La date du 31 août 1997 résonne encore lugubrement pour bon nombre de Britanniques : il s'agit de celle du décès de Lady Diana, dans un tragique accident de voiture. Mais si, en réalité, la « princesse des coeurs », comme on la surnommait, n'était pas morte, mais avait décidé de s'enfuir ? Dans ce roman « what if »,
Monica Ali redonne vie à ce symbole national pour imaginer ce que pourrait être la vie parallèle d'une princesse qui aurait décidé de tout abandonner pour vivre une vie normale, loin de ses démons.
Parti-pris audacieux, et à ce titre un peu périlleux, car avec un concept pareil, l'intrigue a intérêt à être solide. D'autre part, il me semble nécessaire de se détacher d'une biographie officielle pour rendre le roman crédible, et ne pas tomber dans la pantalonnade. Alors, est-ce que
Monica Ali y réussit (oui, j'aime bien mettre une bonne grosse dose de suspense dans mes billets 😉) ?
Le roman s'ouvre sur la fête d'anniversaire qu'organisent les amies de Lydia, cette jeune femme britannique venue s'installer dans la ville de Kensington (premier clin d'oeil avec cette ville du Connecticut) et dont elles ne savent pas grand-chose. Ces premières pages nous mettent dans une ambiance « Desperate housewives » plutôt que « The Crown ». Lydia a du retard, ce qui n'est pas dans ses habitudes. Lui est-il arrivé quelque chose ? Leur posera-t-elle un lapin ? On apprendra que Lydia est plutôt coutumière du fait, puisque la fuite fait partie du « petit plan » qu'elle a conçu quelques années plus tôt… quand elle était princesse de Galles.
Ce petit plan sera abondamment décrit par Lawrence dans son journal, le secrétaire particulier de la princesse (peut-être trop d'ailleurs) car le roman est, pendant une bonne moitié de l'ouvrage, occupé par son récit avec en alternance, un peu celui de Lydia et surtout celui de John Grabowski, un paparazzi venu aux Etats-Unis soigner sa déprime, et qui s'installera par hasard (celui-ci fait bien les choses…) dans la même ville. Évidemment, il la reconnaîtra malgré les opérations esthétiques que la princesse aura pris soin de faire pour modifier ses traits. La couverture de Lydia sera-t-elle réduite à néant, et la mascarade révélée au grand jour (hé oui, encore du suspense ! 😊) ?
Alors donc, est-ce que tous ces ingrédients font un bon roman, à la hauteur de son idée de départ ? Oui et non. La faute à un roman que je trouve un peu maladroitement construit avec ses trois récits mélangés (Lydia, Lawrence le secrétaire et Grabowski le paparazzi). Celui de Lawrence prend énormément de place, il nous raconte sa Lydia, donne beaucoup de détails sur l'organisation de sa disparition, ce qui donne à l'intrigue principale – la nouvelle vie de Lydia –, une lenteur démesurée (c'est vrai aussi qu'elle a une vie très tranquille et pas forcément très passionnante). Peut-être que l'autrice a voulu donner une crédibilité à son histoire, puisqu'elle ne reprend que les gros traits de l'histoire de Diana pour en écrire une version parallèle et fictionnelle (d'ailleurs l'autrice a pris soin pour ce faire de ne donner aucun nom réel). Or, ce n'est pas un roman documentaire, le lecteur à mon sens peut accepter que la princesse disparaisse sans tous ces détails !
De ce fait, le roman met beaucoup de temps à donner à Lydia sa voix, mais quand il le fait, et c'est en cela que je l'ai bien aimé, cela apporte une certaine profondeur puisqu'il donne à voir sa douleur à l'idée d'avoir abandonné malgré tout ses fils, et la difficulté, le courage que cela lui a demandé de reconstruire sa vie, de mûrir. L'autrice nous donne à voir ainsi une Lydia qui émotionnellement, ressemble beaucoup à l'idée que l'on pouvait se faire de Diana, cette femme à fleur de peau et à la recherche tellement démesurée d'amour qu'elle ne pouvait être que déçue.
Le récit de Grabowski, ce paparazzi sur le retour, excité comme un limier à l'affût du sang une fois qu'il a reconnu la princesse, est ainsi, comme les autres, une force et une faiblesse du roman : il est assez mal écrit, avec un certain relâchement dans le vocabulaire (manière de souligner à gros traits la vulgarité du personnage, parfois animé de bons sentiments qu'il étouffe rapidement), ce qui ne rend pas sa lecture particulièrement agréable. Mais il a le mérite de montrer la mentalité des paparazzis, et de faire comprendre combien la vie de la princesse a dû être gâchée par eux, même si elle en jouait à certains moments.
Le résultat donne donc un roman inégal et un peu anecdotique. Il vaudra principalement pour son personnage de Lydia qui, dans ses peurs, ses hésitations et sa volonté désespérée d'être heureuse, est aussi attachante que la véritable princesse dont elle prend les traits.