Sous l'égide de
Zola, des écrivains décidaient en 1879 de publier conjointement six nouvelles évoquant la fameuse déroute de 1870
Réunis au cours des soirées dites de Médan, ils mettaient le cap sur les coulisses de la guerre, les actions peu glorieuses, les faux exploits, donnant un éclairage bien pathétique de ces événements.
Les trois nouvelles principales sont l'oeuvre de
Zola,
Maupassant et Huysmans, présentées ici dans l'édition Biblio Lycée.
Pour ma part j'ai adoré les deux premières, la troisième nouvelle est un peu trop lissée ou châtiée s'agissant de soldats prêts à tout pour se payer à bon compte une virée.
L'intérêt historique de ces publications tient au dessein affiché par ces six trublions, qui furent perçues par la presse, comme les précurseurs d'une école nouvelle les médanistes, copieusement vilipendés par
Paul Déroulède qui publia les chants patriotiques en 1882 après les chants du soldat.
Alors au-delà des éloges ou des critiques acerbes de certains organes de presse, quel est l'étrange mixture qui a fait le succès de ces nouvelles ?
Le réalisme alimente le piment du récit de
Zola, ne reculant devant aucune précision fut elle, effrayante ou répugnante,
l'attaque du moulin permet l'irruption de la violence et le pathétique de la situation de Françoise qui passe par toutes les bassesses possibles,
« C'était l'âme du moulin qui venait de s'exhaler, Françoise imbécile entre les cadavres de son mari et de son père au milieu des ruines fumantes du moulin, le capitaine français entra, la salua galamment de son épée, en criant victoire ! ».
Le sommet de ces nouvelles est la mise a nu du comportement cruel et indécent des notables prêt à tout pour sauver leur peau, leurs biens, et leur peu d'honneur . La lâcheté portée à ce point devient hautement risible et leur petitesse est encore plus insolente. «
Boule de suif se sentait noyée dans le mépris de ses gredins honnêtes qui l'avait sacrifiée d'abord, rejetée ensuite, comme une chose malpropre et inutile. » Page 117.
La roublardise des deux soldats de la 3ème nouvelle scelle le ton final de l'armée française en 70, une levée des troupes, aléatoire, objet de trafics , la désorganisation de l'intendance, ou l'incompétence des généraux...
Pour la petite histoire un bataillon de zouaves pontificaux participait ou combat à côté de l'armée impériale. Un de mes amis en a fait un objet de recherche, documents, équipements, armes... Cette drôle de guerre nous a réservé bien d'étonnantes surprises.
Trois auteurs à consommer sans modération.
L'édition Biblio Lycée est complétée par un large choix de textes et de documents de cette époque, dont 5 textes sur la guerre , citons le FEU de
Henri Barbusse.
Celui que
Verlaine nomme, l'homme aux semelles de vent,
Arthur Rimbaud, publiait le Mal, un sonnet rouge sang, et
Victor Hugol'Année Terrible.
Tandis que les crachats rouges de la mitraille sifflent tout le jour... Il est un Dieu qui rit aux nappes damassées...p 53
A Rimbaud.
L'ensemble est complété par des analyses littéraires de ces textes et des compléments très intéressants sur le contexte de la IIIe République, avec des rappels sur la commune.
Un travail exemplaire pour consolider les lectures des lycéens.