De
l'ombre du corbeau à celle perdue et retrouvée de « Petite Pisse Partout », c'est à un extraordinaire voyage au coeur de la vie et de l'oeuvre de
Didier Comès que nous invite
Thierry Bellefroid dans
Comès, d'ombre et de
silence paru chez Casterman conjointement à la réédition en deux volumes de sa production en noir et blanc ainsi que des deux opus d'Ergün l'errant réunis en un seul livre, toujours chez Casterman. Si on ajoute à cela les deux expositions qui se tiennent actuellement à Bruxelles, l'occasion est belle de découvrir ou reparcourir l'univers de ce maître incontesté du noir et blanc, seul dessinateur belge à avoir obtenu la récompense suprême à Angoulême en 1981 pour son chef d'oeuvre
Silence.
Cette monographie richement documentée offrant reproductions d'originaux et photographies plus intimes met en évidence les répercussions que la vie et la personnalité de l'artiste vont avoir sur son oeuvre.
1942, Sourbrodt, naissance de Dieter Herman
Comes.
« Mon vrai prénom, c'est Dieter. Et ça c'est très important dans ma vie, en ce sens que je suis né dans cette partie de Belgique qui, en 1942, avait été annexée par l'Allemagne. Malheureusement – je dis bien malheureusement, parce que c'est quand même une forme d'identité le prénom –, lorsque j'ai été à l'école primaire, c'était après la guerre, on a francisé tous les prénoms.
Et Dieter, son « prénom de coeur » s'est mué en Didier qu'il gardera comme prénom d‘auteur tandis que dans son patronyme, le « e » se coiffera d'un accent grave pour devenir
Comès.
Le petit Dieter-Didier va grandir dans une atmosphère où tout lui rappelle la guerre et en restera profondément marqué. Un point positif tout de même et c'est loin d'être un détail :la découverte des Comics dans les années 50. Fasciné par le noir et blanc de
Milton Caniff, Il va également se tourner vers Jack Davis et Frank Robbins (alors publié dans le quotidien La Meuse).
Adolescent, puis jeune adulte, il va se chercher. Entre le jazz – Il est batteur semi-professionnel – et le dessin, son coeur balance.
Les hasards de la vie et les rencontres feront en sorte que le dessin l'emportera. Il publiera dans le Journal de Tintin en même temps que Pratt, alors illustre inconnu. Tous deux, jugés trop difficiles et trop sérieux par le lectorat du journal, se feront virer, puis participeront à la grande aventure de (A suivre). Ce sera vite la consécration, tout d'abord pour Pratt avec La ballade de la mer salée et enfin pour
Comès avec
Silence !
C'est tout cela que
Thierry Bellefroid retrace admirablement : l'histoire de
Comès liée à celle de (A suivre) et de l'édition belge sur fond de très belles amitiés liées avec Pratt, bien sûr, le grand ami de toujours mais aussi avec son éditeur et d'autres dessinateurs.
Aussi la lecture de cet ouvrage nous permet-elle de mieux voir et comprendre son évolution graphique et thématique. Si l'on se replonge conjointement dans ses 11 albums, cela n'en est que plus savoureux.
Suite à
Silence parut
La belette. On l'a alors à tort enfermé dans le genre fantastique rural ce qui provoquera en réaction
Eva, oeuvre à part dans sa production, thriller psychologique, huis-clos hitchcockien glaçant lorgnant vers l'expressionnisme.
Comès c'est bien plus qu'un dessinateur de la sorcellerie de campagne ! Alors oui, toute son oeuvre s'inscrit dans le genre fantastique. Il ne faut pas pour autant en oublier les thèmes qui l'habitent, notamment l'absurdité de la guerre et la mort. C'est aussi une ode à la nature teintée il est vrai d'animisme et de chamanisme, une vision à la fois précurseure et ancestrale des femmes et surtout un regard bienveillant porté sur la différence et la défense des marginaux. [...]
Chronique complète sur L'accro des bulles
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