » qui évoquent la même époque et la question du noirisme. Kettly Mars y fait camper des personnages troublants, violents, passionnés ou résignés, qui sous la férule d'une dictature féroce, tentent de survivre pour le meilleur et pour le pire.
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Nous remercions les éditions Mercure de France qui, dans le cadre de l'opération "Masse Critique" de Babélio, nous ont permis de découvrir à titre gracieux le dernier roman de Kettly Mars : "Saisons Sauvages." ;o)

Le 22 septembre 1957, le Dr François Duvalier, qui s'était lancé dans la politique dès la fin des années trente, est très légalement élu à Haïti lors d'un scrutin qui lui rapporte plus de soixante-pour-cent des voix exprimées. Son programme, qui se veut "pro-négritude", exprime l'idée que les Noirs doivent occuper les postes-clefs au détriment des mulâtres, contaminés à jamais par le sang blanc qui, dans différentes proportions, coule dans leurs veines. C'est évidemment une politique raciste, sous-tendue par l'idée que la lutte des classes ne peut s'affirmer que par celle établie entre les Noirs et les mulâtres.

Il ne lui faudra que trois ans pour réécrire la Constitution haïtienne et s'auto-proclamer président à vie du pays. Il a chassé ou fait assassiner les militaires qui auraient pu s'opposer à lui et formé, dès juillet 1959, à la suite d'un attentat, la "Milice des Volontaires de la Sécurité nationale", dont les membres, qui lui sont tout acquis, sont mieux connus sous le surnom de "Tontons macoutes", terme équivalent en Haïti à notre croquemitaine. Les Macoutes ne perçoivent aucun salaire et se paient sur le peuple qu'ils sont censés protéger : viols, crimes, exactions de toutes sortes, tel est leur credo quotidien.

Lorsque débute le roman de Kittly Mars, cela fait déjà un an que l'île est aux mains des macoutes. Daniel Leroy, officiellement journaliste de l'opposition modérée mais en réalité militant communiste influent, vient d'être enlevé par la police politique. Il faut préciser que, bien que Duvalier ait, à l'origine, flirté avec le communisme, cette idéologie n'est désormais plus à la mode et que cette décision a permis au dictateur d'obtenir le soutien des Etats-Unis, alors en pleine Guerre froide.

Leroy est un personnage qu'on ne verra jamais. le lecteur apprendra à le connaître par les extraits de son journal, extraits qui constituent l'une des voix du roman, les deux autres étant celles de Nirvah et de son amant. C'est le militant classique, sincère mais borné et d'une incroyable naïveté, incapable de comprendre que, dans son propre parti, certains sont prêts à le vendre. Pour moi, je l'avoue, il m'a fait l'effet d'un intellectuel sympa mais bien falot.

Il a épousé Nirvah, une belle mulâtresse issue d'un milieu social plus aisé, dont il a eu deux enfants, Nicolas et Marie. Elle ne travaille pas et, lorsque son mari s'évanouit dans la nature, ne laissant derrière lui que sa voiture, sur une route désolée, la jeune femme se résout à demander une entrevue auprès du Secrétaire d'Etat à la Sécurité publique, Raoul Vincent. C'est évidemment se jeter dans la gueule du loup, elle le sait mais n'a pas d'alternative.

A partir de là, nous avons le schéma classique : le Macoute qui se prend d'un désir fou pour la Mulâtresse et qui lui révèle même des plaisirs insoupçonnés, les voisins qui jasent et méprisent, et toujours le flou complet quant à l'avenir de Daniel Leroy.

Puis nous tombons dans l'outrance, non que les faits ne soient pas envisageables mais parce que le lecteur ne parvient pas un seul instant à y croire tels qu'ils nous sont présentés : Raoul Vincent séduit également Nicolas (quinze ans) et Marie (à peu près le même âge). Petit couplet sur les amours grecques dans le premier cas (Vincent n'est pas un ignare) et la traditionnelle relation compliquée entre une mère trop belle et sa fille adolescente dans le second. Finalement, Vincent, dont la situation est de plus en plus menacée au gouvernement, donne de l'argent à Marie pour qu'elle avorte (car elle est tombée enceinte de ses oeuvres, bien entendu), et de l'argent à Nirvah pour qu'elle quitte le pays que lui -même s'apprête à fuir avec sa famille légitime. Vous l'aurez deviné : personne n'y réussira ...

Ce qu'il manque à ce roman, c'est la mise en place du contexte historique - lequel, quoi qu'on en dise, n'est pas évident pour un lecteur extérieur à Haïti - mais surtout, la puissance d'évocation. le style, correct, est celui de n'importe quel écrivain de base, sans plus. Les personnages, outre leur comportement outrancier, que la situation complexe dans laquelle ils se trouvent ne parvient jamais à justifier ou, à tout le moins, à expliquer, sont à la fois stéréotypés et superficiels. L'intrigue relève non du drame mais du (mauvais) mélo. Quant à la passion, il ne suffit pas de s'échauffer en décrivant les scènes de sexe pour réussir à l'atteindre.

Bref, une déception.* Mais ce n'est, bien sûr, que mon avis personnel. ;o)
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1962. le duvaliérisme s'installe à Haïti. Ce terrible huis clos le dévoile avec une rare sauvagerie.

Publié en 2010, le quatrième roman de l'Haïtienne Kettly Mars (que l'on retrouvait récemment dans "Haïti noir", la belle anthologie parue chez Asphalte) est une incursion décidée et extrêmement incisive dans les noires années du duvaliérisme en cours d'installation (1962-1963).

Nirvah, la magnifique femme de l'opposant politique Daniel Leroy, en apparence relativement modéré, découvre après sa disparition / arrestation, en lisant le journal intime qu'elle découvre par hasard, que son mari était beaucoup plus radical qu'elle ne le pensait, et fomentait bien un soulèvement contre l'horreur du régime en cours d'installation, comme le savait la police politique, opportunément renseignée par un traître chez les clandestins, et par un réseau d'indicateurs au quotidien déjà beaucoup plus développé et solide que ce qu'imaginaient les opposants...

Pour obtenir un assouplissement du régime réservé à son mari, Nirvah Leroy obtient un rendez-vous avec le tout-puissant secrétaire d'Etat en charge de la sécurité, qui, assez rapidement, fait d'elle sa maîtresse attitrée, en lui obtenant maints avantages et améliorations plutôt spectaculaires de sa vie, pour elle comme pour sa fille de 15 ans et son fils de 13 ans...

Mais la stabilité des cadres du régime est alors bien incertaine, et les sombres menées des dignitaires macoutes les uns contre les autres peuvent rapidement changer les situations de chacun, pour le meilleur ou pour le pire...

Roman de l'espoir illusoire, de l'abus permament du pouvoir, de l'horreur, de la lâcheté et de la compromission, il est servi par un très fort sens du récit et de la dissimulation (crédible) au lecteur : les dévoilements surgissant au fil des monologues intérieurs de ce noyau resserré de protagonistes (Nirvah, sa fille, le secrétaire d'Etat) sont en effet, comme le titre du roman, le laissait supposer, "sauvages" : la violence et la corruption morale tous azimuts ainsi mises en scène révèlent avec une force odieuse l'essence du duvaliérisme. Et comment chacun pouvait (et peut) y contribuer.
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On se retrouve en Haïti en pleine période de dictature de Jean-Claude Duvalier qui a instauré un régime totalitaire dans cette ile pendant les années 60.

Toute personne se dressant contre lui est soit tué, soit emprisonné. Tel fut le cas de Daniel Leroy.

Du jour au lendemain, sa femme et ses deux enfants se retrouvent livrés à eux-mêmes. Nirvah frappe à toutes les portes pour essayer de tirer son mari de cet enfer.

Elle finit par demander de l'aide au Secrétaire d'Etat, Raoul Vincent, qui va profiter de la situation pour s'approprier cette famille.

Jusqu'où peut-on aller pour protéger les siens ? Doit-on se renier en tant qu'être humain ?

Nirvah se posera la question longtemps avant de céder aux avances de Raoul mais après elle ne pourra plus revenir en arrière.

L'auteur nous raconte ainsi comment Nirvah se débat entre la jouissance et le dégout que lui inspire cette relation. Mettre sa famille à l'abri semble pour elle la meilleure chose à faire malgré le qu'en dira-t-on.

Toute à la certitude de ne jamais revoir son mari vivant, elle choisit la solution qui la mettra à l'abri du besoin et qui assurera la sécurité de ses enfants.

En mêlant la petite histoire à la grande, Kettly Mars nous dévoile un pan méconnu de l'histoire d'Haïti. J'avoue avoir appris beaucoup de choses.

Je me suis attachée au personnage de Nirvah et je me suis posée la question : qu'aurais-je fait à sa place ? Entre la théorie et être mise devant le fait accompli, il n'y a qu'un pas.

Encore une belle découverte en ce début d'année.
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L'histoire se déroule à Haïti dans les années soixante, en pleine période François Duvallier (papa doc) qui fait peser sur le pays une terreur sans précédent et une dictature impitoyable qui conduit les opposants à une disparition pure et simple. Daniel Leroy, journaliste, est considéré comme un dangereux communiste, il écrit des articles dénonçant les violations des droits de la personne, les viols de constitution … Ses accusations le conduisent à Fort Dimanche, haut lieu de la détention, où chaque jour des hommes meurent de privations, de torture, de maladie et de désespoir. Nirvah, son épouse, qui a trouvé son journal intime sur lequel il notait ses idées gauchistes, n'arrive pas à avoir de ses nouvelles. Pour essayer de le sortir de ce mouroir elle va plaider sa cause auprès du secrétaire d'état, Raoul Vincent, un homme obscène qui joue avec la vie de personnes pour arriver à ses fins. Il la fait attendre des heures avant de la recevoir dans le but de la mettre mal à l'aise, mais quand il la voit c'est le coup de foudre, et dès cet instant, profitant des circonstances, il va tout faire pour la posséder, lui qui n'aurait pas pu approcher cette mulâtresse si belle. Par amour pour son mari, qu'elle veut sauver de la mort, elle va jouer avec le feu. Mais jusqu'à quel point joue-t-elle ? Même si elle se sent coupable, être la maîtresse d'un homme fort du gouvernement n'a pas que des désagréments encore faut-il supporter les regards inquisiteurs des voisins et les questions muettes de ses enfants. Elle semble oublier les rumeurs qui circulent sur Raoul Vincent qui s'installe dans son foyer et qui va chercher à s'approprier ses enfants, elle oublie de penser à Daniel, mais les disgrâces dans ce pays ne sont jamais loin et un revirement de situation est juste derrière la porte.

Mon avis : Ce livre nous parle de la dictature et du pouvoir de certains hommes, terreur, traumatisme et destruction sont décrits dans ces pages. Il nous parle aussi de l'oubli, de l'oubli qui s'installe au fil du temps et au gré des circonstances. C'est l'histoire d'une femme qui trahit son mari, ses enfants, ses amis, mais qui malgré tout, arrive à être touchante. Au début certains personnages ou situations sont dérangeantes mais cette femme avait-elle vraiment le choix si elle voulait réellement sauver son mari et sa famille. Au premier abord j'ai été un peu déroutée en lisant le début de ce livre, certains personnages ou situations sont dérangeantes mais j'ai eu envie de continuer pour en connaître la suite. de page en page on suit les personnages dans leur descente aux enfers, on suit l'engrenage dans lequel est entraînée cette femme plus maîtresse de son destin, dans une atmosphère de mépris et d'impuissance face au bien-être et aux privilèges d'un petit nombre d'hommes. C'est une première rencontre avec cette écrivaine haïtienne qui s'insurge sur la dictature qui a duré trente ans dans son pays, une époque qui a été son quotidien même si elle n'en a été victime. C'est un ouvrage qui ne laisse pas indifférent.

Merci à Masse Critique de Babelio et aux éditions Mercure de France pour l'envoi de ce livre, qui signe également mon premier partenariat !

Lien : http://lire-visionner-creer...
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
J'ai rejoint le club de maîtresses de macoutes, de celles qui jouissent de privilèges évidents mais qui connaissent aussi la précarité de leur position dans cette Haïti où le pouvoir joue sans cesse à une macabre chaise musicale. Après être passée par de douloureuses phases de détresse, jai arrêté d'avoir honte, de fuir le regard des autres, de me torturer, de me condamner.
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L'électricité du bijou pénétra sous ma peau, comme un virus. Dans la rue je me suis sentie une autre femme, m'attendant à ce que chaque personne que je croise découvre sur mon visage l'empreinte du désir du secrétaire d'Etat. Un sentiment qui me troubla au plus profond de mon être.
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Pour Papa Doc, le chef suprême de la république des nègres libres, toute reconnaissance est lâcheté. Il le rappelait à qui voulait l'entendre. La gratitude n'est qu'une faiblesse parce qu'on en veut toujours à celui qui nous soulage d'une misère où nous n'aurions pas dû nous retrouver au prime abord et pour laquelle ce bon prochain devait sûrement compter une part de responsabilité. Pourquoi d'ailleurs nous aiderait-il, si ce n'était pour se soulager du sentiment de culpabilité qui lui collait à la peau? Le principe duvaliériste de survie est de mordre la main de qui vous secourt, de lui manger tout le bras même, s'il le faut.
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Ce n’est pas sans raison que je garde toute cette volaille autour de moi, Voisine,que je les nourris. Je n’y touche jamais. Je ne tue que les bêtes que je fais acheter au marché. Ces animaux que tu vois là sont comme des paratonnerres. Quand la mort, le malheur, la déveine et les mauvais esprits visitent un lieu, ils restent un premier temps à l’affût, retirés dans les recoins des demeures, attendant de pénétrer l’intimité des chrétiens-vivants.
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De temps en temps la révolution dévore l'un de ses fils, semant le trouble et la confusion dans le cercle des proches. Alors les autres doivent asseoir leur allégeance par encore plus de cruauté. On rivalise de zèle sanguinaire, on trahit ses amis. Les diatribes à la radio annonçaient les couleurs.
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Vidéo de Kettly Mars
Kettly Mars - L’ange Du patriarche
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