"Il m'amuse, il m'amuse, il m'amuse !... Et le plus drôle, peut-être, c'est qu'en dépit de son bel âge, de son orchite éléphantiasesque, de sa faux à couper les courants d'air et de son air boniface, de sa timidité vert bouteille, on subodore, chez lui, dans son attitude envers les "dames", une sorte de distance qu'il n'a pas envers ses pairs, ses compagnons : les représentants locaux du sexe masculin. Vrai, ce bonhomme m'amuse, m'amuse... Envers nous autres, gent à gésines et lactations et menstrues... une sorte de léger mépris qui ne saurait venir de son propre esprit - inexistant -, et qu'il faut bien supposer infus au plus profond de ses veines, sinon dans un grand sac de peau et de proliférations adipeuses qui lui tient lieu de virilité !... Mépris involontaire, inconscient, sans doute, chez cet être trop volatile pour supporter un sentiment fort ; mais qui lui donne parfois une certaine aura d'ironie, lointain feu follet... et met dans ses grands yeux vert bouteille une touche légère, infinitésimale, du plus ancien, du plus modeste et du plus indéracinable "racisme" qui soit : celui du pénis contre la matrice."
Voici un extrait du roman "Un plat de porc aux bananes vertes" co-écrit par Simone et André Schwarz-Bart. Un roman témoignage dans lequel la narratrice, vieille créole terminant sa vie dans un hospice à Paris, confie ses souvenirs. Réminiscences d'une vie misérable et riche de leçons, au gré de notre regard sur les comportements humains.
Le hic, c'est que moi, ce style lyrique et emphatique, je n'y adhère pas, il me fatigue beaucoup car il m'oblige à une attention pointue inconciliable avec mon besoin de détente et de plaisir quand je me plonge dans la lecture d'un roman. Relire les phrases plusieurs fois pour espérer les comprendre, sans perdre le fil du récit, découvrir de nouveaux mots à chaque paragraphe en m'y heurtant plus qu'en les savourant, très peu pour moi.
Roman de 210 pages seulement mais qui fut un chemin de croix jusqu'à l'abandon. Le style comme le rythme auront eu raison de moi.
Challenge XXème siècle - Edition 2019
Challenge MULTI-DÉFIS 2019
Challenge PLUMES FÉMININES 2019
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Pfffff ! Je crois que rarement un petit roman (environ 200 pages) ne m'a autant fait souffrir. Je dois dire que je me suis accrochée à ma lecture puisqu'il s'agissait de valider un item difficile du challenge multi défis 2019 et mon côté obstiné m'empêche souvent d'abandonner un livre. Donc voilà j'ai pris mon courage à deux mains.
Une vieille créole se souvient de sa vie alors qu'elle séjourne dans des hospices (version polie pour dire qu'elle attend la mort). Les témoignages sur la vieillesse m'ont vraiment mise mal à l'aise: entre la pauvre dame qui ne peut pas se retenir jusqu'aux toilettes, les pots de chambre qui puent et les vers qui grouillent et le corps qui tombe en poussière. J'ai failli hurler de peur.
extrait:
La plupart des vieilles ne sont qu'à peine présentes à elles-mêmes, retenues par un fil, tels des cerfs-volants, à la poussière flétrie dont est constitué leur corps : elles voguent à l'envi dans les hauteurs de leur enfance, de leur jeunesse, traversées d'une clarté plus vive qu'un jeune soleil parisien, tandis que pour moi, sombre vache décatie), rien n'existe que les pots de soeur Marie des Anges, sur lesquels s'ouvre et se referme chacune de mes journées…
Il y a pourtant de jolies phrases mais les auteurs en font trop. J'ai mis déjà plusieurs pages avant de comprendre de quoi parlait le livre pour tout dire. Certains passages m'ont retournés le cerveau.
Style compliqué et personnage pas attachant.
Passons à autre chose.
PS: si vous avez peur de vieillir, fuyez ce livre !
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Cela m'arrive très rarement mais je n'accroche pas du tout. Peut-être ai-je apprécié ce livre au cours de mes études mais aujourd'hui, j'abandonne à la p. 67. le vocabulaire est pourtant imagé et le style chatoyant comme au temps d'avant quand écriture rimait avec littérature. L'humidité et les miasmes de l'hospice m'ont découragée.
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Un vieux livre de 1967 écrit à quatre mains. Une vielle dame martiniquaise dans un mouroir à Paris se remémore sa misérable vie aux Antilles. Ce livre ressemble à un conte créole. On y retrouve certaines expressions, odeurs, mentalités qui contrastent avec la froideur parisienne. Malgré son histoire terrible, la narratrice arrive à nous faire rire grâce notamment à son vocabulaire singulier et décalé pour nous, métropolitain.
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La plupart des vieilles ne sont qu’à peine présentes à elles-mêmes, retenues par un fil, tels des cerfs-volants, à la poussière flétrie dont est constitué leur corps : elles voguent à l’envi dans les hauteurs de leur enfance, de leur jeunesse, traversées d’une clarté plus vive qu’un jeune soleil parisien, tandis que pour moi, sombre vache décatie), rien n’existe que les pots de sœur Marie des Anges, sur lesquels s’ouvre et se referme chacune de mes journées…
Il est vrai, nos braves nègres des Antilles ont choisi l’appellation modeste de « coq », pour désigner la splendeur du pénis. Ni charrue, ni épée, ni archet ténébreux et romantique mais une petite boule froufroutante et parfaitement domestiquée. Ni charrue, ni épée : mais une volaille qui se rengorge, qui se gonfle de toutes ses plumes, qui se dresse, de toute sa hauteur, comme le témoignage le plus ridicule de notre abaissement. Car, au-dessus de la basse-cour, où les volatiles poursuivent leurs ébats insignifiants, plane le regard souriant du Maître blanc. Et le coq peut donner du bec, éblouir ou meurtrir ses petites compagnes effarouchées, « piler » toutes les poulettes qui ne sont pas restées « attachées au pied de la table » : reste qu’il n’est qu’un animal domestique. Il peut se déchirer le cœur ; mais, dans l’instant qu’il trône sur l’humble croupion d’une de ses concubines, il remplit une fonction de basse-cour.
Et si subitement les mots de ma langue maternelle me quittaient, comme ils avaient fait tout à l’heure, tandis que me souvenais involontairement de Man Louise en français de France ?… Cette langue que je ne parlais plus ne risquait-elle de m’oublier, complètement devenue qu’elle était… une sorte d’animal… un chat familier de mon cerveau… génie du lieu qui ne se souciait plus de mon accord pour entrer en transes ?…
Au vrai, pour la plupart, nous ne sommes pas bonnes et même celles qui y prétendent ne se font pas illusion ; mais quoique nous ayons « machiné » dans notre vie, les atomiseuses nous choquent, nous… tournent les sangs… De mèche avec les atomiseurs du pavillon B, elles collectionnent tous articles sur les performances nucléaires !… Dans la cour, dès qu’il fait beau, on les voit discuter avec passion du Jugement dernier, comme elles appellent la guerre atomique !… Et, depuis qu’on parle de plus en plus d’un conflit général, avec tous les événements de Corée, il y a dans leur groupe une sorte d’ardeur triomphante dont les pieux motifs invoqués ne font pas oublier l’essentielle volonté de plonger le genre humain dans leur propre agonie !
Ne jamais plus lâcher les rênes des chevaux : me souvenir qu’à chaque pas nous frôlons le précipice, eux et moi.
Vidéo de André Schwarz-Bart