«
L'Assaut » a été publié en 1990, quelques mois seulement avant le suicide de
Reinaldo Arenas. C'est la dernière partie des cinq agonies. En fait le livre a été écrit dans les années 70 « en toute hâte, afin de pouvoir l'expédier à l'étranger » comme cela est indiqué dans son autobiographie «
Avant la Nuit ». Il définit lui-même le livre comme étant « une fable aride sur le destin du genre humain quand l'Etat piétine ses rêves et ses projets». Et il poursuit avec son but « chanter l'horreur, chanter la vie des gens. [] l'intransigeance de l'homme – créateur, poète, rebelle ou renégat- contre toutes les idéologies répressives qui tentent de le foudroyer » puis il définit le poète « Même si le poète périt, ses écrits expriment son triomphe face à la répression et au crime ». On assiste alors à 51 chapitres, qui tous sont des hommages à ses auteurs favoris, y compris de lui-même («
le Monde Hallucinant », «
le Palais des très blanches Mouffettes », «
La Couleur de l'été », «
Celestino avant l'aube ». Il y aussi les lectures imposées de
Lénine et de la propagande officielle de Cuba.
L'histoire se passe dans un pays que l'on pourrait identifier à une dictature communiste, soumis aux lois du Réprimeur. le narrateur, n'habite pas au Polyfamilial, mais « dans une maison de verre, parce qu'elle peut être détruite selon le bon vouloir de la Réprimerie ». Derrière le Grand Combinat des Madriers, il voit sa mère ramasser du bois. Il parait évident que ce n'est pas pour occuper ses loisirs. La rencontre n'est pas non plus une relation des plus amicales, car il avoue « je me suis précipité avec une seule idée en tête, la zigouiller ». Heureusement les trope de la Contre-Chuchotation interviennent et poursuivent la mère. « Naturellement, ma mère, je l'ai toujours haïe. En fait depuis que je la connais ». Cela rappelle le début de «
Celestino avant l'aube ». D'ailleurs son descriptif n'est pas vraiment à son avantage. « Les oreilles de ma mère sont grandes, rugueuses et larges comme celles d'une chauve-souris géante, d'une souris, d'un chien, d'un éléphant ou d'une bestiole de merde, toujours en alerte ; ses yeux ronds, giratoires et à fleur de tête, comme ceux d'un rat, d'un crapaud ou de toute autre putain d'animal. Son nez est comme un bec d'oiseau furieux, sa gueule – sa trompe - est en même temps allongée et ronde, et tient beaucoup du chien ou du boa ou d'un autre nom de Dieu d'animal. Son cou giratoire est court, un cou de hibou ou de héron écrasé ou du diable sait quelle bête bizarre ».
Quant aux autres… « Ce qui me répugne le plus en eux, c'est cette odeur de vieille urine, de merde rance.il ya dans ces corps quelque chose qui tient de la bête pas tout à fait crevé, comme si elle suppurait interminablement ». Ils n'ont plus de vrais mains mais des criffes. « le criss criss des criffes contre le sol soulève des tourbillons de poussière. le tintamarre des multicriffes sur le râble des ennemis de la patrie […] augmente ». Ils se rassemblent et obéissent aux ordres. « le hi-han trépignant s'arrête devant l'esplanade de la Patrie. Des bruits de crécelle ordonnent à la masse parlante de se situer dans l'espace autorisé». Par ailleurs « le clairon, le bidon ou trompe ou sifflet ou pipeau, bref, allez vous faire enculer, retentit ou résonne ou clame ou acclame, bref, allez vous faire foutre ». il faut reconnaître que « quand le cafard court, il court par en haut par en bas, de-çà de-là, s'il court par-ci ceux de par-là lui font paf, s'il court par là-bas, c'est ceux de là-bas ; s'il court par en haut : paf. S'il court par en bas : paf. Il n'a aucun échappatoire ». Et heureusement « une fois par an, à la veille du grand anniversaire du triomphe du Réprimeurissime, sur ordonnance réprimeuse, on autorise toute la Cocomunion à tuer les cafards ». Naturellement tout cela ne va pas sans mal. « L'un d'eux, une femme, au moment de s'agenouiller pour se faire appliquer le paramètre justicier, fait un faux mouvement, dirait-on, et donne un coup de pied à la bête de devant. Une autre, un homme, rue contre la poitrine de celle qui l'a piétiné. Il s'ensuit, à force de morsures et de coups de pied, un combat aussi bref que violent entre les victimes qui vont être purifiées ».
le dernier chapitre, le 52éme, est intitulé «
L'Assaut » et en 12 pages, « les troupes de l'euphorie réprimeuse s'organisent ». Il va y avoir une grande remise de décorations. « le Grand Réprimeur s'apprête à décorer le héros maximo de la Légion Antidépravante-Expurgeante ». Au dernier moment le narrateur reconnaît sa mère. « Tandis que j'avance vers elle, mon membre, pour la première fois, se dresse soudain ». Il éventre les six enveloppes qui protègent sa mère. Et finalement, « mon phallus se propulse vers sa cible, le trou puant, et je l'embroche ». La boucle est bouclée. La foule peut finalement s'écrier « Enfin nous avons achevé l'assassin réprimeur, enfin la bête est tombée ». le narrateur marche jusqu'au sable. « Et je m'allonge ». On retrouve la mer, la paix. C'est la fin de la « Pentagonie ».