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Liliane Hasson (Traducteur)
EAN : 9782234051973
169 pages
Stock (12/01/2000)
3.75/5   6 notes
Résumé :


Pour ce dernier et implacable Assaut contre la dictature cubaine, Reinaldo Arenas fait de ses personnages des animaux armés de " griffes " et ignorant le langage articulé. Tour à tour victimes et bourreaux, ils sont surveillés par une armada de Contre-Chuchoteurs au service du Réprimeurissime.

Quant au héros, il s'acharne à retrouver sa mère, qui est aussi le tyran, afin de la trucider. Dans la lignée de Kafka et d'Orwell, Arenas, à... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Quasiment toute l'oeuvre du cubain Reinaldo Arenas a été écrite dans l'urgence et dans des conditions de précarité et de nécessité absolue. Ses manuscrits ayant été détruits ou confisqués par le régime communiste cubain, et c'est le cas pour ce livre L'assaut, Arenas a donc dû les réécrire plusieurs fois, notamment en exil puisqu'il est un marielito, leur donnant une tonalité à la fois plus libre et plus imprécatoire : dans L'assaut, il allégorise l'histoire de son pays soumis au totalitarisme d'une répression à l'échelle collective et individuelle.
Trop dissident pour s'inscrire dans la lignée littéraire latino-américaine consacré au dictateur-caudillo d'Alejo Carpentier, García Márquez ou Roa Bastos, Reinaldo Arenas joue en individuel et sans nuance aucune, parce que sa furie existentielle est aussi déchainée que son écriture.

Certainement le plus cruel et le plus anti-rhétorique de ses romans, L'assaut porte à son comble la dénonciation du régime castriste et de son absurdité, " une sorte de fable aride sur le genre humain quand l'État l'emporte sur ses rêves ou ses projets" dit Arenas.
Dans un Etat ou le dictateur Réprimeurissime est vénéré et obéit de tous, le protagoniste-narrateur, un policier misanthrope, en quête obsessive de sa mère pour l'anéantir, devient agent du gouvernement spécialisé dans la répression d'insurgés. Sous prétexte de mater toute forme de rébellion, il tente de mettre en oeuvre son projet personnel d'assassinat de sa mère, conduisant le récit à un crescendo d'atrocités que le protagoniste justifie à ses supérieurs comme nécessaires au maintien de l'ordre et de la moralité révolutionnaire.

Moins carnavalesque que son livre précédent, La couleur de l'été, L'assaut a un ton plus grave et revient au fantastique de ses premières oeuvres. Si le regard porté par le narrateur protagoniste sur l'humanité est pessimiste, l'auteur quant à lui conserve un faible espoir puisque Reinaldo Arenas a toujours été à la lisière de la colère révoltée et du désenchantement. Arenas ajoutera : "Bien que le poète périsse, le témoignage de l'écriture qu'il laisse est celui de son triomphe face à la répression et au crime".
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« L'Assaut » a été publié en 1990, quelques mois seulement avant le suicide de Reinaldo Arenas. C'est la dernière partie des cinq agonies. En fait le livre a été écrit dans les années 70 « en toute hâte, afin de pouvoir l'expédier à l'étranger » comme cela est indiqué dans son autobiographie « Avant la Nuit ». Il définit lui-même le livre comme étant « une fable aride sur le destin du genre humain quand l'Etat piétine ses rêves et ses projets». Et il poursuit avec son but « chanter l'horreur, chanter la vie des gens. [] l'intransigeance de l'homme – créateur, poète, rebelle ou renégat- contre toutes les idéologies répressives qui tentent de le foudroyer » puis il définit le poète « Même si le poète périt, ses écrits expriment son triomphe face à la répression et au crime ». On assiste alors à 51 chapitres, qui tous sont des hommages à ses auteurs favoris, y compris de lui-même (« le Monde Hallucinant », « le Palais des très blanches Mouffettes », « La Couleur de l'été », « Celestino avant l'aube ». Il y aussi les lectures imposées de Lénine et de la propagande officielle de Cuba.
L'histoire se passe dans un pays que l'on pourrait identifier à une dictature communiste, soumis aux lois du Réprimeur. le narrateur, n'habite pas au Polyfamilial, mais « dans une maison de verre, parce qu'elle peut être détruite selon le bon vouloir de la Réprimerie ». Derrière le Grand Combinat des Madriers, il voit sa mère ramasser du bois. Il parait évident que ce n'est pas pour occuper ses loisirs. La rencontre n'est pas non plus une relation des plus amicales, car il avoue « je me suis précipité avec une seule idée en tête, la zigouiller ». Heureusement les trope de la Contre-Chuchotation interviennent et poursuivent la mère. « Naturellement, ma mère, je l'ai toujours haïe. En fait depuis que je la connais ». Cela rappelle le début de « Celestino avant l'aube ». D'ailleurs son descriptif n'est pas vraiment à son avantage. « Les oreilles de ma mère sont grandes, rugueuses et larges comme celles d'une chauve-souris géante, d'une souris, d'un chien, d'un éléphant ou d'une bestiole de merde, toujours en alerte ; ses yeux ronds, giratoires et à fleur de tête, comme ceux d'un rat, d'un crapaud ou de toute autre putain d'animal. Son nez est comme un bec d'oiseau furieux, sa gueule – sa trompe - est en même temps allongée et ronde, et tient beaucoup du chien ou du boa ou d'un autre nom de Dieu d'animal. Son cou giratoire est court, un cou de hibou ou de héron écrasé ou du diable sait quelle bête bizarre ».
Quant aux autres… « Ce qui me répugne le plus en eux, c'est cette odeur de vieille urine, de merde rance.il ya dans ces corps quelque chose qui tient de la bête pas tout à fait crevé, comme si elle suppurait interminablement ». Ils n'ont plus de vrais mains mais des criffes. « le criss criss des criffes contre le sol soulève des tourbillons de poussière. le tintamarre des multicriffes sur le râble des ennemis de la patrie […] augmente ». Ils se rassemblent et obéissent aux ordres. « le hi-han trépignant s'arrête devant l'esplanade de la Patrie. Des bruits de crécelle ordonnent à la masse parlante de se situer dans l'espace autorisé». Par ailleurs « le clairon, le bidon ou trompe ou sifflet ou pipeau, bref, allez vous faire enculer, retentit ou résonne ou clame ou acclame, bref, allez vous faire foutre ». il faut reconnaître que « quand le cafard court, il court par en haut par en bas, de-çà de-là, s'il court par-ci ceux de par-là lui font paf, s'il court par là-bas, c'est ceux de là-bas ; s'il court par en haut : paf. S'il court par en bas : paf. Il n'a aucun échappatoire ». Et heureusement « une fois par an, à la veille du grand anniversaire du triomphe du Réprimeurissime, sur ordonnance réprimeuse, on autorise toute la Cocomunion à tuer les cafards ». Naturellement tout cela ne va pas sans mal. « L'un d'eux, une femme, au moment de s'agenouiller pour se faire appliquer le paramètre justicier, fait un faux mouvement, dirait-on, et donne un coup de pied à la bête de devant. Une autre, un homme, rue contre la poitrine de celle qui l'a piétiné. Il s'ensuit, à force de morsures et de coups de pied, un combat aussi bref que violent entre les victimes qui vont être purifiées ».
le dernier chapitre, le 52éme, est intitulé « L'Assaut » et en 12 pages, « les troupes de l'euphorie réprimeuse s'organisent ». Il va y avoir une grande remise de décorations. « le Grand Réprimeur s'apprête à décorer le héros maximo de la Légion Antidépravante-Expurgeante ». Au dernier moment le narrateur reconnaît sa mère. « Tandis que j'avance vers elle, mon membre, pour la première fois, se dresse soudain ». Il éventre les six enveloppes qui protègent sa mère. Et finalement, « mon phallus se propulse vers sa cible, le trou puant, et je l'embroche ». La boucle est bouclée. La foule peut finalement s'écrier « Enfin nous avons achevé l'assassin réprimeur, enfin la bête est tombée ». le narrateur marche jusqu'au sable. « Et je m'allonge ». On retrouve la mer, la paix. C'est la fin de la « Pentagonie ».
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On pourrait dire, en refermant ce livre, en plagiant Alain, que la dictature rend fou et que la dictature absolue rend fou absolument. Reinaldo Arenas vomit toute sa haine de la dictature de Fidel Castro dans une espèce de délire maniaque de la surveillance et de la liberté surveillée. Bien sur, il dit vrai et le document a valeur historique mais, ce n'est pas si agréable que cela à lire et surtout, c'est très répétitif.
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Au pays du Réprimeurissime, un policier cherche sa mère pour la tuer : une trace de farce et de sang.

Publié en 1990, quelques mois avant son suicide, "L'assaut" est la dernière des "cinq agonies" de la pentagonie composée par Reinaldo Arenas, emprisonné puis exilé de Cuba en 1980 pour ses critiques contre le régime et son homosexualité.

Maîtrisant parfaitement les ressorts de "l'écriture carnavalesque" si centrale dans la littérature cubaine (et plus généralement antillaise) depuis les débuts d'Alejo Carpentier et de José Lezama Lima, il donne ici l'une des peintures probablement les plus bakhtiniennes jamais réalisées de l'absurdité sanglante du totalitarisme. À travers la quête insensée de son narrateur, réprimeur de choc au service du régime du Réprimeurissime, lancé à la recherche de sa mère qu'il veut tuer, arpentant camps et prisons en y laissant un sillage de sang, Arenas développe une énorme violence, tapie dans des jeux de langage toujours plus surprenants.

Une curiosité parfois déroutante mais passionnante.
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Sublime dénonciation de la violence des dictatures par l'appel à l'absurde. Une critique plus complète à venir :-)
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Le hi-han trépignant s'arrête devant l'esplanade de la Patrie. Des bruits de crécelle ordonnent à la masse parlante de se situer dans lespace autorisé. On ordonne à ceux qui portent les brimborions flambant neufs et la statue du Réprimeurissime de se situer dans le prérimètre officiel. Celui qui fait du boucan le fait. le troupeau qui va être massacré est placé dans le périmètre assigné. Quand ils passent devant moi, j'en profite pour me faire valoir en filant de grands coups de pied à la tête du plus proche (je sais bien que quelqu'un, que je ne vois pas, a pris ce fait en considération). La masse vociférante tente de m'imiter. Mais les agents de la Contre-Chuchotation s'interposent. il hurle, celui qui fait du bruit. Déjà, l'ennemi est situé à genoux et de dos, pour recevoir la juste évaluation populaire. Il crie, l'officier hurleur. Ainsi, un par un, à coups de massue, on les situe. L'un d'eux, une femme, au moment de s'agenouiller pour se faire appliquer le paramètre justicier, fait un faux mouvement, dirait-on, et donne un coup de pied à la bête de devant. Une autre, un homme, rue contre la poitrine de celle qui l'a piétiné. Il s'ensuit, à force de morsures et de coups de pied, un combat aussi bref que violent entre les victimes qui vont être purifiées.
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Nous ne voulons plus entendre le moindre chuchotement, nous voulons qu'on applaudisse ou qu'on crie sur ordre.
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Le délégué officiel contre-chuchotant me fixe avec indifférence et me tend un formulaire. En bas, à la rubrique observations générales, j'écris: je soupçonne ma mère d'être le chef de la Chuchotation.
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My Lover the Sea, by Reinaldo Arenas, Filmed by Gerard McGarity
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