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EAN : 9782204129879
218 pages
Le Cerf (21/03/2019)
4.33/5   6 notes
Résumé :
Consacrée en 2017 pour son courage intellectuel et politique, Fatiha Boudjahlat dénonce dans ce nouveau livre nos aveuglements, compromissions et lâchetés, et en appelle au sursaut de la République contre le voile.Au-delà du voile comme objet, c'est l'acte même du voilement qui doit susciter notre réflexion. Qu'il concerne les mamans des sorties scolaires, l'étudiante syndicaliste, la chanteuse de télécrochet ou les petites filles, le voilement signe un consentement... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Je fais partie de ces lectrices qui lisent dans les transports en communs pour faire passer le temps et parce que c'est les seuls moments de plaisir qu'une maman peut s'offrir sans culpabiliser. J'avoue que j'ai hésité longtemps à lire ce livre dans un bus dans lequel se tenait face à moi plus d'une femme voilée. J'avais peur de les blesser si elles venaient à lire un titre aussi provocateur que « combattre le voilement ». Mais après réflexion, je me suis rendue compte que ce n'était pas à moi de culpabiliser de quoi que ce soit. J'ai réussi à me libérer de cette culpabilité des non-voilées qui n'osent pas « parler à la place des voilées ». Car ce clivage augmentait mon malaise de féministe tourmentée par la question de savoir comment critiquer cet objet qui instrumentalise le corps des femmes à des fins politiques sans blesser ma mère, mes soeurs, mes amies, mes connaissances et même les passagères voilées que je rencontre quotidiennement dans les transports en commun ?
Considérant que je ne suis pas responsable de leur choix religieux, j'ai donc acheté l'ouvrage de Fatiha Agag-Boudjahlat aussi bien pour renforcer mes connaissances sur le sujet que pour soutenir notre combat commun qui est celui de l'égalité des sexes pour toutes les femmes sans distinction d'origine nationale, d'ethnie ou de religion. Contrairement aux pseudos féministes de l'intersectionnalité qui défendent honteusement le voile au détriment de la dignité de toutes les femmes, Fatiha Agag-Boudjahlat ne nous a pas trahi ; elle ne nous a pas abandonné en sa position de Française qui a évolué au sein d'une famille de culture musulmane.
Elle rejette avec raison l'argument fallacieux de la nouvelle génération d'un féminisme que je qualifie personnellement de féminisme de la honte. Celui qui répond à l'appel de nos martyres du voile en Algérie, en Iran ou ailleurs par un argument aussi méprisant que le : « oui, mais on est en France… la question du voile n'est pas la même ici et ailleurs…le voile est une liberté…c'est un choix individuel… pas voilée, pas concernée…pas concernée, pas parler… » et autres énormités du genre : circulez, il n'y a rien de féministe à combattre le voilement. Oui, le voile est un choix, nous dit l'auteure désabusée, mais un choix ultraorthodoxe et profondément politique et religieux. Malgré son identité de Française dont la mère porte le voile, elle dénonce avec détermination la réalité incontestable du voilement qui est celle d'un objet qui nie la dignité des femmes musulmanes en leur imposant le choix entre voile et l'enfer du déshonneur de la "communauté".
Fatiha Boudjahlat n'est pas dupe de ces chantages religieux qui culpabilisent sa mère et la mienne. Par sa position tranchée sur le voilement, elle se place légitimement parmi celles qui sont concernées par le voile. Car au final, qu'est-ce qu'être concernées par le voile ? le porter uniquement ? Non, celles qui ne le portent pas, nous explique l'auteure, sont autant concernées que celles qui le portent. Fatiha Agag Boudjahlat et moi-même sommes concernées par la question du voile justement parce que nous sommes femmes d'origine maghrébine et féministes (point). En notre qualité intrinsèque de femme musulmane, nous avons fait le choix de ne pas le porter alors même que nos mères, nos soeurs, nos nièces et nos amies le portent parce qu'un jour, des hommes, dont Frantz Fanon, cet être divin, l'a déclaré comme un signe identitaire qui distingue la musulmane de celle qui ne l'est pas. Bref, pour lui et pour les indigènistes que dénonce l'auteure, l'Algérienne qui ne sup-porte pas le voile ne fait que trahir les siens. En tant que militant anticolonialiste en Algérie, Fanon (qui ne s'est pas marié avec une femme voilée) écrit en 1959 : « On se voile par tradition, par séparation rigide des sexes, mais aussi parce que l'occupant veut dévoiler l'Algérie. ». Par cette assertion, Fanon a tout simplement fait de la femme un enjeu et du voile un objet de résistance politique, ce qu'il continue à l'être avec les nostalgiques de l'identité indigène, de l'identité de victime, bref, du mouvement du PIR qui fait du corps des femmes un enjeu politique. Consternée par cette position de femme-objet, de femme-enjeu politique, l'auteure constate que Fanon n'est finalement pas lu, il est juste sacralisé, un peu comme le Coran (là c'est moi qui le dit). On le sacralise justement parce qu'on ne l'a jamais lu comme le dit si bien Youssef Seddik dans « nous n'avons jamais lu le coran ». Ainsi, pour elle, le texte de Fanon, « l'an V de la révolution algérienne » paru en 1959 est un « texte sur la stratégie coloniale et contre-coloniale qui met la femme et son corps au coeur des dispositifs du pouvoir. Fanon participe à la libération des territoires et des peuples conquis, sans se mobiliser pour la libération des femmes à l'intérieur de ces territoires et des peuples libérés…la femme est un enjeu, il ne la voit pas comme un sujet. ».
Par la force des arguments logiques de l'auteure, ce livre répond avec clarté et précision à celles qui reprennent Fanon sans le lire et qui défendent honteusement le voile en France et en Occident en général. Ces néo féministes du relativisme culturel comme Joan Scott, Judith Butler ou encore Christine Delfy et bien d'autres qui ont pourtant forgé et développé les « théories du genre » dans lesquelles elles rendent légitimes la négation totale et sans condition du genre, bref, du rôle de femme que leur a assigné le culte et la culture chrétienne à travers l'histoire et l'actualité. Ces mêmes féministes viennent aujourd'hui nous trahir, nous abandonner (comme si le droit au corps, à l'avortement, au sexe, à l'égalité…n'étaient fait que pour les Occidentales blanches) pour défendre le genre de femme musulmane que l'Islamisme politique et orthodoxe assigne aux femmes « orientales » ! Ce cliché orientaliste est parfaitement démontré par madame Agag-Boudjahla qui a lu dans mes pensées en écrivant ce livre. En effet, ce néo féminisme (du voile pour les pauvres femmes musulmanes mais pas pour moi) nie honteusement les effets du voilement sur les femmes ici (dans les quartiers en Occident) et ailleurs dans les pays où le patriarcat musulman fait la loi!
Cette auteure qui a reçu le prix de la laïcité 2019 est une grande dame qui mérite tout mon respect d'Algérienne en France et de toutes les femmes à qui on assigne une identité unique et qu'elles rejettent avec courage ! Toutes les femmes d'ici et d'ailleurs qui luttent pour un féminisme égalitaire et non inférieur à celui des occidentales devraient lire ce livre et remercier son auteure pour cet effort de réflexion qui m'a personnellement rendu plus déterminée à combattre le voilement.
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La question du voile en France a toujours été problématique pour moi. Je n'ai pas particulièrement envie de défendre systématiquement les porteuse de burkini, burka ou autres versions, car j'ai bien conscience qu'au delà du référent religieux, ce bout de tissu est un moyen de plus pour certains hommes d'assigner une place bien discrète aux femmes. Mais quand l'attaque provient de représentants extrémistes qui ne brandissent que des arguments patriotes et leur drapeau tricolore qu'ils estiment attaqués directement par ces femmes, je n'ai qu'une envie, c'est me ranger derrière elles pour les soutenir.

Je remercie donc fortement l'auteure Faitha Agag-Boudjahlat de m'offrir un positionnement intermédiaire. Ne serait-ce que par son titre ou ce n'est évidemment pas les femmes qu'elle affirme combattre mais bien l'acte de se voiler. Mais également par une reprise des arguments des féministes islamistes (oui apparemment la possibilité existe) en les retournant sans les nier. Elle ne nie jamais que le voilement soit un choix chez la plupart des femmes françaises mais y reste malgré tout opposé. Parce qu'on peut choisir en toute conscience quelque chose qui nous nuit. L'objet du choix peut alors être discuté sans qu'on ne soit traité d'intolérant ou de raciste.

Cela m'a fortement renvoyé à mon travail où j'accompagne les femmes victimes de violence conjugale. Certaines d'entre elle font le choix de retourner chez elle même si leur conjoint violent n'a pas entamé le travail nécessaire pour changer de comportement. Ceci est leur choix et on ne peut pas estimer qu'elles y sont forcé. Et pourtant vous ne me ferez pas admettre que la violence qu'elles subissent est une bonne chose pour elles.

Les termes d'emprise, de choix contraint peuvent également s'appliquer au voile, pour lequel les femmes subissent la pression familiale, sociale, du quartier ou de la nécessité de se montrer une "bonne" musulmane, comme si le port d'un morceau de tissu pouvait suffire à démontrer sa spiritualité.

Ce qui m'empêche d'être pleinement satisfait après cette lecture, c'est le sentiment d'excès que j'ai eu parfois à la lecture de certains passages où l'auteure suppose forcément une entente collective pour assurer la promotion du voile, et même une entente (qu'on ne comprend pas bien si elle est tacite ou effective) entre islamistes extrémistes et bourgeois cherchant à maintenir les populations immigrées dans un marasme facilité par les impératifs de la religion qui les empêche ainsi d'accéder à une réelle insertion professionnelle comme sociale. Alors qu'elle semble dénoncer un certain complotisme dans certains passages, l'auteure n'est pas exempte de généralisations destinées à inquiéter sans toujours de fondement concret.

Il n'en reste pas moins que j'aimerais beaucoup voir Mme Agag-Boudjahlat sur les plateaux télé (où on commence à l'apercevoir) comme contradictrice des prosélytes du voile. Elle aurait à leur opposer des arguments bien plus forts... et en même temps plus humanistes que certains qui ne savent que renvoyer une haine improductive et ne font que renforcer l'envie chez certaines de porter le voile, pour des raisons plus politiques de revendication que religieuses dans ce cas-là.
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Sous prétexte qu'en Occident le voilement n'est pas forcé, ou plutôt que la contrainte est rarement accompagnée d'effusion de violences, ces drôles de féministes refusent d'admettre qu'il n'en est pas moins le signe de la subordination de la femme à la sainte Trinité patriarcale: la femme doit être vierge, la femme doit être pudique, la femme doit être discrète.
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Fanon participe à la libération des territoires et des peuples conquis, sans se mobiliser pour la libération des femmes à l’intérieur de ces territoires et des peuples libérés (…) la femme est un enjeu, il ne la voit pas comme un sujet.
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Vidéo de Fatiha Agag-Boudjahlat
Nostalgie. Algérie. Jérémiades. C'est par ces trois mots, regroupés en Nostalgériades que s'ouvre le nouveau livre de Fatiha Agag-Boudjahlat, alternant l'essai politique et le récit autobiographique. Décrivant les naïves croyances des collégiens auxquels elle enseigne chaque jour (« Au bled, ça coûte rien », « Seul Allah guérit »), et la difficulté qu'éprouvent les professeurs à enseigner la colonisation, la guerre d'Algérie ou la Shoah, la cofondatrice du mouvement Viv(r)e la République décrypte la condition féminine, en France comme dans les pays de culture musulmane. Rêvant d'un MeToo mondial, elle affirme dans sa splendide conclusion que si la condition féminine est un malheur, alors « il ne faut pas renoncer à ce malheur ». Sans langue de bois, sans naïveté et sans ressentiment, voici le nouvel essai flamboyant d'une femme puissante appelé à provoquer le débat. Enseignante et essayiste française, militante laïque défendant un féminisme universaliste, autrice au Cerf de deux essais majeurs, le Grand détournement et Combattre le voilement, Fatiha Agag-Boudjahlat compte parmi les voix et les consciences d'aujourd'hui.
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