Les plaisirs du roi

Le roi adore les fesses. Il lui arrive de travailler dans une pièce où cent quatre-vingt femmes tournées vers la muraille tapissent le bas des murs. Il s'assied à son bureau et signe les papiers d'Etat. Et quand il lève les yeux, il voit ces fesses.

Pour finir il les passe en revue, s'arrêtant longuement sur certaines qu'il masse avec déliction comme s'il les créait. Bassins larges bassins plus étroits, supports de fesse essentiellement variables, joie des yeux et du cœur.

Et pour marquer son sentiment, l'idéalisme de sa pensée en la matière, j'allais dire le Platonisme, le roi sort de la pièce en n'emmenant qu'une seule femme, mais qu'il maîtrise vivement sur le sofa d'un petit salon voisin, sourd à des hurlements capables d'éveiller dans les oreilles de ses compagnes le sentiment de la grandeur et de la servitude de la fesse, source inépuisable de connaissance intime de la compréhension du monde.

Rien de stable, rien d’établi, dit le roi. Un premier ministre doit pouvoir devenir à tout moment balayeur, un dieu, diable, un homme de main, Vénus aux belles fesses. Il faut convertir, convertir sans cesse, à tout prix! Croiser les sexes, les esprits, épouser des fleurs, des chevaux, épouser des fleuves.»
Et le roi descend le cours du Limitrophe à la nage, il va se jeter dans la mer.
«Plus de rives, de sol, d’assurance, dit-il encore avant de disparaître, être celui qui n’a pas de nom, pas de regard, qui n’a pas à mourir pour être, franchir de son plein gré la limite imprécise d’où l’on ne revient plus.»

"Il a été tiré, en outre, cinquante exemplaires sur verge numérotés à la main de 1 à 50, contenant chacun une boucle du pubis de sa majesté, qui constituent proprement l'édition originale."

[ L'achevé d'imprimer ]

Le roi adore les talons hauts qui donnent du port et pour tout dire du chien à la démarche féminine. La jambe en devient plus nerveuse, plus délicatement posé le corps sur la terre ferme, la fesse y acquiert dans la saccade sa véritable noblesse, son allure souveraine et quasiment divine.

La gazette de la capitale donne tous les mois la hauteur des eaux du roi. C'est le grand sujet de conversation des anciens du pays qui se livrent à de savantes comparaisons : au même âge son défunt père avait dépassé les 120 mètres. L'année suivante, une année particulièrement chaude, le roi reprit de l'avance et distança son père et même son grand-père d'une bonne longueur.
Toutes les urines royales sont en effet conservées depuis des siècles dans de grands réservoirs de verre hermétiques et gradués dont un conservateur tient à jour les graphiques. Et les bons patriotes suivent avec passion l'établissement d'une courbe dont dépend en grande partie le prestige du souverain. Chaque fois qu'un ancêtre est battu on fait une fête, mais le roi vieillit et il a beau boire une bière qu'il fait venir à grands frais de Hollande, arrivera-t-il à vaincre le roi Solstice IV qui vécut voici trois mille ans et dont le niveau dépasse encore le sien d'un bon mètre ?
Les condamnés à mort sont enfermés dans les caves où se trouvent les réservoirs royaux qu'on a pris soin d'entrouvrir. Une seconde suffit.