En promenant son chien dans «
l'Enclos des Fusillés », un homme voit dépasser de la terre meuble une petite main d'enfant. Les experts mettent au jour « deux corps de bébés, minuscules, enchevêtrés, blottis dans une serviette de bain jaune pour tout linceul. »
Gabrielle Werner, la juge appelée sur les lieux ale coeur d'autant plus serré qu'elle-même tente désespérément de devenir mère.
Un tueur d'enfants en série a-t-il choisi ce lieu de mémoire pour cacher ses forfaits ?
Avec ce nouveau roman, c'est dans une Liège froide, brumeuse, triste et inhospitalière que nous entraîne
Line Alexandre. Nous voici au carrefour entre vie et mort : d'un côté
l'Enclos des Fusillés est un cimetière qui abrite es victimes des nazis pendant la Seconde Guerre mondiale. de l'autre, l'hôpital qui pratique les inséminations artificielles, dernier espoir de celles qui, comme Gabrielle, sont prêtes à tout pour pouvoir serrer un bébé sur leur coeur.
C'est donc la cruelle ironie du sort qui désigne Gabrielle Werner comme juge dans cette enquête dont les victimes sont des enfants.
Deux personnages principaux se détachent sur ce fond macabre. Tous deux sont tristes, solitaires, désabusés. le commissaire Ravel, « la tête lourde sous sa tignasse de cheveux argentés. Au bec, un de ses éternels cigarillos. Pas si loin de la retraite. » Aigri et cynique, il est seul depuis que sa femme est partie avec les enfants. Il a pourtant pitié de la détresse de la juge et l'emmène manger des pizzas pour lui changer les idées.
Elle, c'est Gabrielle Werner. Son mari l'a quittée.Elle ne rêvait que d'une chose : fonder une belle famille. Lui, ça ne l'intéressait pas. La mort de ces petits la touche donc tout particulièrement. Ces deux cadavres, sans doute jumeaux, lui font penser à sa propre jumelle, disparue à la naissance, et dont l'absence la hante.
L'atmosphère est celle d'un mois de novembre gris, humide, brumeux, en accord avec l'humeur des personnages.
Par chance, de temps à autre, une touche d'humour vient alléger un peu cette chape de plomb. Par exemple, cet homme qui aborde Gabrielle sur un banc du parc. Il a sept rejetons avec cinq femmes, il est donc « un bon faiseur d'enfants », bien plus agréable que les services proposés par la clinique, non ? Estomaquée, Gabrielle s'éloigne du « serial father ».
L'enquête amène à la découverte de petits corps inhumés dans les parcelles de « Sarment » et de « Merlot ». le tueur serait-il un amateur de la dive bouteille ? Il i peut-être creuser en priorité chez « deux Labranche, un Lafeuille, un Vigneron et même un Lavigne et un Sauvignon » !
Malgré ces traits d'humour, Ravel est un père mélancolique qui part en vacances à l'endroit où vit sa fille, mais prend bien garde de choisir le moment où elle-même est en villégiature, car la rencontrer lui fait peur.
Gabrielle, elle, n'arrive pas à communiquer avec ses parents. Chaque fois qu'elle se force à aller chez eux, elle voit bouger un rideau, preuve que son père guettait son arrivée. Pourtant, il la laisse battre la semelle devant la porte close, avant d'ouvrir, manière de la punir pour ses éternels retards.
Flic et juge naviguent dans des milieux glauques : galetas loué par un marchand de sommeil, prostituées, drogués, dealers. Les crimes sont odieux, vu l'âge des victimes d'une prétendue tradition ancestrale révoltante.
J'imagine que
Line Alexandre a choisi l'endroit que l'on vient profaner pour évoquer cette ignoble affaire au cours de laquelle des vandales ont dérobé les plaques commémoratives du monument et des tombes.
Le roman m'a plu, surtout pour l'atmosphère pesante qui dépose sur nos épaules un lourd manteau de tristesse et pour ses personnages attachants en raison du désarroi qu'ils traînent et ce en dépit de leur rôle important. Plus qu'une enquête palpitante, il s'agit d'une intéressante étude de moeurs qui m'a touchée.