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EAN : 9782080429803
272 pages
Flammarion (23/08/2023)
3.39/5   172 notes
Résumé :
"Ce geste ne disait rien du désir de Bertrand, dont elle ne savait pas grand-chose, mais il parlait du jeune homme consciencieux qu'il était, de ceux qui avaient bien noté que les experts considéraient le rapport matinier, en ce qu'il rompait la chasteté de la nuit, comme le meilleur pour le métabolisme. Laetitia voyait que son amoureux mettait un point d'honneur à suivre les recommandations officielles et qu'il baisait donc équilibré, ne s'autorisant que peu d'écar... >Voir plus
Que lire après Dès que sa bouche fut pleineVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (46) Voir plus Ajouter une critique
3,39

sur 172 notes
Bienvenue dans une société où la place du sexe et de la nourriture sont inversés. Si le sexe est partout et, surtout, partagé socialement – pause masturbatoire entre collègues le midi, rapport sexuel quotidien en écoutant les informations à la radio à sept heures du matin -, la nourriture, elle, relève de l'intime et de la sphère privée. Dans les magasins, les denrées sont dissimulées derrière un rideau, qui délimite un espace strictement réservé aux adultes… Il faut avouer que l'univers mis en scène par Juliette Oury désarçonne quelque peu lorsque l'on entame la lecture de son roman.

Et puis très vite, les mots deviennent limpides, les phrases résonnent. Dans ce livre on ne mange pas, on baise. Pourquoi ? Eh bien, précisément, pour briser les tabous du sexe ! Dans cette histoire, l'inversion des rôles permet une véritable quête du désir, de l'affranchissement du regard des autres et surtout de devenir pleinement soi. C'est truculent !

Il en faut de l'audace et du talent pour mener à bien une telle dystopie. Juliette Oury réussit ici un vrai tour de force. Si l'on sait depuis longtemps les similitudes entre désir et appétit, entre nourriture et sexualité, avec un lien intrinsèque entre les deux, jamais je ne les avais vus ainsi mis en évidence. C'est brillament écrit, c'est percutant et ça permet de décaler son regard, d'observer notre rapport au sexe et à la nourriture sous un oeil totalement novateur.

Une pépite à mettre entre toutes les mains et une auteure à suivre !
Lien : https://ogrimoire.com/2024/0..
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Dès que sa bouche fut pleine, une dystopie où le bien-manger est quasi-obscène et le sexe aussi banal que de se brosser les dents. Une fois qu'on a dit cela, on a à peu près tout dit sur cette aimable et inoffensive fable étirée comme du chewing-gum sur 200 pages, là où une nouvelle de 50 aurait suffi.

L'inversion radicale où chacun se retrouve non pour dîner, mais pour baiser, où les clubs échangistes ont pignon sur rue comme des brasseries et où les cours de cuisine sont réprimés et traqués comme des maisons de passe, est trop systématique et démonstrative pour produire la stupeur et le malaise. La faute sans doute également à une époque (la nôtre) qui n'a jamais autant célébré la cuisine et la bouffe, par des dizaines d'émissions culinaires, de comptes Instagram consacrés au sujet, jusqu'à l'invention du hashtag Foodporn ; mais également où les comptes Instagram sexo/test de sex-toys/éducation sexuelle sont légion, et où le sexe est partout, décortiqué, commenté. Là où Juliette Oury touche quelque chose, c'est peut-être la notion de plaisir qui semble être le grand tabou dans cette omniprésence du sexe, et où la répression larvée sur la consommation de viande, de gras, de sucre est indéniable.

Elle n'en fait pourtant pas grand-chose et déroule une petite intrigue où son héroïne qui s'ennuie dans un couple où l'on se nourrit de barres nutritives sans saveur, et qui baise tous les matins avant de partir au boulot (bien évidemment un travail de bureau avec des open-space) va se réveiller un jour avec une faim terrible et partir à la recherche de l'interdit alimentaire. Pour pallier cette minceur narrative (ses personnages sont pour le moins génériques et sans personnalité), elle abuse de la description ad nauseam : un carré de chocolat est scanné pendant deux pages, une visite au supermarché (le « Pornoprix ») est détaillée à n'en plus finir… et ce procédé est largement répété au long du texte. Si on parlait de nourriture extravagante comme un poulet en vessie ou de plats inventés pour l'occasion, cela serait passionnant, mais la cuisson d'une ratatouille ou croquer dans une pomme (symbolisme !) nécessite-il ce délayage ? Quelques tentatives pour aborder le sujet du viol et de l'agression sexuelle sous l'angle culinaire tombent hélas à plat, même si la scène où Lætitia est nourrie de force au piment est bien vue. Roman plutôt dispensable néanmoins.
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« Dès que sa bouche fut pleine, elle sut qu'elle n'oublierait jamais le goût, le plaisir, la puissance de cet instant, et que jamais, même si l'occasion se présentait un jour, même si quelqu'un était d'accord pour l'écouter, elle ne trouverait les mots pour en parler ».

Chaque appartement, maison a au moins une banquette avec un beau drap dessus. Dans le monde de Juliette Oury, il y a inversement des valeurs et, c'est truculent, original et plaisant à lire

Lætitia et Bertrand sont en couple, un couple bien tiède, un peu fade. Oui, chaque matin Bertrand « honore » Lætitia, presque sur injonction : « Depuis quelques années les experts considéraient le rapport matinier, en ce qu'il rompait la chasteté de la nuit, le meilleur pour le métabolisme »… Tanpis si Lætitia n'a pas très envie, Bertrand suit à la lettre les recommandations « Il baisait donc équilibré , ne s'autorisant que peu d'écarts » Pour lui, ce sont « des exercices de gainage » !!! Passons au p'tit déj : une barre sans odeur ni saveur. « Barres sustensives pour adultes. Protéines complètes et supplément vitaminique. Goût neutre. Suffisant à la survie humaine. Fabriquées en France »

Voilà, j'entre dans le vif du sujet, d'autant que la radio annonce, dans le livre, qu'une certaine Reine Claude « une souteneuse célèbre pour avoir dirigé pendant près de vingt ans un réseau de cuisine clandestine ». Les forces de l'ordre ont retrouvé « Des ustensiles, des vivres et de nombreuses photographies … ainsi qu'une collection très importante de recettes dactylographiées ou manuscrites ». Oh, mon dieu, mon dieu, quelle histoire.

Cette histoire va déclencher, chez Lætitia un souvenir d'enfance, le goût des mûres « Elle se rappelait avec violence l'acidité douce des mûres, leur goût, la piqûre du sucre sur la langue, les grains rocailleux qui crissaient sous la cent, la nouveauté absolue de ces sensations et l'envie qu'elles durent toujours ». Ce méfait là lui avait valu la colère de ses parents.

L'envie est toujours présente, confirmée lorsqu'elle achète une pomme et la mange crue et elle a aimé même si elle se sent coupable… Un petit plaisir solitaire coupable !!!

Un soir, Bertrand lui fait une surprise de roi, pense t-il, des morceaux de saumon achetés en contrebande. La surprise a fait flop « J'aurais plutôt imaginé autre chose, pour manger ensemble, peut-être en cuisinant et peut-être avec des ingrédients plus… moins… enfin avec des légumes ou des fruits par exemple ? ». Oui le plaisir des préliminaires, cuisiner à deux… Mais, bon, il ne comprend pas et va jusqu'à ouvrir de force la bouche de sa femme. « Son pouce passa sur sa bouche, puis insista sur son menton. Il voulait ouvrir la bouche de Lætitia. Elle résista . Il dit Ouvre. Elle fit non de la tête. Il répété : Ouvre. Elle ouvrit la bouche. Il poussa un râle ». Il l'a dominée.

Enfin, elle saute le pas et s'inscrit à une cours de cuisine et là…. La découverte du plaisir de cuisiner, du plaisir du défendu et puis, c'est si bon. Ce plaisir, elle le partage avec les autres cuisiniers et Laurent, son collègue de travail qui a sauté le pas depuis longtemps. Son premier plat ? Une ratatouille « Elle faucha du bout de sa fourchette un morceau d'aubergine gris sombre, mou et luisant, et un petit cube de courgette brunie. D'une main tremblante, le yeux rivés sur ses légumes d'où montait en dansant une fumée transparente, elle les porta à sa bouche »

Jeffe Jenny, la cuisinière a une théorie qui me rappelle quelque chose, et vous ? « La domination des hommes dans le dans le système patriarcal, était enracinée dans leur jalousie, dans leur terreur à l'égard de la capacité des femmes à nourrir le genre humain. »

Un des participants, Barbe Mousse, leur parle de ses applications où l'on pouvait trouver des photos suggestives telle « une main indolemment posée sur un manche de casserole, une fourchette à la bouche, une serviette au coin des lèvre ». Même trouver quelqu'un avec qui bouffer en moins de dix minutes, des fois tarifé, des fois non.

Le même Barbe Rousse l'invite à déguster quelque chose chez lui. Confiante, elle y va et… Elle se fait gaver sans son consentement. Il l'a prise par surprise, ceinturée et contrainte, un viol alimentaire « Purée, quel pied, dit-il sans relâcher Lætitia. Qu'est-ce que tu es bonne, tu sais. Je te ferais bouffer des montagnes de piment, si c'était plus facile à trouver ». Oui, elle a été imprudente, et elle s'est fait gaver. Bertrand veut qu'elle porte plainte contre ses « fils de cuisinière », mais « tu es sûre que tu ne leur avais pas montré tes dents, même sans faire exprès, en les croisant ? »

Dans ce livre, la baise quasi obligatoire est insipide et le vocabulaire en est plat alors que, lorsque l'autrice parle de cuisine, de goût, il y a de la jouissance, des couleurs, des odeurs, du plaisir.

Juliette Oury renverse les rôles. Ici, la censure est culinaire. Tu peux montrer tes fesses, mais pas tes dents. Ce faisant, elle dénonce les tabous qui sont les nôtres quant à la sexualité. Elle parle également du désir, comment s'affranchir de certains tabous et profiter, découvrir son plaisir.

Un premier livre époustouflant, truculent et curieux. Juliette Oury, ne vous mettez pas la pression, prenez le temps et du plaisir pour votre second livre, je saurai attendre.

Coup de coeur
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Imaginez-vous vivre dans un monde où le rapport au sexe et à la nourriture sont inversés ! Vous couchez avec vos collègues, ne sautez jamais un rapport, surtout celui du matin, et le supermarché du coin est un PornoPrix. Par contre, vous mitonnez en couple, ne montrez jamais vos dents en public et vous contentez de vous nourrir de barres substantives insipides. La brigade des mets arrête les plus gourmands d'entre vous et des cours de cuisine clandestins fleurissent à Belleville.

Laetitia, petite amie de Bertrand, vit dans ce monde. Son compagnon est consciencieux et s'applique à faire l'amour comme il faut. Par contre, leur vie culinaire est depuis longtemps en berne et ils partagent un quotidien routinier mais réconfortant.

Un jour, Juliette se réveille avec un gros mal de ventre, un vide en elle à combler et elle comprend qu'elle a fin et que son appétit la titille. Dans cette société où les plaisirs de la bouche sont considérés comme une perversion, comment va-t-elle vivre cette situation ? Va-t-elle aller au bout de sa faim ? Va-t-elle manger avec Bertrand, ou pire, avec quelqu'un d'autre ?

Loin d'être anecdotique, le premier roman de Juliette Oury tient ses promesses jusqu'au bout. Ecrit dans un style simple, il suit le parcours initiatique de Juliette, en nous divertissant et en nous mettant l'eau à la bouche. Un texte qui étonne et questionne sur notre rapport à la cuisine et à la sensualité. Car la faim et le désir ne sont-ils pas finalement entremêlés, en atteste le fameux hashtag #foodporn ?

Original et fluide, je conseille cette lecture. Un bon premier roman.
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Une société dans laquelle, les valeurs accordées à la sexualité et aux plaisirs de la table seraient inversées, voilà l'idée originale développée par l'autrice, Mme « Reine Claude » y est proscrite pour ses activités subversives de gastronomie, le standard de nourriture est la barre sustentive anaromatique ayant éloigné la notion de nourriture différenciée et les pratiques sexuelles sont banalisées, plus de retenue, plus de mystère. Une trame romanesque drôlissime mettant en boite et pointant avec humour des comportements guidés par des règles tacites de vivre ensemble d'un conformisme confondant. Mais la résistance existe et s'organise et laetitia y souscrit pleinement. La redécouverte de la confection de la ratatouille sous la baguette de la cheffe Jenni est passage particulièrement réjouissant ! Excellent premier roman qui réhabilite l'art de la cuisine !
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critiques presse (5)
MadmoizellePresse
02 octobre 2023
« Dès que sa bouche fut pleine », une utopie aussi drôle qu’improbable et parfaitement ficelée, qui ambitionne de pointer les tabous qui existent encore dans notre société.
Lire la critique sur le site : MadmoizellePresse
Marianne_
25 septembre 2023
Juliette Oury décrit un monde où le sexe est devenu aussi anodin que le fait de manger, et où celui-ci a pris la place symbolique réservée aux relations intimes, embrassant ses tabous, et nous drapant de pudeur. Un roman original, qui donne à réfléchir sur la place de l’un comme de l’autre…
Lire la critique sur le site : Marianne_
LeMonde
22 septembre 2023
Quand les natures mortes tendent vers le nu, l’écriture de Juliette Oury révèle son brio dans l’exploration de ce que Freud avait nommé un ­ « malaise dans la ­culture ».
Lire la critique sur le site : LeMonde
MadmoizellePresse
21 septembre 2023
Le délicieux roman de Juliette Oury explore les liens entre désir et appétit. [...] En creux, le roman nous dit d’écouter nos corps et nos désirs. Ils peuvent nous révéler bien plus qu’on ne le pense.
Lire la critique sur le site : MadmoizellePresse
Culturebox
22 août 2023
Juliette Oury signe un récit drôle, intelligent et tout en finesse. Un premier roman sur l'émancipation par le désir, le prix de la liberté et la joie de devenir enfin soi.
Lire la critique sur le site : Culturebox
Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Dès que sa bouche fut pleine, elle sut qu’elle n’oublierait jamais le goût, le plaisir, la puissance de cet instant, et que jamais, même si l’occasion se présentait un jour, même si quelqu’un était d’accord pour l’écouter, elle ne trouverait les mots pour en parler 
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Ce roman nous parle de la relation un peu catastrophique que Lætitia entretient avec son conjoint Laurent. Rien de bien flamboyant, c'est même plutôt l'inverse... Leur relation est fade, elle n'est pas heureuse et le garçon n'est pas particulièrement à l'écoute... c'est le moins qu'on puisse dire... 😒

Mais l'originalité de ce roman n'est, bien sûr, pas dans la cruelle banalité de ce couple : dans cet univers c'est le repas qui est tabou et non le sexe. Ici, hors de question d'aller bouffer une pizza entre potes sans passer pour un libertin de premier plan ! 😋

Et l'autrice excelle dans l'inversion des tabous ! C'est malin, les mots et les situations sont vraiment interchangés avec talent ! Cela donnera des scènes à la normalité affreusement malaisante que notre cerveau essaiera de "remettre" piteusement dans le "bon ordre". 🤔

Et comme souvent, c'est en changeant de point de vue, que l'absurdité et l'arbitraire de certaines règles ou idées, nous apparaîssent.

Un travail intéressant sur la langue, la société et les tabous ! 💛
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« La nourriture était un sujet tellement tabou chez eux. À la maison, elle entendait des récits de jeunes gens dévoyés qui « mangeaient avec n’importe qui » ou qui « grignotaient à droite, à gauche », et elle imaginait des jeunes femmes aux traits flous happant, au-dessus de leurs deux épaules, des aliments dressés entre des doigts douteux. »
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Il ne laissa pas à Laetitia le temps de finir sa bouchée et l'embrassa de nouveau. Elle n'était pas sûre de vouloir partager, mais la langue de Laurent était impérieuse, alors elle s'y soumit.
Elle n'était plus que la bouche que Laurent embrassait, une caverne, une paroi, une victoire éternelle sur le cours des choses, et puis leur baiser prit fin, mais rien ne s'arrêta, et elle compris qu'elle traînerait toute sa vie derrière elle le souvenir de ces sensations, et qu'elle souffrirait de savoir qu'elles existent et qu'elle n'aurait plus aucun autre désir, jamais, que celui de revivre cet instant, de le revivre exactement.
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Elle se disait que dans l’intimité qu’ils construisaient au quotidien, amoureusement, un appétit profond pourrait malgré tout déployer ses racines, et un jour les enflammer à nouveau.
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DÈS QUE SA BOUCHE FUT PLEINE - JULIETTE OURY
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