Bref, on accompagne cet auteur en quête de personnage avec joie. Et sans prétention.
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Elle avait beau s’être fait tatouer un aigle sur le sein gauche et un capteur de rêves entre les omoplates, elle avait été élevée sur le bitume du centre-ville de Québec, dans un des quartiers les plus paumés du pays, et parlait le français vernaculaire de son patelin sans jamais avoir entendu un mot de montagnais de toute sa vie, sa mère ayant renié son passé autochtone le jour où on l’avait chassée de chez elle parce qu’elle s’était amourachée d’un Blanc prétentieux et arrogant. Mais les mythes ont la couenne dure quand ce que nous sommes devenus ne nous satisfait qu’à moitié. Nous cherchons ailleurs ce qui nous manque là où la vie nous a enfermés, puis un jour les digues se brisent, l’heure étant venue pour les rêves de livrer la marchandise.
La vie que je menais me convenait. J’avais de l’argent pour boire et pour manger, m’accommodais de mon rôle d’observateur de l’existence humaine, à l’aise dans le retrait que je m’imposais et dans la solitude que cela impliquait. Me sachant fragile, j’avais conclu un pacte avec la vie pour m’éviter de trop grands déchirements, et elle avait jusque-là respecté sa part du contrat en me gratifiant d’une routine tranquille qui me satisfaisait.
La vie fonctionne pas comme ça. On n’est pas dans un conte de fées. Suffit pas de rêver à quelque chose pour que ça arrive. Elle a dit c’est vrai, mais sans rêve tu vas nulle part. Je lui ai donné raison, mais en ajoutant et sans travail non plus. C’est en se démenant qu’on avance, souvent à tâtons, en commettant des erreurs.
J’essaie de m’accrocher, mais tout m’échappe. Mon amoureuse a disparu, mes enfants aussi, je… je sais plus qui je suis, Malone, vous comprenez ? On m’a enlevé mon passé, et je suis incapable de retisser le fil.
Je connaissais à peu près tout le monde, mais n’ai salué personne, sinon d’un sourire à peine esquissé, le minimum requis pour qu’on ne vienne pas m’importuner.
Les entrevues Entre les lignes: Alain Beaulieu