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EAN : 9791022612524
192 pages
Editions Métailié (28/04/2023)
3.92/5   18 notes
Résumé :
Envoyé du New Yorker, le poète Al Alvarez se rend à Las Vegas pour faire un reportage sur le Championnat mondial de poker de 1981.
Las Vegas est alors l’une des villes les plus extravagantes des États-Unis, une ville qui n’a qu’une promesse : votre vie peut changer d’une seconde à l’autre... si vous avez de la chance.

Des millions de gens venus du monde entier jouent aux tables de poker, mais une poignée à peine se risque aux plus grosses table... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Paru en 1983 et réédité aux éditions Métailié, « Le plus gros jeu » est une chronique du Championnat mondial de poker de 1981, rédigée par Al Alvarez, poète et journaliste envoyé par le « New Yorker ».

L'ouvrage dépasse largement le cadre des Championnats du monde 1981, qui nous sont relatés par le menu dans les derniers chapitres. L'auteur nous propose en effet un tableau saisissant d'une ville sortie de nulle part, érigée au coeur d'un désert étouffant et entièrement consacrée au Jeu. D'une plume aiguisée et teintée de poésie, Al Alvarez nous plonge dans les entrailles de la nouvelle Babylone, cette cité artificielle où il est possible de vivre des mois sans voir la lumière du jour, ce lieu de perdition tout entier prosterné devant le veau d'or de l'époque : le billet vert.

« Ensuite, je m'allongeais sous le soleil ardent, écoutant les antennes-relais de télévision craquer sous le souffle du vent, ou arpentant le périmètre du toit afin d'admirer la ville étalée à mes pieds, ses néons éblouis par les rayons du soleil, et sa ceinture de montagnes plissées découpant l'horizon. »

Si l'ambition de l'auteur est de nous proposer un panorama de Las Vegas dépassant le cadre des Championnats du monde de poker, il ne s'attarde guère sur l'univers peu reluisant des machines à sous et des multiples jeux de hasard que propose la cité du Jeu. le poker est en effet au coeur de l'ouvrage. Si le jeu lui-même et ses innombrables variantes sont décrites avec soin, les joueurs professionnels de poker constituent in fine le véritable sujet du « livre-reportage » d'al Alvarez.

« Je suppose que c'est tragique, d'une certaine façon, mais cette ville est dure avec tout le monde. Elle vous siphonne toute spiritualité. Pour continuer à gagner sur le long terme dans le coin, il faut rester sans émotions. Mais quand un joueur est sans émotions, alors il se détache de la personne qu'il est vraiment. C'est le premier problème quand on vit à Las Vegas : on devient dénué de spiritualité ».

Ces mots confiés au narrateur rappellent à quel point l'industrie du jeu est un monstre froid, un Moloch insatiable, qui non content gagner des quantités gigantesques d'argent, dévore l'âme des joueurs dont la vie est tout entière consacrée aux cartes.

Truffé d'anecdotes, le récit virevolte telle une partie de poker où le jeu se retourne, lorsqu'un joueur sur le point de perdre finit à force d'ingéniosité et de coups de bluff stupéfiants par l'emporter sur ses adversaires. L'attention sincère que porte l'auteur aux multiples joueurs professionnels qu'il croise au long de son périple (jeunes prodiges, vieux routiers, surdoués des mathématiques bardés de diplômes, autodidactes au parcours tourmenté) est au coeur du récit aussi incarné que vivant que constitue « Le plus gros jeu ».

« Dehors sur le parcours, le soleil se reflétait sur l'eau, et l'air vif sentait l'herbe fraîchement coupée. Les oiseaux se répondaient gentiment depuis les palmiers asséchés et les genévriers. Les montagnes encerclaient l'horizon, plongées dans la brume. « Ce n'est pas de la brume », m'a expliqué Brunson. « C'est de la pollution. » »

La plume du journaliste poète nous propose quelques moments purement contemplatifs dans une chronique très centrée sur le poker, offrant au lecteur ces instants de respiration propre à la littérature. Si elle n'atteint jamais la drôlerie disjonctée de « Las Vegas parano », le chef-d'oeuvre du journalisme gonzo d'Hunter S. Thomson, cette chronique finement documentée emporte le lecteur dans le tourbillon vibrionnant des interminables parties de poker aux enjeux démesurés, qui se succèdent sans fin dans la cité du Jeu.

« Le plus gros jeu » s'attarde sur un paradoxe : l'incroyable diversité du profil des joueurs arpentant les nombreux casinos et la constance des qualités requises pour devenir un professionnel du poker : accepter les défaites avec détachement, être à la fois calculateur et fin psychologue, jouer « serré » et ne pas hésiter à bluffer quand il le faut, et surtout parvenir à oublier que les jetons empilés sur les tables représentent des sommes d'argent indécentes.

Al Alvarez nous dépeint, avec une forme de romantisme déconcertant, des chevaliers des temps modernes, libres de toute hiérarchie, ne dépendant que d'eux-mêmes, intrépides, supérieurement intelligents, prêts à tout perdre pour mieux rebondir et gagner encore et encore.

« Au crépuscule, la brume se dissipait et le coucher de soleil nimbait les montagnes à l'horizon d'une lueur rose. Un soir, un croissant de la nouvelle lune s'élevait au-dessus d'elles, volant brièvement la vedette aux lumières mouvantes de la ville en dessous. Mais à ce moment-là, j'étais déjà suffisamment sous le charme des lieux pour me demander si observer la lune à travers une vitre ne me porterait pas la poisse. ».

Même simple spectateur, Al Alvarez a peut-être laissé une partie de son regard de poète à Vegas, comme en témoigne cet instant étrange où l'inquiétude du joueur l'emporte sur la contemplation presque enfantine de la lueur d'un croissant de lune au coeur de la nuit.

La chronique proposée par le journaliste surprend par une forme de glorification de ce qui n'est qu'un jeu, mêlant stratégie, calcul de probabilités, gestion de ses émotions, aptitude à « lire » ses adversaires et chance. Si les interminables parties se déroulant autour d'un tapis vert sont indéniablement une métaphore de la vie, elles ne sont pas La Vie.

Hypnotisé par la virtuosité des joueurs qu'il côtoie dans la cité du vice, l'auteur semble oublier que le poker n'est qu'un jeu artificiel et vain, une montagne de billets verts amassés par des joueurs au teint blême qui tentent de donner un sens à leur existence, au risque de tout perdre, y compris leur âme.

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Al Alvarez est un journaliste britannique qui s'est passionné pour le jeu , le poker à las Vegas en particulier. Ce livre , écrit en 1983 nous plonge dans le monde du poker à Vegas donc , notamment celui des World series of poker organisés au Binion's Horseshoe Casino depuis 1970.

Voilà, on a presque tout dit. l'auteur va nous présenter les différents protagonistes qui ont marqué l'histoire de ce lieu. L'étude est très intéressante, la psychologie des joueurs aussi , la finalité de Las Vegas , raser les touristes était connue.
Le rapport à l'argent de ces joueurs dont l'un des buts semble gagner pour mieux pouvoir perdre est édifiant , immoral mais finalement pourquoi pas ? les joueurs sont présentés comme inoffensif, vivant dans un monde clos régi par des règles précises et acceptées. Ce sont de vrais pros , alliant compétence mathématiques , psychologiques, sang froid. Des joueurs imbattables pour le quidam moyen , sauf Patrick Bruel peut être, mais peut on le ranger dans la catégorie des quidam moyen ?

La mafia n'est pas , ou très peu évoquée, de même que le dessous des paillettes.
J'ai adoré les 50 premières pages , me transportant dans un univers parallèle. La suite, sans être désagréable, n'est qu'une répétition de ce que j'avais déjà lu.
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Dans deux jours, ou deux cents pages, nous connaitrons le « nouveau » vainqueur du WSOP 81, World Series of Poker, un genre de championnat du monde de Poker où des centaines de joueurs se retrouvent enfermés dans un casino prestigieux de Las Vegas pour en découdre de bluffs et de mathématiques. Car ne vas pas croire que le poker est un jeu de hasard. La chance n'a pas son mot à dire, le public s'émeut de ho et de ha (Patriccckkk !) à la découverte du flop ou de la river, mais avant d'en arriver là, il y a eu la stratégie, les probabilités et la pression (pas celle qui finit dans une choppe, ici c'est plus bouteille d'eau ou thermos de café à volonté).

Mais avant de s'asseoir à la table finale, les huit ou neuf meilleurs joueurs du tournoi, car il n'en restera qu'un et ce ne sera pas un Macleod, Al Alvarez, écrivain-poète anglais, journaliste et passionné de poker s'invite dans le Nevada et les coulisses de ce WSOP, avec ce très bel ouvrage qui ne s'adresse pas forcément aux passionnés de poker – dit celui qui est capable de passer des heures comme subjugué devant son écran de télévision à regarder de vieilles rediffusions d'anciens tournois de Texas Hold'em. Avant tout, ce livre nous parle de tout, sauf du poker ou presque. le poker, c'est aussi une histoire de mythe et d'ambiance.

Dans la chambre de son hôtel, vieil établissement historique qui paraît si poussiéreux dans le faste et l'horizon de Las Vegas, l'homme regarde par la fenêtre. le soleil se couche à l'horizon, une boule rougeoyante qui fait grimper la température au-delà des 35°C (c'était avant la prédominance du réchauffement climatique). Des néons illuminent l'artère principale, le Stripe, où les hôtels s'alignent les uns derrière les autres faisant preuve d'imagination architecturale et de faste à la dorure ensoleillée. Quelques réverbères illuminent certains passages, des prostituées se promenant au bras d'un client jusqu'à une chambre plus discrète. A peine 500 mètres plus loin, le désert du Nevada. Une terre ocre de poussière balayée par un vent chaud. Comment un écrin de verdure peut subitement pousser dans l'aridité de ce milieu, tout l'artifice de cette ville est dans cette image. Bientôt, son regard sera porté vers la lune d'un bleu incandescent, mais peut-il la regarder dans les yeux, au plus profond de son âme, avant de descendre jouer. Une superstition.

Car l'autre sujet du roman est les joueurs. Leurs histoires, chaque homme a sa propre histoire, de celui-ci venu au hasard atterrir dans cette ville et ne plus pouvoir la quitter, au riche entrepreneur pour qui l'argent ne compte guère, tant que les puits de pétrole du Texas déversent leur fluide noir dans des pipelines… Il y a plusieurs catégories de joueur et chacun use de sa stratégie, de sa psychologie, pour appâter l'autre et lui prendre sa fortune, symbolisée par des montagnes de jetons. Et puis parmi tous ces joueurs, je croise le stetson texan le plus célèbre des tables de poker, celui de Doyle Brunson déjà au sommet de ce sport dans les années 80 et pendant les quarante années qui ont suivi ce WSOP.

Ce qui est sûr c'est que Las Vegas ne laisse pas indifférent. Elle possède le charme d'une prostituée vénale qui n'en veut qu'à ton fric. Elle t'hypnotise, comme une prostituée qui se déshabille dans la chambre désuète de cet hôtel, dorures aux rideaux et sur les oreillers. Elle t'accapare comme une maitresse qui s'immisce jour et nuit dans tes pensées, saines et malsaines. Las Vegas, Nevada, le bruit des machines à sous. Las Vegas, Nevada, les pleurs de ces types – ou les larmes de leurs femmes - qui ont perdu en une heure la paie tant peinée du mois. Las Vegas, Nevada, le soleil brûlant qui brûle l'âme et le coeur de tout joueur, il faut faire abstraction de cet organe avant de s'installer à une table de poker. Las Vegas, Nevada, et le célèbre TEN - DEUCE de Doyle Brunson. Las Vegas, Nevada, et le concert d'Elvis qui se déhanche dans la salle d'à côté pour ajouter du faste et du sexe à cette sordide soirée où ta vie est partie avec le reste de tes jetons rouges, verts ou noirs.
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Mais diable ! Qu'allait-il faire dans cette galère ? A ne pas lire les 4e de couverture, je me retrouve avec des lectures parfois surprenantes. Me voilà donc avec ce livre hommage au poker et particulièrement à Las Vegas. D'abord, c'est vraiment pour les passionnés : l'auteur qui est entre autre poète et journaliste, joueur lui-même, est envoyé pour faire un reportage sur un championnat mondial en 1981 ; il ne s'en remettra plus. Il nous présente du coup nombre de joueurs fous, leur histoire, des stratégies, de gros coups de chances... ou pas. On découvre tout un monde : il paraît que c'est même le meilleur livre sur le poker enfin publié en France - je veux bien le croire. Premier intérêt surprenant donc. Mais, surtout, la plume est captivante, et elle est accompagnée de réflexions sur l'argent, la chance, le jeu, le capitalisme, et cette ville incroyable qu'est Vegas. C'est méga-bluffant (!) ce que ces grands professionnels de ce jeu pensent sur tous ces sujets, C'est renversant même. A ce niveau, les cartes ne sont vraiment pas pour les petits joueurs ; en revanche, ce livre satisfera les grands curieux.
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Texte absolument passionnant de l'auteur, poète et journaliste Al Alvarez !

Rarement (pour ne pas dire jamais) déçue par les éditions Métailié, j'étais très curieuse de découvrir la partie "essai/document" de leur catalogue, et c'est chose faite avec ce court texte, chronique flash, étourdissante et passionnante sur les joueurs de poker de Las Vegas !
Sous prétexte d'un reportage sur le Championnat mondial de poker de 1981, Al Alvarez va rencontrer et échanger avec de nombreux joueurs, qu'ils soient pros, joueurs du dimanche, accros, richissimes, complètement ruinés ou venus en dilettante,...
On rentre dans leur tête pour découvrir ce qui les pousse à jouer toujours plus, que ce soit l'appât du gain ou l'adrénaline liée au risque de tout perdre.

J'ai trouvé le texte véritablement passionnant, et même si j'ai ressenti parfois un manque de structuration (il n'est finalement, presque qu'une énumération d'anecdote et de témoignages), j'ai vraiment adoré tenter de comprendre comment on peut en arriver à vivre des instants autant déconnectés du monde réel.
Car l'argent, là-bas, n'a absolument aucune valeur tant que la partie est en cours ! Rien n'est concret, rien n'est palpable, si ce n'est le bonheur du grand frisson, l'illusion de croire que tout est possible jusqu'à la dernière carte...

L'auteur a la capacité folle de retransposer une ambiance dans laquelle on se sent immédiatement projeté, et malgré l'indécence de ce monde parallèle, réussit à nous convaincre qu'après tout, on pourrait peut-être essayer, nous aussi, de décrocher son ticket pour Las Vegas...

(merci infiniment à Babelio et sa masse critique pour cette découverte)
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critiques presse (3)
SudOuestPresse
16 mai 2023
Le poète anglais Al Alvarez aimait se frotter au sel de la vie. Après « Nourrir la bête » sur l’escalade, sort « Le Plus Gros Jeu », considéré comme le plus grand livre jamais écrit sur le poker.
Lire la critique sur le site : SudOuestPresse
LaLibreBelgique
09 mai 2023
Publié en 1983, considéré comme le meilleur livre consacré au poker, Le plus gros jeu du poète et journaliste anglais Al Alvarez (1929-2019) n'avait, à ce jour, jamais été traduit en français. C'est désormais chose faite, et cette "chronique éblouissante sur Las Vegas et ses joueurs de poker" (ainsi que l'indique le sous-titre) nous permet de pénétrer un univers toujours fascinant.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
LeFigaro
24 avril 2023
Un reporter couvre pour le New Yorker les championnats du monde de poker au début des années 1980, à Vegas.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Les bordels sont légaux au Nevada, et l'hypocrisie sexuelle est le seul vice auquel Las Vegas n'a jamais succombé. Aux arrêts d'autobus tout le long du Strip, des journaux en libre-service proposent toutes les variétés de compagnons des deux sexes. Les bordels et les agences de call-girls ("Pas besoin de sortir de sa chambre d'hôtel") occupent des pages entières de publicités barrées de photographies floutées et stylisées, de logos de cartes de crédit, et de sous-entendus gênants : "La solution parfaite pour se souvenir à jamais de votre séjour à Las Vegas." II existe également des colonnes d'étranges publicités personnelles pour des free-lances nommées Sherri, Terri, Lori et Desarya. Un bar avec serveuses aux seins nus à quelques mères du Strip propose des filles qui se trémoussent pour tous les goûts - une grosse, une mince, une forte, une fragile - mais donne aussi la possibilité à ses clients qui ne peuvent plus monter les quatre marches de l'entrée d'utiliser une rampe d'accès pour chaise roulante. La dépression créée par l'industrie du plaisir du comté de Clark, au Nevada, semble ne pas avoir de limite, et cela se ressent aussi bien auprès des professionnels que des amateurs. "J'ai l'impression que les femmes par ici se sont endurcies", dit Mickey Appleman. "Elles ne sont plus vulnérables, comme les femmes de la côte Est. On dirait qu'on les a vidées de leur substance. Je suppose que c'est tragique, d'une certaine façon, mais cette ville est dure avec tout le monde. Elle vous siphonne toute spiritualité. Pour continuer à gagner sur le long terme dans le coin, il faut rester sans émotions. Mais quand un joueur est sans émotions, alors il se détache de la personne qu'il est vraiment. C'est le premier problème quand on vit à Las Vegas : on devient dénué de spiritualité."
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Pour les trains qui roulent en direction de la côte Ouest, le désert du Nevada s'érigeait comme une barrière naturelle, un élément destructeur qu'il fallait supporter jusqu'à la souffrance. De nos jours, avec la climatisation, le désert est l'attraction principale de l'Etat. Partout ailleurs aux Etats-Unis, en ce mois de mai, il y a eu des vagues de froid et des dégels soudains ; des alertes à la tempête en Alabama et des cyclones en Floride. Mais à Las Vegas, la météo est des plus constantes, comme dans une expérience sous contrôle. Le soleil brille, le vent du désert souffle, le thermomètre illuminé au sommet du Mint affiche de 30 à 35 degrés jour après jour.
Et puis, le matin du 15 mai, un petit miracle s'est produit. Quand je me suis levé et que j'ai ouvert les rideaux, le soleil avait disparu. Au-delà du parking, des prêteurs sur gages et des rails de chemin de fer, les montagnes étaient couvertes de voiles foncés, qui s'agitaient vaguement aux extrémités et fondaient lentement vers la ville. A midi, la pluie a commencé à tomber. L'air était frais, et les ruelles populeuses de Glitter Gulch suintaient la senteur musquée et insidieuse de la poussière qui tombait enfin. Plus tard dans l'après-midi, la petite piscine du Mint était déserte, fraiche, délicieuse. Le lendemain, elle était fermée. La température de l'air était descendue jusqu'à un petit 22 degrés, ce qui était trop froid pour la baignade selon les standards de Vegas.
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Glitter Gulch est réservé aux gens de passage, la plupart âgés et repérables de loin : des vieilles en pantalon vert fluo, jaune banane ou orange de Floride pétant, agrippées à un gobelet rempli de petite monnaie dans une main, le levier d'un des 50 000 bandits manchots de Vegas dans l'autre ; des vieux aux dents en plastique et costard bleu ciel en plastique en train de jouer au craps à 1 dollar, au black-jack à 50 cents et au Stud Limit poker à 3 dollars ; des épaves en fauteuil roulant ou derrière des déambulateurs, des bossus, des difformes, des squelettiques et des obèses claquant leurs aides de la sécurité sociale, leurs pensions d'invalidité et leurs retraites, attendant leur heure et le miracle d'un jackpot qui transfigurerait leurs dernières années marquées par le dénuement. Tous sont animés d'une ferveur digne du sabbat des sorcières de Walpurgis, un mélange d'optimisme du joueur mâtiné de nostalgie. À L'ANCIENNE, hurlent les enseignes de néon, en plus des CONSOMMATIONS AU BAR 50 CENTS, GAGNEZ UNE VOITURE 25 CENTS, ASPIRINE & TENDRESSE À VOLONTÉ. Pour ces Snopes des Temps modernes, telles les canailles du roman de Faulkner, Glitter Gulch constitue le dernier arrêt, absurde, sur le lent chemin qui mène au cimetière.
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- Las Vegas est comme un parasite qui se nourrit d'argent, a dit un natif du Texas. Elle est plantée au beau milieu du désert et ne produit absolument rien, pourtant elle fait vivre près d'un demi-million d'habitants. Elle dépend du reste des Etats-Unis pour se nourrir de leur argent, qui se déverse à travers les casinos jusqu'aux cinq cent mille habitants. Ca doit être un genre de miracle des Temps modernes, comme la multiplication des pains et des poissons. Quand je vois tous ces casinos remplis de touristes qui sont persuadés de passer du bon temps à perdre leur argent, ça dépasse ma compréhension. Et pourtant, ils sont toujours pleins à ras bord.
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J'ai découvert plus tard la petite piscine située sur le toit du Mint, juste en face du Golden Nugget, à côté du Horseshoe. Tous les jours, vers 5 heures de l'après-midi, je m'y glissais pour une heure, occupé à patauger dans l'eau brûlante, éclairé par les chiffres lumineux géants de la seule horloge visible dans tout le Downtown. Ensuite, je m'allongeais sous le soleil ardent, écoutant les antennes-relais de télévision craquer sous le souffle du vent, ou arpentant le périmètre du toit afin d'admirer la ville étalée à mes pieds, ses néons éblouis par les rayons du soleil, et sa ceinture de montagnes plissées découpant l'horizon. À cette heure de la journée, il y avait rarement plus de trois ou quatre personnes à la piscine, et je me retrouvais souvent à avoir l'endroit pour moi seul, si ce n'étaient quelques oiseaux du désert, couleur sable, occupés à batifoler entre les antennes-relais, et l'employé qui s'ennuyait en attendant de fermer l'endroit à 18 heures. Silence, air frais, défoulement physique et espace : j'étais comme un prisonnier en sursis.
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