À défaut d’être aimée de lui, elle pourrait être près de lui, respirer le même air que lui, l’aimer tout à son aise, sans rien attendre en retour que la joie de le savoir près d’elle.
Autrefois… Ces moments heureux, cette joie de vivre sans crainte du lendemain lui semblaient lointains, comme une fanfare qui disparaît au tournant d’une rue.
Rosalie, assise à sa coiffeuse, regardait son reflet dans le miroir, scrutant ses traits avec une sévérité impitoyable, notant la faiblesse de son menton, un creux sous ses joues qui donnait à son visage une austérité qu’elle n’éprouvait pas dans son cœur. Elle songea à l’injustice de la nature qui l’avait ainsi faite. Sans être laide, elle n’était pas jolie; du moins, c’était le jugement qu’elle portait sur elle-même. Elle songea à Fanette, qui était si belle. Elle n’en éprouvait pas la moindre jalousie mais aurait voulu tout de même lui emprunter ne serait-ce qu’une once de sa beauté, un peu de l’éclat de ses yeux, ses pommettes hautes, son menton bien dessiné. Elle détourna les yeux du miroir.
Ils s’embrassèrent de nouveau avec passion, comme deux assoiffés qui ont marché longtemps dans le désert et ont enfin trouvé une oasis.
Quand on aime quelqu’un, on le sait tout de suite, sans se poser de questions.