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EAN : 9782707313348
57 pages
Editions de Minuit (15/09/1991)
4.03/5   15 notes
Résumé :
Le Monde et le pantalon
Écrit au début de 1945, à l'occasion des expositions d"Abraham et de Gerardus van Velde respectivement aux galeries Mai et Maeght. Première publication sous le titre La Peinture des Van Velde ou Le Monde et le pantalon, dans la revue Les Cahiers d’Art, 1945-1946, avec six reproductions noir et blanc d’Abraham van Velde et neuf de Gerardhus. Son titre vient d’une plaisanterie reprise en 1957 dans Fin de partie et cité en exergue :
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Si les critiques d'art parlaient moins, ils nous laisseraient libres de regarder sans a priori, sans étiquettes en -ismes, sans analyses le plus souvent prétentieuses les tableaux des frères van Velde, ces « peintres de l'empêchement » qui ont tant à nous dire sur la terrible et passionnante épreuve de la représentation et qui le disent si bien quand on les regarde simplement.

Beckett avec humour, colère froide, ironie mordante pourfend la critique d'art et le parisianisme salonnard pour mieux tenter de dire, à son « chancelant avis » ce que sont ces deux frères aussi éloigné l'un de l'autre qu'il est possible, l'un tout entier dans la fuite, dans la saisie d'un temps qui propulse l'objet hors de sa saisie, l'autre recroquevillé dans un espace clos, dans cette attente humble de la chose à peindre qu'a si bien décrite Charles Juliet.

Ces deux Hollandais taiseux qui étaient ses amis.

Moins intimiste pourtant que le livre de Charles Juliet, il m'a semblé que celui de Beckett, une fois passée la bourrasque contre la critique d'art, cerne mieux –avec quelle admirable clarté de la forme et quelle étonnante originalité du point de vue- ce qui fait la spécificité de ces deux peintres peu connus, si authentiquement engagés dans leur quête respective.

Un petit livre qui ne me quitte plus : une vraie leçon de regard.

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Grosse dégénérescence de l'art : quand la parole recouvre, telle une bouse aux multiples épaisseurs de graisse, l'inanité d'une oeuvre vouée au seul marché spéculatif :


« Et leur peinture proprement dite [aux peintres modernes], qu'il ne faut tout de même pas confondre avec leur conversation, porte avec allégresse la même marque de certitude et d'irréfragabilité. A tel point que des deux choses, la toile et le discours, il n'est pas toujours facile de savoir laquelle est l'oeuf et laquelle est la poule ».


Et les critiques d'art dans tout ça, les voilà qui suivent, plus bouffons encore, prenant des vessies pour des lanternes et amplifiant la catastrophe. On se croit auto-engendré. Ils parlent, ils parlent. Beckett, que l'on connaît bien pour son mutisme –son écriture du mutisme- remet les pendules à l'heure. Ecrivant pour les « Cahier d'Art » à propos des frères van Velde, il présente d'abord le ridicule de la prétention critique, avant d'essayer d'exprimer ce qui ne peut pas se dire dans l'extase de celui qui contemple la peinture.


« Car il suffit que je réfléchisse à tous les plaisirs que me donnaient, à tous les plaisirs que me donnent, les tableaux d'A. van Velde, et à tous les plaisirs que me donnaient, à tous les plaisirs que me donnent, les tableaux de G. van Velde, pour que je les sente m'échapper, dans un éboulement innombrable. »


Pourquoi ?


« Car il ne s'agit nullement d'une prise de conscience, mais d'une prise de vision, d'une prise de vue tout court. Tout court ! »


Avant Beckett, on avait trouvé Antonin Artaud qui exprimait son admiration pour Van Gogh en des termes semblables. Mais ce n'est pas le livre d'Artaud, alors citons simplement encore, une dernière fois, Beckett :


« Comment parler de ces couleurs qui respirent, qui halètent ? de cette stase grouillante ? de ce monde sans poids, sans force, sans ombre ?
Ici tout bouge, nage, fuit, revient, se défait, se refait. Tout cesse, sans cesse. On dirait l'insurrection des molécules, l'intérieur d'une pierre un millième de seconde avant qu'elle ne se désagrège.
C'est ça, la littérature ».


Et la littérature, c'est bien, mais c'est un sous-produit, ce qu'on appelle parfois de la merde. Prenez puis passez.
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Ce court ouvrage contient en effet deux textes le monde et le pantalon et Peintres de l'empêchement, qui en réalité se complètent pour former une chronique sur l'art, et plus particulièrement sur la peinture. Dans la première partie de ce livre, Beckett affirme qu'il n'y a pas de bonne ou de mauvaise peinture, tout est question de goût. de quel droit le connaisseur devrait-il se permettre de dire à l'amateur d'art d'acheter tel ou tel tableau et de dénigrer ceux qui plaisent à ce dernier parce qu'ils n'ont pas été peints par les plus grands maîtres ou parce qu'il ne respectent pas les règles de l'art à proprement parler. Je trouve ce discours assez respectable et qu'il ne devrait pas seulement s'appliquer à l'art mais s'étendre dans d'autres domaines. Pourquoi n'aurais-je pas le droit de penser différemment de ce que la société nous dit de penser. N'ai-je pas mon propre libre-arbitre ?
Puis, Beckett en vient à citer les frères van Velde qui sont non seulement de ses amis mais sont également peintres tous deux. Il s'attache particulièrement à leur cas en nous expliquant que ce qu'ils recherchent eux dans la peinture, ce n'est pas uniquement l'art pour l'art mais avant tout la condition humaine.
J'ai trouvé cet ouvrage beaucoup plus accessible que l'image et les réflexions que l'auteur apporte intéressantes et nous incite, en tant que lecteur à réfléchir sur notre propre jugement. Par exemple, ce n'est pas parce que la majorité des critiques sont positives sur tel ou tel livre que je suis moi aussi obligée de l'aimer et d'en faire une éloge...
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une superbe réflexion sur l'art et quelques artistes dont Bram van velde
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Citations et extraits (30) Voir plus Ajouter une citation
« […] Ne vous en approchez pas. Un enfant en ferait autant. »
Qu’est-ce que ça peut lui faire, que ce soient des escrocs, s’ils lui procurent du plaisir ? Qu’est-ce que ça peut lui faire, qu’ils ne sachent pas dessiner ? Cimabue savait-il dessiner ? Qu’est-ce que ça veut dire : savoir dessiner ? Qu’est-ce que ça peut lui faire, que les enfants puissent en faire autant ? Qu’ils en fassent autant. Ce sera merveilleux. Qu’est-ce qui les en empêche ? Leurs parents peut-être. Ou n’en auraient-ils pas le temps ?
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L'un dira:Je ne peux voir l'objet, pour le représenter, parce qu'il est ce qu'il est. L'autre:Je ne peux voir l'objet, pour le représenter, parce que je suis ce que je suis.
Il y a toujours eu ces deux sortes d'artiste, ces deux sortes d'empêchement, l'empêchement-objet et l'empêchement-oeil. Mais ces empêchements, on en tenait compte. Ils ne faisaient pas partie de la représentation, ou à peine. Ici, ils en font partie. On dirait la plus grande partie. Est peint ce qui empêche de peindre.
Geere van Velde est un artiste de la première sorte (à mon chancelant avis), Bram van Velde de la seconde.
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Il n'y a pas de peinture. Il n'y a que des tableaux. Ceux-ci n'étant pas des saucisses, ne sont ni bons ni mauvais. Tout ce qu'on peut en dire, c'est qu'ils traduisent, avec plus ou moins de pertes, d'absurdes et mystérieuses poussées vers l'image, qu'ils sont plus ou moins adéquats vis-à-vis d'obscures tensions internes. Quant à décider vous-même du degré d'adéquation, il n'en est pas question, puisque vous n'êtes pas dans la peau du tendu.
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Pour finir, parlons d’autre chose, parlons de l’ « humain ».

C’est là un vocable, et sans doute un concept aussi, qu’on réserve pour les temps des grands massacres. Il faut la pestilence, Lisbonne et une boucherie religieuse majeure, pour que les êtres songent à s’aimer, à foutre la paix au jardinier d’à côté, à être simplissimes.

C’est un mot qu’on se renvoie aujourd’hui avec une fureur jamais égalée. On dirait des dum-dum.

Cela pleut sur les milieux artistiques avec une abondance toute particulière. C’est dommage. Car l’art ne semble pas avoir besoin du cataclysme, pour pouvoir s’exercer.

Les dégâts sont considérables déjà. Avec « Ce n’est pas humain », tout est dit. À la poubelle.

Demain on exigera de la charcuterie qu’elle soit humaine.

Cela, ce n’est rien. On a quand même l’habitude.

Ce qui est proprement épouvantable, c’est que l’artiste lui-même s’en est mis.

Le poète qui dit : Je ne suis pas un homme, je ne suis qu’un poète. Vite le moyen de faire rimer amour et congés payés.

Le musicien qui dit : Je donnerai la sirène à la trompette bouchée. Ça fera plus humain.

Le peintre qui dit : Tous les hommes sont frères. Allons, un petit cadavre.

Le philosophe qui dit : Protagoras avait raison.

Ils sont capables de nous démolir la poésie, la musique et la pensée pendant cinquante ans.
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Le « réaliste », suant devant sa cascade et pestant contre les nuages, n’a pas cessé de nous enchanter. Mais qu’il ne vienne plus nous emmerder avec ses histoires d’objectivité et de choses vues. De toutes les choses que personne n’a jamais vues, ses cascades sont assurément les plus énormes. Et, s’il existe un milieu où l’on ferait mieux de ne pas parler d’objectivité, c’est bien celui qu’il sillonne, sous son chapeau parasol.
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Vidéo de Samuel Beckett
Par l'autrice & un musicien mystère
Rim Battal propose une lecture performée de x et excès avec un grand musicien jazz et pop dont le nom sera révélé lors de la soirée. En ouverture Rim Battal invite cinq poétesses, Alix Baume, Camille Pimenta, Charlene Fontana, Esther Haberland, Virginie Sebeoun, qu'elle a accompagnées lors d'un programme de mentorat intitulé « Devenir poète.sse ». Cinq brèves lectures avant de plonger dans x et excès. Rim Battal y explore les zones d'ombre de l'ère numérique où l'industrie du sexe a une place prépondérante. Comment sculpte-t-elle nos corps et notre rapport à l'autre ? Dans une langue inventive, Rim Battal s'attaque au discours dominant sur la sexualité, le couple et l'amour pour mieux en révéler les failles.
Ce faisant, elle ouvre un espace de réflexion sur l'art. de Cabanel à Mia Khalifa, de Samuel Beckett à Grisélidis Réal, elle tisse des liens entre poésie, pornographie et oeuvres plastiques. Et dévoile ce que notre époque a de singulier et d'universel.
À lire – Rim Battal, x et excès, Castor Astral, 2024 – L'eau du bain, coll. « Poche poésie », Castor Astral, 2024.
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