"La rivière en se déversant prenait la consistance d'une flamme vive, son grain sa chaleur ondoyant puis se repliant avant de fondre sur l'onde. le flux des rayons se déplaçait en une sorte de valse lente. Les contreforts, les pics, les arêtes rocheuses, même les plis les plus secrets du canyon réagissaient à cette alternance d'éclats lumineux puis d'ombres. Les sommets paraissaient pivoter dans l'attente, l'espoir que le cours d'eau douce s'inverse. En vain". Page 12.
André Bucher entraîné par sa fougue militante d'agriculteur des montagnes enchaîne deux pages de descriptions fantasmatiques où l'on voit peu à peu se dessiner les personnages d'un théâtre gigantesque d'ombres et de lumières. Porté par une musique fluviale ou orageuse, le film qui se déroule alors sous vos yeux n'est plus cette carte postale ou tout semble figé pour une éternité bienheureuse, mais juste un sol ou le dos caché d'un dévers, rythmant une valse à deux temps.
La Montagne de la dernière Chance, évoque Colline de
Giono, loin des Bronzés font du ski. Pour le marcheur que je suis, ces descriptions de la montagne sont comme ces temps de repos. Des poses que l'on déguste, avec l'appétit d'un explorateur, à l'affût de tous les bruits, de tous les bruissements et de toutes les sautes d'humeur de la montagne.
L'histoire est simple et décrit avec un brin d'ironie les efforts titanesques de ce nouvel entrepreneur, Georges au faîte de sa renommée fort de sa connaissance des travaux publics et de la forêt. Il a presque réalisé son rêve avec le rachat aux enchères de la ferme de Louis et de sa femme Pauline. Rincés par leur fils Elly, en prison pour escroquerie, ils sont près à tout et héberge Geffray un ami d' Elly.
Après avoir vu tant de barrages ici ou là dans l'ensemble de ces vallées alpines, en oubliant Fréjus on peut s'imaginer que de combler un canyon peut devenir un projet viable à long terme.
Joindre l'ensemble de ses acquisitions par un chemin unique en réalisant l'économie de va-et-vient incessants en montagne, descendre pour remonter, n'est-il pas plus simple de joindre deux à deux les mêmes niveaux. Enfantin Non ! Ayant convaincu Louis maintenant bien heureux de retrouver un job, il lui faudra contourner Tony, un agriculteur.
Car c'était peut-être sans compter sur ce vieux renard, cet agriculteur récalcitrant aux humeurs imprévisibles, aux comportements démesurés, malgré des propos utiles et bien pensés, celui-ci n'avançait que des idées de bon sens.
Avec
André Bucher nous découvrons la complexité de la géographie montagnarde.
Dans ce défi un peu démentiel qui va éroder la détermination vigoureuse de Georges, le regard narquois de Tony, plane sur chaque nouvelle initiative, lui pour rien au monde ne cédera ses parcelles de terrain.
Finalement la montagne se réveillera comme elle se réveille chaque printemps, quand les neiges fondent les rivières se chargent du ruissellement des eaux, le décors ne ressemble pas à ce que l'automne a couvert, le canyon n'a plus rien à voir avec ce que l'on avait l'habitude d'observer pendant les mois d'été.