Ça commence avec une lettre qui pose l'amour en soin brutal
« T'es un garçon ou une fille » berce l'enfance alors la solitude préférable et la nature de « serrer contre elle sans défaut ».
« le monde n'a plus de patience envers moi » dit terrorisée la fille qui ne sait pas ce qu'elle est. Faut-il une étiquette ?
L'horreur de l'enfance dans un brouillard qui ne détermine jamais et subit la colère la violence le manque d'amour de compréhension. Ça abime tu sais.
J'ai envie de dire pardon à tous ces enfants qui ne se sentent pas au bon endroit et qui n'ont pas de replis et personne pour leur dire qu'ils comptent, que leurs vies méritent considération.
De l'importance des modèles ou puiser pour l'avenir, des êtres qui disent ce que l'on peut devenir.
Poser les yeux sur sans reproches derrière pupilles. Ce que l'autre voit est égale si protection.
Une lecture vraiment éprouvante qui étreint prend aux tripes. Une envie viscérale de protéger de dire ne t'assumes pas pour ne pas subir ces ignominies permanentes. La vie sordide décortiquée.
Que faisons-nous de nos différences ?
A nu l'extrême vulnérabilité de ceux payant cher de s'assumer autre.
C'est l'entraineur qui siffle la fin du viol collectif comme une fin de match puis crache salope sur la victime.
C'est la police qui rafle systématiquement avec sadisme et viol pour remettre en place pour assouvir pour briser
Ces hommes jusqu'à l'os pourrissent de sordide tête contre étron corps poubelle à pénis tordus
C'est l'indignité
Le pouvoir démesuré d'anéantissement des uns sur les autres.
Chaque viol chaque torture un bout d'âme
C'est aussi la solidarité face famille inventée délitement face abandon face risque
Plusieurs faces à la même pile de débris et parfois un trésor d'allégresse ressaisit pour encore.
C'est l'impuissance.
L'initiatique chemin de croix mâchoire cassée et les désirs de ravaler.
C'est la lutte
L'organisation du travail dans ces années-là aux États-Unis le fonctionnement des syndicats si spécifiques l'industrialisation qui ravage.
C'est l'amour et l'amitié, le désir et les blocages aux corps.
C'est douloureux
les sévices subis permanents ça remplit la gorge de désespoir.
Pour autant les descriptions de violences ne sont jamais gratuites, jamais voyeuristes mais elles présentent le monde subit. J'aime les précautions pour être le plus exhaustifs possible le plus compréhensible à la différence (culture genre…) que l'autrice et la traduction prennent.
C'est un livre qui ouvre le monde, qui pousse dans les retranchements qui cherche au fond nos préjugés pour les piétiner c'est un livre digne et important
Lisez- le !
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Dans sa postface, l'autrice dit "j'ai écrit ça, non pas comme une expression artistique individuelle "élitiste", mais comme un tract imprimé par un•e syndicaliste prolétaire - comme un appel à l'action."
Ce roman est bouleversant, je ne sais pas comment le décrire tellement c'était beau... Incontestablement ma meilleure lecture de cette année.
Ce récit raconte la vie d'une femme butch dans les années 50-70 aux États-Unis. Entre les personnages, la solidarité se développe naturellement, parce qu'elle est vitale pour faire face au monde transphobe et tellement injuste qu'ils devront affronter.
La révolte est le sentiment qui prédomine au début du livre. S'en suivent des questionnements essentiels sur l'identité et le genre, pour finir par de l'espoir et de la nostalgie.
Ce récit individuel est très ancré dans son époque. C'est l'occasion pour l'autrice de revenir sur les principaux combats qui ont marqué cette période aux États-Unis.
TW : Au début du livre, il y a des descriptions de scènes extrêmement violentes (qui m'ont littéralement données la nausée). Cette violence n'est pas gratuite mais elle est à signaler.
"- Je ne saurais pas dire si c'est l'aube ou le crépuscule que tu as peint.
Elle a souri en regardant le plafond.
- Aucun des deux. Les deux. Est-ce que ça te perturbe ?
J'ai hoché la tête doucement.
- Ouais, c'est bizarre, mais d'une certaine manière ça me perturbe.
- Je m'y attendais. C'est une partie de moi que je dois apprendre à accepter. J'ai pensé que peut-être toi aussi tu avais besoin de faire ça. [...] Ça ne sera jamais le jour ou la nuit, Jess. Ça restera toujours ce moment de possibilités infinies qui les relie."
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Ce roman inspiré de la vie de l'autrice est un bijou. Il raconte la vie de Jess, dont le corps et le comportement ne conviennent jamais à l'entourage, qui n'arrive pas à l'assigner, la faire coller aux normes.
Elle est d'abord une femme lesbienne butch, puis un homme trans qui prend des hormones pour sortir de la violence par un passing, puis qui arrête les hormones pour redevenir un il•elle, assez indéfini pour être repérable et vulnérable.
Cet itinéraire particulier permet de montrer tous les enjeux et questionnements autour du genre, de façon très pratique, prosaïque : quelles toilettes utiliser ? (Une question récurrente) Comment aller à l'hôpital avec des papiers que les soignants croiront faussés ? Parvient-on à se laisser toucher ou non pendant l'amour ?
Le personnage principal est incroyablement attachant. Il subit des violences psychiques, physiques, raconte les violences policières et les descentes de police en bars et boîtes de nuit lgbt+, et malgré tout ce qu'il subit il garde un regard plein de tendresse voire de candeur sur le monde. Il est ouvert à la rencontre et en fait de merveilleuses, relatant son parcours amical et amoureux avec grande beauté.
Mais ce n'est pas tout. Ce livre est un roman de luttes, dans lequel l'autrice a mis toutes ses tripes. Dans un cadre de vie prolétaire dans les années 50-70, elle narre les luttes syndicales, féministes, antiracistes, LGBT+... sans oublier de montrer les divergences au sein de sa propre communauté. C'est un roman intelligent et sensible, qui m'a fait réfléchir et m'a énormément touchée.
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Je n'ai pas voulu être différente. Je désirais être exactement ce que les grandes personnes voulaient que je sois, pour qu'elles m'aiment. Je suivais toutes leurs règles en faisant de mon mieux pour leur plaire. Mais il y avait quelque chose chez moi qui leur faisait froncer les sourcils et se renfrogner. Personne n'a jamais mis de mots sur ce qui n'allait pas. C'est pour ça que j'ai eu peur que ce soit vraiment grave. J'ai seulement appris à en reconnaître la mélodie à travers cet incessant refrain :
- C'est un garçon ou une fille ?
- Corbeau, t'es un garçon ou une fille ?
- Croa, croa
J'ai rigolé et je me suis allongée sur le dos. Le ciel était d'un bleu profond. Je m'imaginais que j'étais couchée sur des nuages de coton blanc. La terre était humide dans mon dos. Le soleil était chaud, l'air était doux. Je me sentais heureuse. La nature me serrait contre elle et semblait ne me trouver aucun défaut.
La dernière fois que les flics l’avaient tabassée, elle avait failli en mourir. Jan avait entendu dire que Rocco avait pris des hormones et s’était fait opérer de la poitrine. Maintenant, elle travaillait comme un homme dans une équipe de construction. Jan disait que Rocco n’était pas la seule il-elle à avoir fait ça. C’était une histoire fantastique. Je n’y ai cru qu’à moitié mais elle m’a obsédé pendant longtemps. Peu importe à quel point ça pouvait être dur d’être une il-elle, je me suis demandé quel genre de courage il fallait pour quitter ainsi le sexe que tu avais toujours connu, et oser vivre aussi seule.
J’avais envie de connaitre Rocco. J’avais des tonnes de questions à lui poser. J’avais envie de voir le monde à travers ses yeux. Mais par-dessus tout, j’espérais qu’elle était différente de moi. Je craignais de voir mon reflet en elle.
Je ne dis pas qu'on verra une sorte de paradis de notre vivant. Mais le simple fait de se battre pour le changement, ça nous rend plus fort. Tu te demandes déjà si le monde peut changer. Essaie d'imaginer un monde dans lequel ça vaudrait le coup de vivre et demande-toi ensuite si ça ne vaut pas la peine de se battre pour ça...
Puis mes lèvres ont effleuré sa poitrine et un bruit s’est échappé de sa gorge. On s’est dévisagées l’une l’autre, ébahies. Elle avait un regard fixe, angoissé, comme un chevreuil dans la lumière d’une lampe torche. C’est là que j’ai compris que le sexe était quelque chose de très puissant.
Angie m’a saisie par les cheveux et a lentement tiré ma tête en arrière. Elle a approché sa bouche de la mienne, jusqu’à ce que je puisse sentir la chaleur de son souffle. Un gémissement s’est échappé de ma gorge. Angie a souri. Elle a ramené ma tête encore plus en arrière et elle a doucement fait glisser ses ongles le long de mon cou. J’ai senti une douleur de la taille jusqu’aux genoux.
Elle m’a embrassée à pleine bouche. J’avais toujours trouvé dégoutante l’idée que les adultes se lèchent la langue. J’en étais venue à penser que ce n’était sans doute pas vraiment ça qui se passait quand deux personnes s’embrassaient. Mais ce que faisait maintenant la langue d’Angie à la mienne a enflammé tout mon corps. J’ai attiré sa langue avec la mienne pour en avoir plus
Ed et moi on s’est retournées et on s’est regardées pendant un quart de seconde. C’était drôle, parce que c’était comme si on avait eu plein de temps pour se consulter. Les vieilles bulls m’avaient dit qu’il y avait des fois où c’était mieux de prendre ta raclée et d’espérer que les flics te laisseraient par terre quand ils en auraient fini avec toi. D’autres fois, ta vie ou ta santé mentale pouvaient être en danger alors il valait mieux essayer de riposter. C’était toujours une décision difficile.