Merci à Babelio et aux éditions Anamosa pour l'envoi de ce livre.
Cet ouvrage n'est pas seulement un ouvrage historique s'adressant aux enseignants et étudiants de cette discipline. Il intéressera tous ceux qui vivent dans cette région de Lens, qui sont ou furent ouvriers voire, a fortiori, mineurs. Il pourrait également motiver les lecteurs qui ont des racines prolétaires ou qui souhaitent approfondir leurs connaissances dans ce domaine. En effet, pour un livre « scientifique », l'auteur n'abuse pas du jargon, il expose et structure clairement son propos. Un excellent prof, sans doute, précis et passionné.
Le drame de Fouquières-lès-Lens est l'occasion de se replonger dans une époque disparue. Celle de la mine, bien sûr mais aussi celle des intellectuels engagés et enragés, les « Mao » par exemple.
Après avoir établi le contexte de ces années 1970, l'auteur revient sur le récit de la catastrophe elle-même puis il énumère ses conséquences : la réaction des étudiants de l'école des mines, la tenue d'un tribunal populaire et même l'engagement d'artistes ayant pour axe de réflexion le rôle de l'art dans la politique.
La grande force de ce livre est de bénéficier d'une mise en page qui facilite la lecture. Les nombreuses photographies, les reproductions de journaux, de tracts, d'affiches de cette époque prouvent la rigueur de l'auteur dans le traitement des informations. La transcription du procès populaire, par exemple, permet de mesurer que cette justice du peuple, avec des jurés aux profils pour le moins orientés, est d'une valeur démocratique contestable. Ces différents documents font surtout prendre la mesure de l'émotion suscitée par la catastrophes. L'énumération des multiples accidents miniers mais aussi les ravages de la silicose, le rappel des répressions policières, de l'incurie politique face aux difficultés multiples des mineurs ne relativisent pas les luttes actuelles mais elles permettent une mise en perspective salutaire. Cette époque post-68 était (aussi ?) d'une grande violence. Ces documents d'époque apportent une émotion que l'on n'éprouve que rarement dans les livres d'histoire. le journal d'une veuve de mineur est une illustration de cette singularité.
Le seul bémol que j'émettrai concerne la postface signée par
Michelle Zancarini-Fournel qui débute par l'analogie entre les propos du ministre de la justice d'alors sur le tribunal populaire et ceux de Dupont-Moretti sur l'affaire EELV/
Julien Bayou. La comparaison me paraît fumeuse dans la mesure où, à la lecture des compte-rendus d'audience de la justice populaire de 1970, nous sommes encore clairement dans une époque où les idées sont développées, longuement exposées. Mao n'avait pas encore cassé sa pipe d'opium, l'ORTF vigoureuse et les anciens résistants toujours sur le devant de la scène.
Aujourd'hui, et malgré quelques contre-exemples cités comme celui des diplômés de X refusant les diktat ultra-libéraux, l'indignation populaire relève trop souvent de Twitter ou d'autres réseaux sociaux. Pouvons-nous aujourd'hui encore nous référer à l'exemple de Fouquières pour les luttes contemporaines ? Je n'en suis pas convaincu ce qui ne m'empêche de réitérer tout le bien que je pense de ce livre.