Sarrasine est une nouvelle De Balzac, très fluide, qui sera dévorée en quelques heures (voire moins si vous êtes rapide) et je pense avec plaisir (probablement d'autant plus que vous serez proche de l'âge du protagoniste principal, c'est-à-dire dans les 20-22 ans).
De prime abord, sans jamais avoir rien lu sur cette nouvelle, j'imaginais qu'il s'agissait d'une femme, probablement une demoiselle, nommée Sarrasine, et dont tonton Honoré allait nous conter les mésaventures (Balzac, c'est souvent des mésaventures, faut avouer ce qui est !).
Or, point de tout cela. Sarrasine est un nom de famille, pas un prénom, et il désigne un homme et pas la fameuse demoiselle à laquelle on pouvait s'attendre. Notre Ernest-Jean Sarrasine est donc un jeune sculpteur bourré de talent mais quelque peu fougueux et indomptable à ses heures (on comprend pourquoi le grand Rodin a dédié un peu de son travail à Balzac à la lecture de cette nouvelle qui fait l'éloge de la profession).
Mais voilà, ce qui devait arriver arriva : Sarrasine tomba follement amoureux. La sublime déesse lui inspire moult dessins, études et sculptures, mais il y a un hic. Et quel hic ?... ça, je vous laisse le découvrir car si je vous en dis plus, vous saurez tout avant de l'avoir lue ce qui serait dommage...
Une nouvelle, donc, oui, on se dit que ce n'est pas un très gros morceau de l'œuvre de Balzac et il est vrai qu'elle n'a pas la profondeur de certaines autres de ses œuvres. Mais ne vous fiez pas aux apparences. Cette nouvelle fut jugée tout de même assez intéressante par le grand critique qu'était Roland Barthes pour y dédier toute une étude publiée sous le titre S/Z, rien que cela. Donc, en vous fiez pas trop aux apparences, petite nouvelle mais grandes implications. J'ajoute enfin que ce texte m'a beaucoup fait penser à une autre nouvelle, de Paul Morand cette fois, intitulée La Fleur double.
Stop, je m'arrête là, promis, car le risque de gâcher l'effet est grand, mais, (ne l'oubliez surtout pas), ne vous fiez pas aux apparences... du moins c'est mon avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.
Commenter  J’apprécie         1164
Courte mais intense nouvelle en deux tableaux tout en clair-obscur, l'un serti dans l'autre, dans laquelle Balzac met en scène les faux semblants d'une réalité à multiple facette à travers un personnage détonnant : Sarrasine.
Dans le premier tableau, nous le découvrons vieillard, jetant son ombre inquiétante sur les invités d'un bal éclatant donné par la mystérieuse famille de Lanty, scène que le narrateur observe tout en y opposant l'obscurité morbide des jardins alentour.
Dans le second tableau, le narrateur raconte à sa voisine de bal l'histoire édifiante de Sarrasine, artiste sculpteur en rébellion contre le conservatisme paternel, foudroyé par une passion trompeuse.
C'est tout, mais c'est gigantesque! tant la toile peinte par le maître Balzac irradie de tumulte et de lumières par ses mots ciselés, laissant sur la rétine le souvenir d'un personnage tranchant et brillant de noirceur.
Un bijou!
Challenge XIXème siècle édition 2018
Challenge Multi-défis 2018
Commenter  J’apprécie         430
Bien que Balzac aime à nous décrire méticuleusement des choses, et bien plus des sentiments en y ajustant autant d'image possible comme s'il goutait à une friandise, ce qui en fait des longueurs, trop de détails mais dans certaines de ces oeuvres, cela en fait des merveilles, évidemment Sarrasine figure dans cette catégorie , une belle nouvelle dont le début fait emprunt à un illustre personnage qui a beaucoup fait couler l'encre du XIXe siècle, un être mystérieux qui apparait sous de différents noms Balsamo, Cagliostro dans la série les mémoires d'un médecin de Dumas, Cagliostro dans Consuelo de George Sand, Comte de saint-Germain dans la marquise de Pampadour de Michel Zevaco, et d'autres, mais ici le personnage n'est que Ernest-Jean Sarrasine, un vieillard dont une simple vue donne des frissons, un vieux sculpteur qui a connu un épisode passionnel et envoutant dans sa jeunesse...
Commenter  J’apprécie         320
Vous m'avez dégoutée de la vie et des passions pour longtemps. Au monstre près, tous les sentiments humains ne se dénouent-ils pas ainsi, par d'atroces déceptions ? Mères, des enfants nous assassinent ou par leur mauvaise conduite ou par leur froideur. Épouses, nous sommes trahies. Amantes, nous sommes délaissées, abandonnées. L'amitié ! existe-t-elle ? […] Paris, dit-elle, est un sol bien hospitalier : il accueille tout, et les fortunes honteuses et les fortunes ensanglantées. Le crime et l'infamie y ont droit d'asile ; la vertu seule y est sans autels.
La réserve que M. et Mme de Lanty gardaient sur leur origine, sur leur existence passée et sur leurs relations avec les quatre parties du monde n'eût pas été longtemps un sujet d'étonnement à Paris. En nul pays peut-être, l'axiome de Vespasien n'est mieux compris. Là, les écus, même tachés de sang ou de boue, ne trahissent rien et représentent tout. Pourvu que la haute société sache le chiffre de votre fortune, vous êtes classé parmi les sommes qui vous sont égales, et personne ne vous demande à voir vos parchemins, parce que tout le monde sait combien peu ils coûtent.
- Ah! s'écria-t-elle en se levant et en se promenant à grands pas dans sa chambre. [...] Vous m'avez dégoutée de la vie et des passions pour longtemps. Au monstre près, tous les sentiments humains ne se dénouent-ils pas ainsi, par d'atroces déceptions? Mères, des enfants nous assassinent ou par leur mauvaise conduite ou par leur froideur. Épouses, nous sommes trahies. Amantes, nous sommes délaissées, abandonnées. L'amitié! existe-t-elle? Demain je me ferais dévote si je ne savais pouvoir rester comme un roc inaccessible au milieu des orages de la vie. Si l'avenir du chrétien est encore une illusion, au moins elle ne se détruit qu'après la mort. Laissez-moi seule.
Tous les membres de cette famille parlaient l'italien, le français, l'espagnol, l'anglais et l'allemand, avec assez de perfection pour faire supposer qu'ils avaient dû longtemps séjourner parmi ces différents peuples. Étaient-ce des bohémiens? Étaient-ce des flibustiers?
Quand bien même ce serait le Diable! disaient de jeunes politiques, ils reçoivent à merveille.
— Ce vieux, qui se cache et n'apparaît qu'aux équinoxes ou aux solstices, m'a tout l'air d'un assassin…
— Ou d'un banqueroutier…
— C'est à peu près la même chose. Tuer la fortune d'un homme, c'est quelquefois pis que de le tuer lui-même.
Si vous détestez votre belle-mère (ou qu'elle vous déteste), c'est peut-être la faute De Balzac, puis de la mainmise des hommes sur la presse au XIXe siècle. L'historienne Yannick Ripa revient sur l'histoire de ces préjugés.
#stereotypes #famille #cultureprime
_____________
Retrouvez-nous sur :
Facebook : https://fr-fr.facebook.com/franceculture
Twitter : https://twitter.com/franceculture
Instagram : https://www.instagram.com/franceculture
TikTok : https://www.tiktok.com/@franceculture
Twitch : https://www.twitch.tv/franceculture
Et abonnez-vous à la newsletter Culture Prime : https://www.cultureprime.fr/
+ Lire la suite