« Une suprême discrétion » est le premier roman du prolifique
Gilles Archambault. Il est écrit dans le style des romans psychologiques des années 1950, comme le souligne l'exergue provenant de «
Vivre à Madère » de
Jacques Chardonne. Publié en 1963, il aborde plusieurs sujets propres à l'ère post-Duplessis, dont le changement des moeurs et des mentalités.
Pour ce qui est de l'intrigue principale, le lecteur a droit à une histoire d'amour. André est un homme de trente-deux ans, riche, dandy, plus indolent que véritablement paresseux, mais qui a pour principal trait de caractère la tiédeur. Comme il le dit lui-même : « Je suis tiède. Rien de ce qui m'arrive ne me touche vraiment. » Marthe est quant à elle une âme solitaire, commis de librairie, timide, d'une dignité exemplaire. Leur relation ne semble pas vraiment
claire. Chacun aime l'autre à sa manière. André est foncièrement indépendant, il est incapable de s'engager véritablement, son amour est donc limité. Marthe aime absolument, mais discrètement. le lecteur comprend vite que cette histoire n'ira pas bien loin. En effet, André rompt au début du roman. Nous entrons alors dans le sujet le plus intéressant du roman, qui sera traité encore plus explicitement vers la fin du roman, et qui, de plus, est toujours d'actualité : faire ou ne pas faire des enfants. Car Marthe est enceinte, mais n'en dit rien à André. Si l'homme l'a rejeté, l'enfant sera son secret et son espoir. Elle désire cet enfant plus que tout. Alors que Marthe part pour Toronto, André se lie avec Jeanne, une écrivaine et l'épouse de son ami Lucien. Même l'amour avec cette femme moderne et libre finit par l'ennuyer. Peut-être que le travaille saura lui remettre les idées en place. Malheureusement, les bourdes qu'il commet augmentent son marasme. André est un penseur triste, un pessimiste qui ne croit en rien le bonheur semble proche, mais bloqué par un tempérament à la fois trop fort, intransigeant et trop faible.
Voyons André comme une sorte de ténébreux, un décalé, étranger à son époque. Avec la Révolution tranquille soufflait l'espoir, un vent de changement par rapport à l'époque difficile qui l'avait précédée. L'amour était sur toutes les lèvres. La liberté allait détruire les derniers asservissements qu'une grande noirceur avait laissé prolonger beaucoup trop longtemps. Tel un poète romantique, André pratique une tristesse volontaire. L'optimisme de son temps ne le touche pas. Son étoile est morte. Il le sait. Et, lui aussi, son luth porte le Soleil noir de la Mélancolie.