Outre ses qualités indéniables, ce livre est un bon exemple de la science fiction française d'avant-guerre, profondément différente de la SF américaine et de mouvance américaine, à laquelle se rattache d'ailleurs la SF française contemporaine, qui a peu été influencée par les précurseurs autochtones.
Barjavel se rattache pleinement à cette tradition ancienne, et ne s'est jamais vraiment adapté à la nouvelle SF, ainsi qu'en témoignent les dates de ses meilleurs ouvrages,
Ravage justement et
le voyageur imprudent.
Ceux que cette SF intéresse peuvent se référer à "Panorama de la science fiction" de Jacques van Herp, qui porte en grande partie sur la SF française d'avant-guerre. Ce livre, dont la dernière publication chez Marabout, date des années 60. On peut assez facilement se le procurer d'occasion, grâce soit rendue à Internet, qui épargne les recherches fastidieuses et souvent vaines chez les bouquinistes. Ml
Ravage justement est un post-apocalyptique. Il doit à sa date un caractère désuet, une naïveté, qui lui confèrent un certain charme, malgré son arrière-plan idéologique.
Sa thématique principale est le retour à la terre, idée fort à la mode (autant que de nos jours, où elle prend des formes quelque peu différentes). Et l'apocalypse n'est guère que le prétexte de ce retour.
Ce thème du retour à la terre fait évidemment partie du corpus idéologique de la Révolution Nationale vichyste, mais ce n'est pas elle qui l'a inventé. Voir à ce sujet par exemple les romans antérieure de
Giono,
Regain et
Angèle, et les films homonymes de
Pagnol qui en ont été tiré.
Pour autant,
Ravage incarne une partie de la mentalité de son époque, et on sait que
Barjavel avait des inclinaisons qui lui ont valu quelques ennuis ultérieurs
Ce livre est souvent mal compris ; il présente en effet un schéma classique : société développée/cataclysme /rennaissance d'une société moins développée,
Et certains pensent que la société initiale est une utopie, détruite par une catastrophe. Or pour
Barjavel, la société initiale n'est pas du tout une utopie, c'est le contraire ; et la catastrophe va permettre la naissance d'une société meilleure, plus proche de la nature.
Outre que ce schéma correspond comme il est dit plus haut au fantasme de retour à la terre de la Révolution Nationale, il a une incarnation beaucoup plus récente. La fin de la civilisation industrielle est en effet le but non pas de tous les écologistes, mais de ceux qui adhèrent à la Deep Ecology et à la Théorie Gaîa, Comme chez
Barjavel, ce but peut être atteint par la disparition ou la réduction drastique de l' énergie nécessaire pour le maintien de cette civilisation ; c'est le résultat auquel parviendrait l'abandon total de l'énergie nucléaire et des combustibles fossiles. Dés lors la vie ne serait plus possible que dans des communautés réduites, avec un bas niveau technologique, pouvant se contenter des énergies renouvelables. La transition ne se ferait pas sans énormément de casse, avec une réduction drastique de la population mondiale que le nouveau modèle ne permettait pas de nourrir.
Je sais que mes conjectures peuvent apparaître comme un fantasme réactionnaire. Il n'en reste pas moins que les positions d'un certain nombre d'organisations à but écologique ne sont pas claires.
Il est frappant de constater que le schéma " utopique" de
Barjavel se base sur la disparition de l'énergie,
Pour éviter toute ambiguïté, je considère qu'il s'agit d'une simple coïncidence et non de la preuve d'un complot séculaire. Je ne crois pas non plus à un complot des décroissants, qui se réuniront dans un restaurant végan (comme les "maîtres de l'état profond" se réunissent selon certains dans une pizzeria de Brooklyn selon certains…) pour méditer leurs projets. Il s'agit pour le moment d'un courant de pensée informel, prenant à des sources diverses dont les tenants n'ont pas nécessairement de connexions entre eux et ne pensent pas tous la même chose. Cependant ils partagent plus ou moins la même vision du monde, et oeuvrent plus ou moins dans le même sens.. Désolé, je déborde un peu. Je cherchais juste à éviter une étiquette de complotiste.