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Michelle-Irène Brudny de Launay (Traducteur)
EAN : 9782228882224
182 pages
Payot et Rivages (26/09/1990)
3.67/5   12 notes
Résumé :
Ce livre rassemble trois textes de Hannah Arendt qui se situent dans le sillage immédiat de son ouvrage majeur, Les origines du totalitarisme (1951), qu'il contribue à éclairer et à prolonger.

Deux articles de 1953, " Compréhension et politique " et " Religion et politique ", développent une analyse plus fine du phénomène totalitaire. Le second texte récuse la représentation du communisme comme " religion séculière ". Le texte central, " La nature du ... >Voir plus
Que lire après La nature du totalitarismeVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Hanna Arendt est une philosophe très connue pour avoir couvert le procès de Eichmann ainsi que d'avoir été une des premières a traité du totalitarisme, dès les années 40. Mais aussi pour avoir côtoyé Heidegger. Hayek avait déjà essayé de dresser le contour du régime soviétique, avec plus ou moins de mal selon moi. Ici, Arendt essaye de nous brosser le portrait du totalitarisme d'un point de vue légaliste quand Hayek s'attardait sur la forme et la manière dont le régime arrivait au pouvoir. Elle sera accompagnée d'outils développés par deux philosophes, Kant et Montesquieu.

Dès le début du livre, elle nous fournit une définition qui pourrait sans doute contenter une partie de ses lecteurs : « le totalitarisme est la négation de la liberté ». Par extension on peut donc dire qu'il s'oppose au monde libéral qui s'est bâti sur cette valeur, sur la liberté d'entreprendre, la liberté de marchander, de faire du commerce, d'innover, d'exprimer ses opinions.

Nous avons dans nos vies, une dualité, nous sommes des individus et des citoyens. On peut aussi calquer cette dualité au niveau de la politique de l'Etat, il a une politique intérieure, notre vie privée, et une politique étrangère, ce qui se passe dans la sphère publique. Ce sont des éléments qui peuvent nous éclairer sur la nature du totalitarisme selon elle, car ces régimes ont pour ambitions de les supprimer. Selon elle les états totalitaires assimilent politique intérieure et étrangère puisqu'ils concourent à la domination mondiale ainsi leur droit serait universel, s'appliquant à tous. Les guerres qu'ils perpétuent, vue comme des annexions, ne sont donc que des guerres civiles.

Dans les républiques, les citoyens sont égaux devant la loi et ils doivent tous recevoir la même chose du fait de leur statut. Dans la vie privée, ce sont des individus tous différents et la loi ne peut pas garantir des choses égales dans cette sphère. La loi ne fait que définir des frontières, mais elle ne permet pas de toucher à ce qui se passe dans la vie privée. Elle fait une distinction nette entre public et privée et instaure des règles pour la vie publique. Elle permet ainsi aux personnes d'être libre dans leur sphère privée et donc d'impulser un mouvement a contrario des institutions, régies par la loi et donc stables.

Le gouvernement totalitaire, à la différence des autres formes de gouvernement, est « sans loi », mais non arbitraire, car suivant une logique naturelle ou historique. Il se passe des lois positives, faites par les hommes mais promet plutôt celle de la nature et de l'histoire. Ces lois s'appliquent directement à l'espèce pour donner une Humanité homogène, avec l'idée derrière de domination mondiale. Ces lois sont mouvements, elles ne sont plus stables comme ont pu l'être les lois du droit naturel bien que celles-ci purent être modifiées de temps en temps. La terreur est l'essence des gouvernements totalitaires. Ces lois tendent à l'épuration, l'apurement des individus gênants au profit du processus de progrès de l'espèce. Après que les ennemis aient été éliminés, la terreur, qui s'est instaurée, règne sans que rien ne puisse se mettre en travers de son chemin.

Contrairement aux lois des Etats constitutionnels ou républicains, la loi n'établit pas de frontière, mais immobilise les hommes pour qu'elle puisse se mouvoir. La terreur permet de rassembler tous les hommes vers un but commun, a contrario des hommes libres qui divaguent et font ce qu'ils veulent. Elle les rassemble et permet ainsi d'accélérer le mouvement de l'Histoire ou de la Nature avec une force que personne n'aurait pu réunir. Dans les régimes tyranniques, le Tyran veut être le seul à diriger pour ne pas être menacé. Alors que dans un régime totalitaire, le chef qui se définit comme dirigeant de toute l'humanité supprime l'opposition pour pouvoir avoir un règne total. Mais la suppression de l'opposition n'est pas son but ultime, il veut reproduire les lois de la Nature. Il est finalement l'exécutant de loi supérieure.

Quand la terreur a fait son effet et que les hommes ont tous été isolés, le totalitarisme transforme alors le processus en mouvement et la terreur s'applique à tous sans distinction. A partir de cela, les hommes qui ont soif de connaître les lois du mouvement selon lesquelles opère la terreur vont eux-mêmes se jeter dans le mouvement. Et une fois que les personnes indésirables auront été éliminées, ce sont les personnes qui se seront jetées dans le mouvement qui demanderont à être éliminées. L'idéologie totalitaire prédispose ainsi les personnes à être victimes et bourreaux.

Il n'y a selon elle que dans ce type de gouvernement que l'idéologie devient un moteur de la vie politique, car elle détermine l'action des gouvernants et permet à la population de supporter cela. Elle entend au sens d'idéologie l'explication totale des mouvements de l'histoire, par la lutte des classes par exemple ou la domination mondiale des juifs. Ce sont des « — isme » qui tentent de tout expliquer par une vision monocausale. L'idéologie devient donc indépendante du réel et par cela elle créer la terreur pour que tout corresponde à l'idéologie et que l'humain cesse d'être imprévisible.

Ce que les totalitarismes ont réussi à faire, selon elle, ce n'est pas à créer quelque chose de nouveau comme le racisme ou le socialisme, mais d'avoir pu le transformer en réalité. Là-dessus je ne suis pas d'accord, le fascisme apparaît comme quelque chose de nouveau. Il apparaît dans un contexte d'après première guerre mondiale, la doctrine du fascisme n'a pas comme thèse principale le racisme non plus. le nazisme ne peut se définir seulement par son racisme, on peut émettre l'hypothèse que sa condition lui a fait occulter certains éléments de compréhension du système fasciste et par extension du système nazi.

Les régimes totalitaires partageraient selon elle la foi en la toute-puissance de l'homme et en même temps son caractère superflu. Ils établissent comme principe le fait que la réalité et la vérité peuvent être transformées. La réalité perd son sens, le régime totalitaire fera tout pour assujettir la réalité et la transformer selon son idéologie c'est pour cela qu'il a besoin de la domination mondiale et qu'il peut perpétrer les pires atrocités. L'idéologie permet de se séparer de la réalité, d'en sortir, et ultimement d'appliquer la meurtrière logique qui découle de notre souscription à l'idéologie.

Elle considère que les totalitaires ont exploité les individus isolés, l'Allemagne par exemple n'était plus qu'une agglomération d'atome et donc les individus isolés qui n'avaient plus d'expérience du réel se renferment sur l'abstrait.

« La désolation comme corollaire de la perte du foyer et du déracinement est, d'un point de vue humain, la maladie de notre temps ».

Ce qui me dérange ici c'est que l'on a un amalgame de fait entre les Soviétiques et le nazisme. Elle créer une nouvelle boîte où mettre les régimes politiques dérangeants et qui s'illustrent par des actes de meurtre de masse. Pourtant elle n'a pas parlé de l'Empire ottoman ou des actes commis durant la Révolution française ou de l'Empire allemand en Afrique. Il y a des éléments très intéressants comme le fait de vouloir transfigurer la réalité même et de la faire coller à son idéologie, et par là cela me rappelle des mouvances très récentes. Les régimes totalitaires ont volonté d'appliquer la terreur, d'immobiliser les êtres humains pour ensuite impulser un mouvement.

On pourrait s'interroger sur les sociétés qui nous ont précédé comme la société féodale, l'Empire de Chine ou l'Empire musulman, peut être qu'une société non-total est une aberration aux yeux de l'histoire de l'humanité, peut être que c'est notre société qui est anormale.
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Il s'agit d'une relecture.
Je l'avais lu il y a bien une 15aine d'années.
Mais je devais le relire pour (ou tenter de) répondre à cette question : le néo-libéralisme peut-il amener au totalitarisme ?
Dans ces textes, l'autrice analyse (d'une manière non linéaire et touffue, mais c'est son mode de pensée) ce qui peut amener aux totalitarismes : Nazisme et communisme (bolchévique surtout car elle élude le maoïsme, normal car en 1953 Mao était encore adulé).
Elle fait la distinction entre totalitarisme et fascisme (Mussolini) et dictature (Franco).

Elle estime qu'il faut plusieurs éléments :
- Une idéologie,
- Une société fragmentée ou atomisée,
- Des individus se sentant seuls et sans pouvoir d'action,
- Un élément accélérateur (la haine du juif ou du bourgeois),
- Un élément déclencheur, un leader qui allume la mèche (Hitler, Staline)

Même si comparaison n'est pas raison, le néo-libéralisme n'est-il pas une idéologie ? Voire la religion du dieu Argent ?
Nos sociétés ne sont-elles pas fragmentées ?
Notre pouvoir d'action citoyen n'est-il pas réduit (referendum de 2005, règles imposées par la commission européenne pourtant non élue, la troïka sur la Grèce)
Nos libertés individuelles ne sont-elles pas entamées ? (répression violente des gilets jaunes voire des anti pass sanitaire, le pass sanitaire lui-même - présenter un "laissez passer pour aller boire un café, qui' l'aurait imaginé il n'y a que 3 ans en arrière !)
La haine du migrant, du musulman, du terroriste ne ferait-il pas un élément déclencheur.

Je ne veux pas jouer les Cassandre, mais la période actuelle m'inquiète...

Humainement et livresquement votre
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Ouvrage particulièrement intéressant qui a le mérite de poser des questions et de susciter une réflexion.
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
(...) ne pas assimiler le régime totalitaire à quelque mal bien connu du passé : l’agressivité, la tyrannie, la conspiration, etc. Nous nous mouvons alors, semble-t-il, en terrain ferme, car nous croyons avoir hérité du passé, outre ses maux, la sagesse requise pour trouver une issue. Or, le problème c’est que cette sagesse s’évanouit pour ainsi dire entre nos mains, dès que nous tentons de l’appliquer scrupuleusement aux expériences politiques les plus importantes de notre temps. Tout ce que nous savons du totalitarisme témoigne d’une originalité dans l’horreur qu’aucun parallélisme historique, nécessairement forcé, ne parvient à atténuer.
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Selon Montesquieu, la vie des hommes est régie par les lois et les mœurs, qui se distinguent en ce que "les lois règlent plus les actions du citoyen, et que les mœurs règlent plus les actions de l'homme". Les lois fixent le domaine de la vie publique, et les mœurs, celui de la société. Le déclin des nations commence avec l'ébranlement de la légalité, que le gouvernement en place transgresse les lois ou que l'autorité attachée à l'origine de ces lois devienne objet de doute ou de contestation. Dans les deux cas, on ne tient plus les lois pour valides. Et, en conséquence, la nation perd, en même temps que sa "foi" en ses propres lois, sa capacité à agir de manière politiquement responsable; les hommes perdent leur qualité de citoyen au sens plein de ce terme. Ce qui demeure encore, à ce moment-là - et explique d'ailleurs la fréquence longévité de ces corps politiques dont la vitalité a disparu -, ce sont les mœurs et les traditions de la société. Aussi longtemps que ces dernières sont intactes, les hommes, en tant qu'individus privés, continuent à se conduire conformément à certaines structures morales. Mais cette moralité a perdu son fondement. On ne peut s'en remettre à la tradition afin d'empêcher le pire que pour un temps. Le moindre incident est capable de détruire des mœurs et une moralité qui ne sont plus fondées sur une légitimité, le moindre hasard menace nécessairement une société qui a cessé d'être garantie par ses citoyens.
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En effet, depuis le début de ce siècle, l'emprise croissante du non-sens s'est accompagnée d'une perte de sens commun. A bien des égards, ce phénomène est apparu simplement comme un progrès de la stupidité. Nous ne connaissons aucune culture, avant la nôtre, où les gens aient été assez crédules pour se conformer, dans leurs habitudes de consommation, à ce principe fondamental de tout publicité qui veut qu'on ne soit jamais mieux loué que par soi-même. Jamais non plus, selon toute vraisemblance, on n'eût pu convaincre une autre époque que la nôtre de prendre au sérieux une forme de thérapie dont l'efficacité est supposée dépendre de l'importance des sommes d'argent que les patients versent à ceux qui la pratiquent, si ce n'est dans cette société primitive où la remise d'argent possède en elle-même un pouvoir magique.
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La plupart des pays d’Europe sont encore gouvernés par les mœurs. Mais si par un long abus de pouvoir, si pas une grande conquête, le despotisme s’établissait à un certain point, il n’y aurait plus de mœurs ni de climat qui tinssent; et dans cette belle partie du monde, la nature humaine souffrirait, au moins pour un temps, les insultes qu’on lui fait dans les trois autres. Dans ce passage Montesquieu résume les périls qui menacent un corps politique dont la cohésion n’est plus assurée que par les mœurs et les traditions, donc par la simple force de liaison que constitue la moralité. [ ... ] L’homme, cet être flexible, se pliant dans la société aux pensées et aux impressions des autres, et également capable de connaître sa propre nature lorsqu’on la lui montre, et d’en perdre jusqu’au sentiment lorsqu’on la lui dérobe.
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Les mots employés à des fins polémiques cessent d'être une parole, ils deviennent des clichés. Or, la manière dont les clichés se sont introduits dans notre langage et dans nos débats quotidiens indique bien à quel point nous nous sommes non seulement privé de notre faculté de parler, mais aussi disposés à utiliser des moyens violents, plus efficaces que des mauvais livres.
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Vidéo de Hannah Arendt
Dans un ouvrage en trois tomes, l'écrivaine et psychanalyse Julia Kristeva s'interroge sur ce qu'elle appelle le "génie féminin". Un choix affectif et personnel la conduit à se pencher sur trois cas singuliers, trois femmes à l'oeuvre et à la vie extraordinaires : Hannah Arendt, Mélanie Klein et Colette.
Pour en parler, Géraldine Muhlmann reçoit : Aurore Mréjen, ingénieure de recherche à l'Université Paris Nanterre et chercheuse au Laboratoire du Changement Social et Politique (Université de Paris) Frédéric Maget, directeur de la Maison de Colette Julia Kristeva, écrivaine, psychanalyste, professeure émérite à l'Université de Paris et membre titulaire et formateur de la Société Psychanalytique de Paris
Visuel de la vignette : Getty
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