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EAN : 9782711619436
384 pages
Vrin (22/10/2007)
3.5/5   3 notes
Résumé :
Y a-t-il un sens à vouloir étendre le champ de considération morale aux êtres vivants, aux plantes, voire à l'ensemble des écosystèmes qui composent notre environnement naturel ? Peut-on rendre responsable de la crise écologique actuelle le système de valeur anthropocentriste selon lequel l'homme est la mesure de toute chose ? Sur le fondement de quelles normes morales convient-il de restreindre la classe des actions permises à l'égard de la nature ? Telles sont les... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
L'"éthique environnementale" est un domaine de recherche initié aux États-Unis dans l'après-guerre et qui mène à la création de la première revue "écologiste" du monde, "Environnmental Ethics" en 1979. L'éthique environnementale se donne pour objet le monde, y compris le non-humain. Elle vise donc à fonder les conditions qui lui ferait abandonner comme objet l'humanité, qui est celui de l'éthique traditionnelle.

La prise en considération politique des actions écologistes aux États-Unis est alors à son apogée, avant de commencer à décroître avec Reagan et de s'annuler avec Bush. (Le recueil étant paru en 2007, les derniers présidents ne sont pas mentionnés). Comment expliquer que le pays initiateur au niveau mondial de la recherche théorique sur l'environnement soit devenu climato-sceptique ?

Richard Sylvan Routley, au début des années 70, au sein de la philosophie analytique et avec ses arguments, pose les bases de ce qui restera insoluble par la suite : si l'éthique environnementale relève d'une "autre" éthique que la traditionnelle, qui pourrait bien, hormis l'être humain, du moins une "classe de base" d'être humains, tels que des philosophes, des théoriciens, mais toujours des humains, en déterminer les principes et les responsabilités de ceux qu'elle concernerait devant eux-mêmes - encore des humains ? Où la nature, donc, ne serait qu'un passage, un moyen permettant aux êtres humains de communiquer entre eux : et l'on resterait dans une éthique traditionnelle. Et si elle ne relève pas d'une autre éthique, alors, c'est que, par évidence, elle relève encore d'un anthropocentrisme. Routley n'a pas la solution.

Goodpaster, à la fin de la décennie, argumente contre le refus de considérer moralement ce qui n'est pas humain. La considérabilité morale serait liée à la vie, tout simplement. Il va plus loin en ce sens que les théoriciens qui se limitaient à penser que c'était la "sensibilité" (les vertébrés, les mammifères, les animaux, mais pas les plantes et les végétaux). Les végétaux ont des besoins qui sont simples à estimer : être arrosés, bénéficier de lumière, etc. le droit qu'un être a à faire valoir un préjudice est donc, plus largement que la sensibilité, la vie. Mais il ne tire pas les conséquences de cette conclusion en un droit de la vie". La décennie s'achève, sans grande avancée. Et le démocrate Jimmy Carter laisse bientôt la place au républicain Reagan.

Dans les années 80, on se bat contre l'anthropocentrisme. Est-ce que le christianisme ne serait pas responsable ? Cette question étant posée, étrangement, aucun auteur ne songe à s'inspirer d'autres spiritualités. On se contente de tenter de s'extraire du champ de gravitation qui s'exerce depuis Rome.

Taylor tente de fonder un "système d'éthique environnemental biocentrique" avec la notion de "respect de la nature" pour point d'intérêt majeur. Toute la question est de démontrer que ce respect dépend de la capacité (qualité ?) des "organismes individuels" à "posséder" une "valeur inhérente", ce qui mènerait par conséquence à envisager comment ils la maintiennent ou l'optimisent : à considérer leur bien(-être) - et donc, pour les humains, à le garantir, ou, du moins, par "respect de la nature", à ne pas le dégrader intentionnellement. On se rend compte, même si les termes ne sont pas employés, qu'on est toujours dans le lieu de la pensée analytique : des individus, des prédicats associés à des ontologies (la valeur inhérente d'organismes vivants) et le bien-propre, comme la recherche d'optimisation de son intérêt individuel par l'être humain dans la société humaine. La conscience de ce qu'est son intérêt n'est pas indispensable : on fait parfois le bien pour autrui sans qu'il (elle) s'en rende compte. Il est donc possible de considérer le bien des arbres et d'agir moralement pour sa promotion, et qui n'a rien à voir ni avec la sensibilité, ni la consience, mais, tout simplement, la tendance naturelle d'un être vivant à se développer : à la vie. Ces deux concepts de bien d'un être et de valeur inhérente (propre, autonome, inaliénable) sont nécessaires et suffisants pour fonder l'éthique biocentrée. On peut les décliner de l'organisme individuel au groupe, à la communauté, à l'espèce. L'attitude de respect de la nature est alors désintéressée (sans instrumentalisation du vivant par l'être humain), normative (règles et conduites) et universalisable (adoptée par tous les agents moraux). Dommage que ces idées n'aient pas été développée s dans le sens de production de ce code de règles et de conduite rêvé. Pour la fondation théorique, on note que l'on reprend en pensée analytique des notions qui rappellent l'homme comme fin et non comme moyen de l'idéalisme kantien : plutôt que la pensée analytique, n'aurait-il pas mieux valu raisonner dans le lieu de l'idéalisme allemand ? L'intérêt, néanmoins, de cette contribution, m'a paru être une explication de l'omniprésence, dans les rapports de l'ONU, les résolutions de 2015 sur les ODD, la COP21, les rapports du WWF, les documents de réflexion de l'Ue, de la notion de "bien-être" : ce serait, avec cet éclairage, un résidu de la pensée analytique (donc matérialiste, empiriste, naturaliste, etc) qui raisonne, comme on sait, sur le fait que l'entité fondamentale est l'individu - la société n'étant qu'une somme d'individus aux intérêts individuels. Faut-il en conclure que toute politique environnementale aujourd'hui, parce qu'elle relève de la pensée analytique, une pensée qui nie dans ces principes la notion de "groupe", de "société", de "communauté", est vouée à l'échec - qu'il faudrait insinuer d'autres spiritualités que l'analytique pour, simplement, introduire cet objet que recherche l'éthique environnementale, le monde, qui implique ces notions de "groupe", de "communauté", qui dépasse l'individu, dans les politiques environnementales et leur donner une chance, ne serait-ce qu'une chance, de réussir ?....

Dans les années 90, on ne progresse pas davantage. Rolston III (petit-fils, sans doute, ou successeur, comme Henri VIII et François II ?) s'enferre dans les considérations sur la "valeur" : tout être vivant est "valuable" : a de la valeur, peut évaluer et est évalué par les autres. Ça fait des jeux de mots dont s'amusent les lecteurs humains mais ne semble pas apporter grand chose aux suricates et aux pâquerettes.

On s'enfonce encore un peu plus dans ces notions de valeur avec Callicot qui peine à démontrer, comme lui en éprouvait la difficulté, la moralité qu'il y avait qu'un biologiste californien, Edwin P. Pister, passe sa vie à tenter (et il a réussi) à sauver de l'extinction une espèce de petit poisson vivant dans les flaques du désert. À ceux qui l'interrogeaient, il répondait éthique, responsabilité, et soûlait ses interlocuteurs qui le laissaient à ses flaques sans saisir la "valeur intrinsèque" de ces petits poissons dont rien ne démontrait la "valeur instrumentale". Il finissait par répondre : "Et vous, à quoi êtes-vous bon ?". L'argument faisait réfléchir, mais la surprise passée, l'explication faisant défaut, on se remettait à le prendre pour un ermite maniaque misanthrope atteint par les fortes chaleurs du désert. Callicott rêve d'un code de loi qui donnerait une valeur "intrinsèque" aux forêts pour que les promoteurs de clairières soient mis en nécessité de justifier leurs abattages. Mais il ne le produit pas lui-même et retourne, comme Pister, à ses petits poissons. On ne peut que noter que passer en dix ans de "valeur inhérente" ou "propre " à "valeur intrinsèque" marque un certain enfermement et une absence de curiosité pour des systèmes de sens nouveaux, ce qui surprend de la part de théoriciens censés s'intéresser à l'autre de l'humain : ils ne puisent par seulement leur inspiration aux autres pensées au sein de l'humanité : rester accroché comme des berniques à cette notion de "valeur" ne paraît pas ouvrir la possibilité de l'échange, d'autre chose que de ce qui "coûte" et de ce qui se "valorise" - un peu comme dans le monde marchand, en fait.

Dès le milieu des années 80, la pragmatique note l'incompétence des recherches en éthique environnementale à influencer la culture humaine en quoi que ce soit. Elle entend bien reprendre le flambeau de la question environnementale et produire des résultats. Mais ici, avant même de commencer, on se doute que ça va rater : la pragmatique n'est qu'une branche de la philosophie analytique.

Le texte de Norton est illustratif de cela : des "supposons" à foison, des analogies simplistes qui sont censées servir de guide à la pensée : on est en plein "analytisme" et on achève par le rasoir d'Occam - notion qui entend restreindre les sens (les ontologies plutôt) pour aller droit à l'essentiel, straight to the point - on avait pensé que, justement, la biodiversité demandait plutôt de les multiplier, les "ontologies", et que la question environnementale impliquait au contraire une certaine "ouverture d'esprit"...

Stone en 1988 dégoise sur tout ce qui s'est dit jusque-là, sans synthèse.

Birch se demande si le "sauvage" n'est pas ce qui est "ostracisé" - on a déjà dû s'interroger à ce sujet du temps de Buffon et de Lenôtre, quand l'esthétique des jardins entendait "organiser" la nature, non ?

Katz n'a plus qu'à s'insurger contre "le grand mensonge" que l'homme puisse restaurer la nature, elle qui n'avait pas besoin de lui pour le produire. Dans ces conditions, la révolution semble être la seule issue possible à la recherche théorique...

On comprend alors pourquoi les pionniers de la recherche sur l'environnement n'ont rien produit de consistant et pourquoi leur pays en a abandonné l'inspiration : ils sont restés enfermé dans leurs cultures d'intérieur, et ont oublié d'ouvrir la fenêtre. L'eussent-ils fait, les parfums de la diversité du vivant eût pu leur chatouiller les narines - ne serait-ce que par le biais de celle des idées...

Le recueil, il est vrai, ne portait pas tant sur les recherches environnementale que sur celle-ci, spécifiquement : l'éthique environnementale. Mais, du coup, on regrette que son oraison funèbres n'ait pas été prononcée dès la fin des années 70 et qu'on ait imposé sa lente agonie au lecteur sur les deux-tiers du recueil plutôt que de lui ouvrir les horizons de recherches plus fécondes... On serait avec respect revenu honorer l'ancêtre dans sa tombe, ne serait-ce que pour admirer les fleurs qu'on y aurait trouvées, plutôt que de regretter d'être invité à s'enterrer avec elle dans un gouffre qui semble sans fond...

Dès 1973, en effet, depuis la Norvège, Arne Naes avait formulé, en dehors de la théorie et des ratiocinations mécaniques de ses contemporains, les sept principes de la 𝑑𝑒𝑒𝑝 𝑒𝑐𝑜𝑙𝑜𝑔𝑦, l'écologie profonde, celle qui insinue la vie en symbiose avec son environnement non pas seulement dans le suivisme de règles et de principes à partir de mesures effectués sur le vivant, ce qui est l'écologie superficielle, mais d'une inspiration intérieure de son rapport au monde - une sorte d'𝑒́𝑝𝑜𝑐ℎ𝑒̀ husserlienne qui vous ramène un peu sur le plancher des vaches. C'était peut-être en effet une voie plus inspirante que de partir de ce que le vivant ressent pour le comprendre et tenir compte de son avis, de son intérêt, de son intention du moins, que de parler pour lui, en s'adressant à une classe de base humaine pour évoquer son sort, lui qui, justement, au contraire de l'homme, ne parle pas... Routley, au même moment, avait prévenu...
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Citations et extraits (39) Voir plus Ajouter une citation
[Les 7 principes de l'écologie profonde pour Naes (Norvège, 1973) : ]

1. Rejet de l’image de l’homme-au-sein-de-l’environnement en faveur de 𝑙’𝑖𝑚𝑎𝑔𝑒 𝑟𝑒𝑙𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛𝑛𝑒𝑙𝑙𝑒 𝑑𝑒 𝑐ℎ𝑎𝑚𝑝 𝑑𝑒 𝑣𝑢𝑒 𝑡𝑜𝑡𝑎𝑙. Les organismes sont des nœuds au sein du réseau ou du champ de la biosphère, où chaque être soutient avec l’autre des relations intrinsèques [...]

2. 𝐸́𝑔𝑎𝑙𝑖𝑡𝑎𝑟𝑖𝑠𝑚𝑒 𝑏𝑖𝑜𝑠𝑝ℎ𝑒́𝑟𝑖𝑞𝑢𝑒 […] La pratique de l’écologiste de terrain le conduit à éprouver un respect profond, voire une vénération, pour les différentes formes et modes de vie […] L’écologiste de terrain tient que 𝑙𝑒 𝑑𝑟𝑜𝑖𝑡 𝑒́𝑔𝑎𝑙 𝑝𝑜𝑢𝑟 𝑡𝑜𝑢𝑠 𝑑𝑒 𝑣𝑖𝑣𝑟𝑒 𝑒𝑡 𝑑𝑒 𝑠’𝑒́𝑝𝑎𝑛𝑜𝑢𝑖𝑟 est un axiome de valeur évident et intuitivement clair. [...]

3. 𝑃𝑟𝑖𝑛𝑐𝑖𝑝𝑒𝑠 𝑑𝑒 𝑑𝑖𝑣𝑒𝑟𝑠𝑖𝑡𝑒́ 𝑒𝑡 𝑑𝑒 𝑠𝑦𝑚𝑏𝑖𝑜𝑠𝑒. […] ce que l’on appelle la lutte pour l’existence et la survie des plus adaptés, devrait être interprété dans le sens d’une capacité à coexister et à coopérer en nouant des relations complexes, plutôt que comme capacité à tuer, à exploiter et à supprimer. « Vivre et laisser vivre » est un principe écologique bien plus puissant que « C’est soi toi, soit moi ».

4. 𝑃𝑜𝑠𝑖𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑎𝑛𝑡𝑖-𝑐𝑙𝑎𝑠𝑠𝑒. […] L’attitude écologique privilégie bien plutôt l’extension des trois principes [de diversité, de l’égalitarisme écologique et de symbiose] à tous les groupes en conflit, en y incluant les conflits qui opposent aujourd’hui les nations en voie de développement aux nations développées

5. 𝐿𝑢𝑡𝑡𝑒 𝑐𝑜𝑛𝑡𝑟𝑒 𝑙𝑎 𝑝𝑜𝑙𝑙𝑢𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑒𝑡 𝑙’𝑒́𝑝𝑢𝑖𝑠𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡 𝑑𝑒𝑠 𝑟𝑒𝑠𝑠𝑜𝑢𝑟𝑐𝑒𝑠.

6. 𝐶𝑜𝑚𝑝𝑙𝑒𝑥𝑖𝑡𝑒́, 𝑒𝑡 𝑛𝑜𝑛 𝑝𝑎𝑠 𝑐𝑜𝑚𝑝𝑙𝑖𝑐𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛. […] Les organismes, les modes de vie et les interactions qui se produisent dans la biosphère en général, manifestent en revanche une complexité d’un niveau extraordinairement élevé […] Cela permet du même coup de prendre clairement la mesure de la profonde 𝑖𝑔𝑛𝑜𝑟𝑎𝑛𝑐𝑒 ℎ𝑢𝑚𝑎𝑖𝑛𝑒 au sujet des relations nouées au sein de la biosphère, et par conséquent relativement aux effets des perturbations que les activités humaines peuvent y introduire.

7. 𝐴𝑢𝑡𝑜𝑛𝑜𝑚𝑖𝑒 𝑙𝑜𝑐𝑎𝑙𝑒 𝑒𝑡 𝑑��́𝑐𝑒𝑛𝑡𝑟𝑎𝑙𝑖𝑠𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛. La vulnérabilité d’une forme de vie est grosso modo proportionnelle au poids des influences lointaines qui peuvent s’exercer sur elle – influences qui proviennent de l’extérieur de la région localisée où cette forme de vie a trouvé à réaliser un équilibre écologique. Ce fait doit nous encourager à poursuivre nos efforts en vue d’obtenir la reconnaissance du droit de chaque région à se gouverner elle-même, à se suffire tant sur le plan matériel que sur le plan moral. De tels efforts ne présupposent rien d’autre qu’un élan en direction de la décentralisation [...] Par exemple, une chaîne consistant en un conseil d’administration local, puis en un conseil municipal où siègent des acteurs représentant des intérêts supranationaux, en une institution départementale englobée au sein d’un État fédéré, en une institution gouvernementale nationale fédérale, en une coalition de nations – telle que la Communauté Économique européenne (C.E.E.) -, et enfin en une institution globale, une telle chaîne, donc, peut être réduite à quelques-uns de ses maillons, comprenant ainsi un conseil d’administration local, une institution départementale, et une institution globale.) Même si à chaque étape de la décision, la décision suit la règle de la majorité, il se peut que de nombreux intérêts locaux tombent dans les oubliettes, si le processus de décision prend trop de temps.
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Une nouvelle 𝑚𝑒́𝑡ℎ𝑜𝑑𝑒 est requise : en lieu et place de la méthode d’objectivation scientifique consistant à isoler et à individualiser spatialement l’objet traité, il faut privilégier une approche holiste, qui ne sépare pars les parties du tout, l’homme de la nature, le sujet de l’objet, qui travaille au contraire à mettre au jour une hiérarchie de systèmes emboîtés les uns dans les autres par niveaux d’intégration successifs (biocénose, biotope, écosystème, biosphère, etc.), chaque niveau représentant lui-même un emboîtement très complexe d’échelles de temps et d’espace ; en lieu et place de l’approche moniste qui entend régler tous les problèmes susceptibles de se poser en se référant à son unique modèle d’interprétation, il faut apprendre à reconnaître la complexité des niveaux de réalité, ‘irréductibilité des problèmes moraux que pose la diversité des sujets de considération morale, et donc privilégier une méthodologie pluraliste qui fait jouer, selon des procédures rigoureusement réglées, différents principes d’évaluation ; en lieu et place d’une approche rationaliste qui se règle en toute confiance sur toute une série d’oppositions bipolaires traditionnelles (nature/culture), raison/nature, rationalité/animalité, raison/sentiment, fait/valeur, homme/femme, etc.), et qui est par là même suspecte de contribuer à la perpétuation de formes de domination et de contrôle social, systématiquement liées les unes aux autres, qui se sont exercées et s’exercent encore au détriment e la nature, des femmes et d’un certain nombre de minorités, il convient, non pas de subvertir ces dualismes, mais d’en élucider la logique afin de saisir la racine commune de toutes les oppositions hiérarchiques qui structurent les relations de pouvoirs.
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L’anglais dispose de trois verbes pour désigner un procès d’évaluation : « 𝑡𝑜 𝑎𝑠𝑠𝑒𝑠𝑠 », « 𝑡𝑜 𝑒𝑣𝑎𝑙𝑢𝑎𝑡𝑒 » et « 𝑡𝑜 𝑣𝑎𝑙𝑢𝑒 ». Le premier […] désigne un compte-rendu objectif, impersonnel, l’appréciation d’une situation ou d’une chose en fonction de paramètres mesurables, quantitatifs, économiques, etc. Le verbe « 𝑡𝑜 𝑒𝑣𝑎𝑙𝑢𝑎𝑡𝑒 » […] et le verbe « 𝑡𝑜 𝑣𝑎𝑙𝑢𝑒 » peuvent être traduits soit par le verbe « évaluer », soit par le verbe « valoriser » : dans les deux cas, un sujet est clairement impliqué […], mais le processus de valorisation comporte une dimension affective ou une sorte d’investissement subjectif – comme dans les expressions « 𝑜𝑛𝑒 𝑜𝑓 𝑚𝑦 𝑚𝑜𝑠𝑡 𝑣𝑎𝑙𝑢𝑒𝑑 𝑝𝑜𝑠𝑠𝑒𝑠𝑠𝑖𝑜𝑛𝑠 » (« un des objets auxquels je tiens le plus »), ou « 𝑡𝑜 𝑣𝑎𝑙𝑢𝑒 𝑠𝑜𝑚𝑒 𝑜𝑛𝑒’𝑠 𝑓𝑟𝑖𝑒𝑛𝑑𝑠ℎ𝑖𝑝 » (« faire cas de l’amitié de quelqu’un ») – qui est absent du processus d’évaluation.
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Edwin P. Pister, un biologiste de la Fédération Chasse, Pêche et Sport de Californie aujourd’hui à la retraite, a passé une bonne partie de sa vie à tenter de sauver de l’extinction différentes espèces de poissons vivant dans de petits îlots aquatiques au milieu du désert. […] Il estimait avoir la responsabilité 𝑚𝑜𝑟𝑎𝑙𝑒 de les sauver de l’extinction. Qu’ils aient une valeur instrumentale ou pas, Pister avait la conviction qu’ils avaient une valeur 𝑖𝑛𝑡𝑟𝑖𝑛𝑠𝑒̀𝑞𝑢𝑒. […] Pister finit par trouver un moyen de donner un sens clair au sens de valeur intrinsèque. À la question 𝐴̀ 𝑞𝑢𝑜𝑖 𝑒𝑠𝑡-𝑖𝑙 𝑏𝑜𝑛 ? il répliquait, 𝐸𝑡 𝑣𝑜𝑢𝑠, 𝑎̀ 𝑞𝑢𝑜𝑖 𝑒̂𝑡𝑒𝑠-𝑣𝑜𝑢𝑠 𝑏𝑜𝑛 ? […] Bien des gens souhaitent avoir une valeur instrumentale – souhaitent être utiles à leur famille, à leurs amis et à la société. Mais lors même que nous ne serions bons à rien, nous continuons de croie, en dépit de cela, que nous avons encore quelque droit à l’existence.

J. Baird Callicott.
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Que faut-il entendre au juste par « anthropocentrisme des valeurs » ? C’est l’idée selon laquelle l’homme est la mesure de toutes choses, les composantes non humaines de la nature ne pouvant se voir reconnaître de valeur qu’en relation aux intérêts des êtres humains et aux buts qu’ils s’assignent. Pour dire la même chose autrement, l’homme, et l’homme seul définit un lieu de valeur intrinsèque, au sens où il vaut par lui-même, en vertu de ce qu’il est, au titre de fin en soi, tandis que tout le reste ne vaut que pour autant qu’il sert comme moyen de telle ou telle fin, ‘est-à-dire en tant qu’il a une valeur instrumentale. Telle est, précisément, la prémisse anthropocentrique qui a vicié la réflexion morale par le passé, et qu’il importe désormais de réfuter en élaborant à nouveaux frais une éthique de la valeur intrinsèque des entités du monde naturel – programme qui n’est nul autre que celui de l’éthique environnementale.
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