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EAN : 9782702181737
552 pages
Calmann-Lévy (01/02/2023)
4.17/5   3 notes
Résumé :
Autrice d’une oeuvre aussi importante par son ampleur (plus de trente-cinq titres) que par sa profondeur, Ágnes Heller reste encore peu traduite dans notre langue. Avec Une éthique de la personnalité, le lecteur français accède enfin à une pensée majeure qui éclaire non seulement l’époque, mais également le chemin personnel de chacun.
Dans un monde où il n’est plus de principes certains s’imposant à tous, il ne peut y avoir d’éthique qu’individuelle : l’éthiq... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Merci aux Éditions Calmann-Lévy et à Babelio pour l'envoi de ce livre. Avec mes excuses pour le retard avec lequel je poste cette critique. Il faut dire que le livre n'est ni court, ni simple à critiquer, quoiqu'il se lise assez facilement.
En première intention, le type d'éthique développé dans ce livre n'emporte pas mon adhésion. L'idée de fonder une éthique sur la réalisation de soi et le développement de ses propres capacités me paraît plutôt égocentrée, le relationnel étant pour moi la pierre de touche de l'éthique. Mais je dois avouer que le livre d'Agnes Heller m'a poussé à réexaminer cette position.
Disons d'abord un mot de l'auteur. Née en 1929, juive hongroise ayant échappé in extremis aux persécutions de 1944, elle s'oriente après-guerre vers la philosophie et devient la disciple du philosophe marxiste Georg Lukacs. Réduite petit à petit au silence par le régime communiste hongrois, elle émigre aux États-Unis, où elle obtient la chaire de philosophie à la New School of Philosophical Research à New York en 1984. Dans les années 1980 et 1990 elle produit plusieurs livres importants centrés sur l'éthique. Dans les dernières années avant sa mort en 2019, elle s'est opposée au régime de Viktor Orban en Hongrie.
Le livre Une éthique de la personnalité est structuré de façon insolite: la première partie présente quatre conférences d'un professeur de philosophie new yorkais sur Nietzsche et Wagner; la deuxième est un dialogue entre deux étudiants ayant suivi ces conférences, Joachim et Lawrence, rejoints par une énigmatique jeune fille, Vera; la troisième est un échange épistolaire entre une étudiante, Fifi, et sa grand-mère, Sophie Meller, à propos du dialogue précédent, mis par écrit par Lawrence.
Pour comprendre les raisons de ce dispositif un peu compliqué il faut revenir au contenu.
L'éthique de la personnalité postule que pour adopter une position morale il faut préalablement s'être choisi comme personne morale. Il faut faire le choix de soi-même, de sa propre existence comme bonne. C'est un choix définitif qui prend pour modèle les grands hommes, les grandes personnalités, celles qui ont réalisé de grandes choses, comme Napoléon, Goethe ou Marx. Cette attitude se rapproche beaucoup de l'amor fati (amour du destin) de Nietzsche. En devenant ce que nous sommes, nous forgeons notre destinée, nous l'aimons dans tous ses aspects jusqu'au point où nous serions prêts à la revivre indéfiniment (mythe de l'éternel retour). Nietzsche avait cru trouver dans l'oeuvre de Wagner l'expression artistique de cette philosophie. Mais il a considéré que Wagner l'avait trahie dans Parsifal, où le héros revient à l'idéal du prêtre ascétique judéo-chrétien.
Voilà la substance des conférences. Dans le dialogue, les étudiants se posent la question de la possibilité même d'une éthique de la personnalité. Lawrence pense que c'est la seule possible dans le monde contemporain, tandis que Joachim considère qu'il ne peut y avoir d'éthique sans une loi morale universelle de type kantien. Ils tombent cependant d'accord sur deux maximes qui mettent en jeu les relations à autrui: Ne pas instrumentaliser autrui (Kant) et Préférer subir l'injustice que la commettre (Platon).
Enfin Fifi dialogue avec sa grand-mère à propos de sa relation avec Lawrence. Il y est question de beau caractère, de caractère sublime, et donc des rapports entre esthétique et éthique, et bien sûr de l'amour.
La construction s'éclaire déjà à la simple réflexion que l'auteur parle d'éthique personnelle, individuelle. Donc, adopter un style impersonnel est inadapté au sujet: il faut mettre en scène des personnages. En plus, dans ce domaine, il n'est pas de conclusion définitive, ni générale. C'est pourquoi le genre du dialogue et de l'échange épistolaire conviennent bien, après avoir posé les éléments de la question dans les conférences.
Il en résulte malgré tout une certaine confusion et un peu de frustration: nous passons et repassons par les mêmes questions, et nous avons parfois l'impression de faire du surplace ou même de revenir en arrière. Peut-être y avait-il moyen de faire plus court. En plus, les personnages et la mise en scène du dialogue manquent un peu de consistance. On a parfois l'impression d'avoir à faire à des stéréotypes.
Mais on peut aussi apprécier le retour à des genres philosophiques anciens (dialogue, lettres). Et finalement la méthode est assez efficace. Elle oblige le lecteur à se poser les questions des interlocuteurs pour lui-même, donc à se poser des questions philosophiques sur sa propre existence. N'est-ce pas le rôle premier des livres de philosophie?
Cela dit, si je suis convaincu que nous devons affronter nos choix existentiels (et ce n'est pas toujours facile), je n'ai pas été conquis par l'éthique de la personnalité. Même si, en définitive, elle n'est pas égoïste et qu'il est important de se connaître et de se choisir, elle laisse trop peu de place aux relations avec autrui, se limitant à des préceptes négatifs: ne pas faire de tort.
Mais que je ne sois pas enthousiaste sur la voie proposée n'implique nullement que ce livre ne soit pas bon. Il nous met devant des questions fondamentales et il le fait très bien. C'est le principal.
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Je me suis totalement fourvoyée dans mon choix lors de la dernière Masse Critique non-fiction ! Je n'ai pas regardé qui était l'auteur, en l'occurrence ici une grande philosophe et sociologue hongroise du 20e siècle.

Je m'attendais tout simplement à une vulgarisation sur la personnalité, mais quand j'ai reçu l'ouvrage et que je l'ai parcouru, je me suis dit non, ce n'est pas pour moi. Enfin, c'était pour moi il y a 40 ans, au temps de mes études universitaires. Ou ce sera pour moi dans quelques années, quand je serai retraitée. le jargon philosophique me plaisait beaucoup, autrefois, et j'adorais ce cours. Mais pour le moment, je suis incapable de le lire, ma tête étant occupée par mille autres préoccupations.

Donc je lance ici un appel : QUI VEUT RECEVOIR CE LIVRE ? Je l'enverrai avec plaisir, car cette auteure ne mérite pas d'être reléguée dans un rayon de bibliothèque ...
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Livre reçu dans le cadre de l'opération Masse Critique de Babelio dont je remercie les organisateurs et les organisatrices ainsi que les éditions Calmann Levy.

Je dois dire tout d'abord que cet essai n'est pas un ouvrage de vulgarisation. Il s'adresse à des lecteurs et des lectrices muni.e.s de sérieuses bases en philosophie et d'une disposition d'esprit adéquate. Elles seront nécessaires pour apprécier l'exposé d'Ágnes Heller.

Pour ma part, je ne suis pas aussi férue que j'aimerais l'être en ce domaine, mais le sujet me passionnant, je me suis accrochée. Si je ne suis pas sûre d'avoir pleinement compris tous les détails et les subtilités, en revanche ma lecture a progressé, facilitée par la répétition des concepts présentés sous différents angles. 
Car ce qui était brillant de la part de la théoricienne hongroise, était d'alterner (volontairement, voir p 53) une structure en trois parties imbriquant et prolongeant les textes de  trois conférences consacrées à Nietzsche (et Wagner, concernant son héros Parsifal), par un dialogue entre deux étudiants (Joachim et Lawrence) au sortir de cette série de conférences, auxquels est venue se joindre Vera, une « non philosophe » et enfin, par un échange épistolaire entre l'une des étudiantes ayant suivi les conférences précitées et sa grand-mère, échange à propos des dites conférences et de Lawrence qui fait également le lien entre les trois parties.
La démonstration didactique sur le cas d'école que représente l'exemple pratique de l'opéra wagnérien est présentée sous forme d'un examen pointu avec le jargon académique corrélatif. Ensuite, la contradiction qui émerge entre les deux amis et Vera (dont le rôle est de relancer la confrontation) produit un dialogue au style libre, familier et vif, teinté d'un peu humour. La mise en scène de la vie ordinaire (boire, manger, dormir…) est indiquée grâce à de brèves didascalies et quelques changements de décor rendant ainsi plus accessible un débat qui sursoit aux réponses définitives. L'entendement s'élargit encore lorsqu'enfin, la proximité sur laquelle joue l'autrice avec le trio de la mamie, de sa petite fille et de son amoureux potentiel (Lawrence) fait rebondir les questions toujours remises en cause.

Alors que l'ensemble se repositionne successivement et que la compréhension s'améliore, chacun et chacune est libre de faire le choix d'approfondir le propos tenu et d'envisager le « saut existentiel » (si elle ou il ne l'a pas déjà fait) qui lui est expliqué. Car c'est bien de cela qu'il s'agit : tout d'abord, le choix ou « le saut » se fait sous la catégorie de la « différence » ou de l'universalité (ou les deux). Ensuite, l'authenticité requiert une fidélité sans faille luttant contre finitude, contingence et inachèvement.
Cet ouvrage ne parle pas de « morale » au sens traditionnel du terme et en tout cas, pas sous son acception judéo-chrétienne. Car après Nietzche, notre époque selon laquelle « Dieu est mort » a davantage besoin d'une morale individuelle que de principes autoritaires. C'est ce saut que des hommes et des femmes réussissent, prouvant qu'il est encore possible d'être une « bonne » personne.

J'ai retrouvé dans ce livre des échos de la Théorie de la Désintégration Positive de Dabrowski (Patricia Lamare, voir article ici) qui me conduisent à penser que « surdouance » et « saut existentiel » relèvent d'une même aptitude « remarquable ». de même, le « coup de dé heureux » (p 70) ou l'amor fati me fait penser au poème typographique de Stéphane Mallarmé : « Un coup de dés jamais n'abolira le hasard ». le poète du hasard pousse la métrique à son comble pour abolir le désenchantement d'une époque moderne dénuée de tout absolu.
anne.vacquant.free.fr/av/
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critiques presse (1)
LeMonde
17 mai 2023
La force de cet essai est de laisser entrevoir honnêtement qu’il pourrait bien en être ainsi.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Il me semble que l’on pourrait décrire l’amour moderne comme la seule manifestation de l’éthique de la personnalité. Il semblerait même que l’amour soit le couronnement de cette éthique. 
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Ainsi dans mon esprit, la jeunesse est le temps du sérieux ; c’est dans l’âge mûr qu’on peut prendre la vie plus à la légère.
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Le « coup de dé heureux » dit oui à sa propre vie (et, de là, à la vie en général), non parce qu’elle est une vie heureuse mais parce qu’elle est la sienne, son destin ; parce qu’elle est ce par quoi il est devenu ce qu’il a (toujours) été.
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Le perspectivisme, l’historicisme, le relativisme ont pris la place des savoirs absolus, de la croyance en un ordre du monde divin, éternel, inaltérable et nécessaire ; en un mot, de la certitude. 
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Joachim : La philosophie morale de Kant ne rend pas bons les hommes et les femmes ; aucune philosophie morale n’accomplit un tel miracle.
Lawrence : Et pourquoi pas ? N’est-ce pas là précisément la tâche qu’elle s’assigne à elle-même ? 
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