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Cécile Térouanne (Traducteur)
EAN : 9782290012383
158 pages
J'ai lu (03/10/2008)
3.31/5   66 notes
Résumé :
Le Jeune et célèbre violoniste russe Sam Adler décide de se donner la mort dans une chambre du Grand Hôtel à Paris. Il écrit à Véra pour lui expliquer son geste. Une lettre dans laquelle se mêlent la nostalgie de leur ville natale, Saint-Pétersbourg, la déception face au succès et le désespoir d'aimer jamais quelqu'un d'autre que cette amie d'enfance dont le souvenir l'obsède. Devant le cadavre de celui qui fut à la fois son compagnon et son amoureux, les souvenirs ... >Voir plus
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« De façon générale l'amour n'a jamais été et ne sera jamais une seule et même chose. »


« Sera-t-il possible de faire la connaissance de ce garçon, de l'aimer et de lui plaire, de le garder pour soi toute seule ? » C'est en ces termes que Véra, petite fille de dix ans, vécut la rencontre avec ce garçonnet Sam Adler. Lui aussi était seul mais vivait dans un imaginaire qui lui était propre. Elle se coula avec une aisance naturelle -après tout elle n'était personne- dans les rêveries de Sam, pour n'en sortir que des années plus tard.

« Dans cette merveilleuse vie de joie et de labeur, il était bien sûr ce qu'il y avait de plus merveilleux à ses yeux, mais elle savait en même temps, et ce dès le premier jour de leur rencontre, qu'il n'était traduisible en aucune langue. ».

Ainsi, enfants, « le complot de l'amitié » fût une grande joie -un bonheur pour Véra ?- et rien ne les enchantait plus que de voyager en plein milieu du salon installés sous un tas de coussins recouvert d'une couverture.

Toutefois, les années passent, les enfants deviennent des jeunes adultes. Sam part avec sa famille après la Révolution russe, laissant Véra seule en ce pays où la misère et la famine s'installent. Elle se sent alors orpheline, inutile.

Jeune femme elle rencontre à ce moment-là, Alexandre Albertovitch. Et le « désir d'être bonne envers quelqu'un » se manifeste. « Elle devinait que seule la bonté pouvait la sauver de son isolement d'orpheline et des passions, la rendre de nouveau heureuse comme dans son enfance, c'était là pour elle le seul amour. Tout le reste n'était que trahison et solitude. »

Mais « Véra eut le sentiment que quelque chose s'éteignait à côté d'elle, sa propre vie, si amère, si dure et si belle, faite de séparations, de contrées étrangères et de larmes salées. »

Alexandre Albertovitch est un homme plus âgé qu'elle et d'une constitution fragile. Il lui dira peu de temps avant de décéder : « Je me suis cramponné à vous. Imaginez seulement un homme qui meurt de vie. Il a de la glace sur le front, un sac d'oxygène sur la poitrine, sa main est dans celle de quelqu'un de proche. Eh bien vous êtes tout cela : la glace, l'oxygène, la main... » Il ne voudra et ne pourra la rendre heureuse.

Veuve très jeune, elle tentera de trouver ce qu'elle aime, pour elle, et passera des mois à se questionner pour retrouver sa joie d'enfant. Finalement elle décidera : « continuons cet amour criminel et inflexible de la vie, puisqu'il ne nous reste rien d'autre, elle seule ne nous trahira pas et s'en ira avec nous... Et le temps se balançait derrière les fenêtres de cette maison, pareil à une lame de fond. »

« Elle essaya de toutes ses forces de ne se rappeler de rien – car si on ne se souvient pas, cela veut bien dire qu'il n'y a rien eu-, ils en avaient convenu ainsi du temps de Sam. »

Puis, vint dans sa vie, Karelov. Il venait de se séparer et cherchait à se reconstruire. Au point où elle en était, de son questionnement quant à l'existence du bonheur, il arriva au moment opportun.

« Elle regardait et voyait la vie, ce courant qui était aussi en elle, et, dans cette sensation de joie étouffante, abandonnant ce reflet fantomatique d'elle-même qu'elle s'était imaginé un jour, elle ne faisait qu'un avec l'univers tout entier, le soleil qui se lève, les cris des oiseaux, tout ce qui est et demeure sans fin. Dans cet instant presque insupportable – car ce n'était, bien sûr, qu'un instant, c'était elle qui ensuite inventait les minutes-, elle ne sentait pas le temps s'écouler à côté d'elle, car elle était le temps lui-même, comme le soleil, les oiseaux et l'univers. »

« Et il y avait sur cette figure (''et donc sur la mienne aussi'' – pensa Véra) quelque chose d'entièrement nouveau, qui ne s'était jamais manifesté jusqu'alors et que Véra voyait pour la première fois sur un visage humain – une expression d'appartenance soumise, de fusion totale en elle, de dévouement sans retour. ''Pourquoi a-t-il ce regard ? C'est lui qui est le maître de tout, et moi son esclave. Il sait bien que c'est lui qui ordonne et moi qui m'incline, comment peut-il me regarder avec tant d'abnégation, alors qu'il a un tel pouvoir ,''
Mais Karelov ne changeait pas d'expression et ne quittait pas Véra des yeux, avec cette seule pensée : pourquoi, alors qu'elle est la maîtresse de toute chose, de son existence tout entière, que tout n'est que par elle, à travers elle, pour elle, le fixe-t-elle comme une esclave ? Pourquoi ? On dirait qu'elle attend, saisit ses pensées, chaque mouvement de son âme, quand toutes ses pensées, tous les mouvements de son âme, ne sont faits que d'elle.
Ils ne pouvaient se dire cela et ignoraient qu'ils pensaient à la même chose, mais tous deux étaient étonnés, émus et heureux de cette union de la force terrible avec la faiblesse, de la puissance et de la sujétion. »

Est-ce le bonheur ?


« Quand j'avais dix ans, j'ai entrepris un voyage autour du monde. Et je suis incapable de me dire quand je reviendrai. »


J'ai laissé de nombreuses citations, l'écriture de Nina Berberova est si magnifique. Je crois que c'est à ce jour le plus beau roman que j'ai lu d'elle. Qu'est devenu Sam ? Se sont-ils revus ? On l'apprend dès les premières pages de ce roman. Un hôtel. A Paris. Une chambre...
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"Vous voyez, en plus elle est graphomane, dit Karelov avec une ironie un peu ,douloureuse."
Non, nous sommes pas dans le forum de Babelio, non !! C'est bien d'un livre de ma chère Nina Berberova dont il s'agit ici... et qui nous parle comme personne de souvenirs d'enfance, de quête de bonheur et d'amour, à travers ce déracinement qu'est l'émigration et qui est au coeur ce que le train est au voyage :
"Tu as le coeur qui bat terriblement vite, dit-elle soudain-, c'est même comique...Non, c'est vraiment incroyable comme ton coeur fait du bruit. On dirait une voie ferrée."
Peut-être faut-il aux émigrés - et pas seulement à eux- l'amour pour trouver un point d'ancrage ? : "Elle avait envie de dire que, malgré ce chemin qui serpentait dans la colline, son tour du monde était terminé, que toute sa vie elle avait pensé qu'elle était heureuse, alors qu'elle ne l'était pas du tout, qu'elle voulait être toujours et sans fin avec lui".
Le génie de Berberova est de nous montrer (particulièrement ici) que tout être humain est en réalité un émigré qui cherche le sens et le but de sa vie. Elle s'inspire de son expérience personnelle et de ses rencontres pour atteindre l'universel à partir de situations particulières. le Livre du bonheur s'inscrit donc dans une recherche de sens, qui bien que marqué du sceau d'une conception de la vie telle qu'on l'entendait à la fin du XIX et au début du XX, nous concerne encore. Car le malheur et la souffrance ont beau prendre différents visages, c'est toujours contre eux que l'on se bat pour faire sa vie. Nina Berberova montre dans la plupart de ses livres qu'il est possible à chacun de se prendre en mains et de vaincre l'adversité. Ce qu'elle a fait elle-même du reste.
Un très beau livre, magnifiquement écrit, émouvant au début et intense à la fin.
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LE LIVRE du BONHEUR de NINA BERBEROVA
C'est le second livre de cet écrivain que je lis et j'aime de plus en plus son écriture. C'est à la suite d'un deuil que Verz se mettra à Ia recherche du bonheur à travers les difficultés de l'existence c'est un hymne à l'espoir et à la persévérance qu'elle nous propose sur fond de guerre et de révolution. Si vous ne connaissez pas cette auteure essayez la c'est un vrai bonheur !
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Ce livre retrace le parcours de Véra depuis son enfance jusqu'à sa vie actuelle, en passant par le suicide d'un violoniste, qui a été son plus grand ami d'enfance. Il s'agit d'une femme qui, au fur et à mesure du récit, se découvre et cherche à conquérir le bonheur. Ce livre est extrêmement bien écrit. Les personnages son attachants, l'enfance est très bien décrite. c'est une oeuvre de l'auteure peu connue, mais qui reste à découvrir.
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L'accroche de ce livre est une des plus efficaces que j'ai pu voir. Elle est aussi un peu mensongère. Si la tragédie d'ouverture m'a cueillie, intriguée, peu à peu Véra m'a perdue. Nina Berberova s'est attaquée à un personnage difficile : Véra est à la fois pure et marquée par la vie, heureuse et portant un passé lourd, passant les incidents de la vie comme autant d'épreuves pour conquérir un bonheur qu'elle atteint à la fin. Mais à trop faire un personnage sorti, non pas indemne, mais pas si abîmé que cela par ce qui lui arrive, on lui enlève parfois un peu trop d'humanité. Les morts ont glissé sur elle, sans créer d'accrocs, sans blesser. Plus qu'autre chose, les morts la libèrent chaque fois un peu plus. Et l'idée serait intéressante à creuser, mais elle n'est pas si développée que cela non plus. Quoiqu'il arrive, Véra encaisse, heureuse – et c'est normal au début, puisqu'elle n'a connu que cela ; mais il aurait fallu un prix à payer ou une révolte ; une douleur ou une colère pour arriver au bonheur sans tâche de la fin. La langue est presque trop belle pour ce que Véra traverse, et cette fille ordinaire, et si particulière à la fois, perd trop en substance dans le processus.

Dommage, l'histoire de son émancipation, qui passe par la perte et l'exil, aurait pu me toucher davantage. Un très bon début, donc – assez fort pour me faire emprunter le roman alors qu'il ne rentrait dans aucun de mes challenges en cours – mais, si la lecture était plutôt plaisante (je dois même dire qu'elle m'a relativement accrochée sur l'ensemble), la fin m'a vraiment déçue. Sans doute parce qu'à mes yeux, on ne peut traverser le feu sans attraper, au moins, quelques cicatrices.
Lien : https://gnossiennes.wordpres..
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Citations et extraits (19) Voir plus Ajouter une citation
là, dans l'appartement du docteur Borman... ça piétinait, ça courait, il y avait du vacarme et des bruits de guitare, les gens s'exclamaient et chantaient, en un mot, on fêtait le Nouvel An en joyeuse compagnie. Nul besoin de regarder la pendule ni de tendre l'oreille pour entendre si minuit sonnait, il n'y eut pas de doute : d'abord tout le monde en face disparut des fenêtres, les invités des Adler passèrent dans la salle à manger (quarante couverts, six laquais de location) ; puis on déplaça quelque chose chez les Borman ; soudain il y eut une minute de silence. Les réverbères clignotaient dans la rue, les étoiles scintillaient. Il s'ensuivit aussitôt un fracas de tonnerre, un bruit de chaises. Ah-ah-ah, hurlèrent de concert une douzaine de voix.
Grand-père était couché à côté, il allait mourir.
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Un sentiment de pitié déraisonnable et passionné l'envahit, une émotion tellement proche de la joie que si, tout à coup, un jeune homme fort, débordant de santé, avait surgi, lui baisant les lèvres et les seins, courant avec elle au milieu du dégel, elle n'aurait tout simplement pas compris ce qu'il faisait là. La pitié l'avait empoisonnée, transpercée, engloutie ; elle ne pouvait plus rien faire, ni vouloir, ni combattre, et il lui semblait que toute la peine du monde -pas de son monde à elle, rayonnant, éclatant au son de la fanfare et couleur arc-en-ciel, mais de son monde à lui -se déversait en elle comme dans un récipient. Elle assumerait tout, supporterait tout.
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A mesure que leur lien devenait plus étroit, Véra voyait qu'il ne saurait y avoir d'autre accomplissement de ce qui était né en elle dès leur première rencontre, que dans l'ultime rapprochement... Lui se hâtait, elle repoussait ce moment fatal -chaque soir la rendait plus proche de lui, elle résistait, mue par le désir inconscient de ne pas précipiter le destin, jusqu'à ce que, assourdie par les battements de son coeur, à moitié évanouie, dans un long spasme, elle fût sienne.
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La neige s'agite sous les réverbères, le cheval dodeline doucement sous le filet gris, la couverture est dégrafée. Boris Isaiévitch, tout parfumé et emmitouflé monte le premier, attire dans le traîneau Véra et Sam. On rajuste rapidement la couverture, un nuage de vapeur monte, la montre du cocher se couvre de buée. Véra pose ses deux pieds, pensant que c'est un petit banc sur la jambe immobile de Boris Isaiévitch. Elle est assise au milieu, ses mains sont cachées. Sam s'écroule sur elle dans les tournants, elle sent la lourdeur de son poids ; il souffle du chaud sur elle, elle plisse les yeux. Le cheval arrache la neige de ses sabots ; la grande main de fourrure de Boris Isaiévitch les serre elle et Sam par-derrière. Qui est pris au piège de qui, Sam, elle ? Nul ne sait. Pourvu seulement que cela dure, parce que c'est ça, le bonheur.
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Où est-elle ? Pourquoi se trouve-t-elle ici ? Qu'arrive-t-il à son coeur ? Ce n'est pas lui qui bat, c'est elle tout entière qui est en ébullition, à l'intérieur, sans que les autres le voient, à cause de cette sensation merveilleuse et sauvage de vie. Le complot de l'amitié.
(...)
Qui est pris au piège de qui, Sam, elle ? Nul ne sait. Pourvu seulement que cela dure, parce que c'est ça, le bonheur.
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Videos de Nina Berberova (7) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Nina Berberova
Nina BERBEROVA – Documentaire ultime (France 3, 1992) Un documentaire en deux parties, intitulées "Le passeport rouge" et "Allègement du destin", réalisé par Dominique Rabourdin. Présence : Jean-José Marchand et Marie-Armelle Deguy.
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