Naufrage est un roman qui me laisse ambivalent, c'est que mon opinion à son sujet changeait constamment. Il y a eu ce début que j'ai détesté et dont la mauvaise impression m'a accompagné un certain temps. On y rencontre Frédérick à l'hôpital, pendant que sa femme accouche. Et, au moment de couper le cordon ombilical du poupon, il perd connaissance. Je croyais que c'était une légende urbaine, que celle de l'homme qui faiblit à ce point. Y a-t-il vraiment des hommes à qui ça arrive ? Est-ce si répandu pour que tant d'oeuvres y fasse référence ?
Heureusement, on passe vite è autre chose : Frédérick perd son emploi. Bon, il n'est pas renvoyé mais, à cause de restructurations (comme j'ai appris à haïr ce mot !), il est muté au service des Archives. Il garde son salaire et ses avantages (et la possibilité de continuer à assurer financièrement sa famille) mais ce n'est pas un changement positif et encore moins stimulant. Un analyste qui se retrouve à faire du classement n'a aucun défi à relever.
Cette mutation permet à
Biz Fréchette, auteur mais également chanteur engagé, à dénoncer les absurdités du système en place, des mauvaises décisions et orientations du gouvernement (coupures, remaniements, etc.).
Et cette dénonciation passe de différente manière, en particulier par l'humour. Pas de blagues, ou très peu, plutôt par l'ironie des situations et les remarques sarcastiques qui peuvent passer inaperçues ou anodines mais qui sont cinglantes pour quiconque les comprend. Des dialogues percutants, quoi ! Les associations (ou fausses associations, antithèses) sont également employées. Par exemple, le Service des ressources humaines manque d'humanité, les employés y sont traités presque comme du bétail. Aussi, la description des employés est juste et peu flatteuse, tout le monde y passe, des secrétaires aux directeurs en passant par les adjoints. Et surtout quelle hypocrisie ! « - Si vous avez la moindre question ou le moindre problème, ma porte vous sera toujours ouverte. Adieu, monsieur Limoges. » (p. 16). C'est à peine si le directeur ne demande pas à Frédérick de refermer la porte derrière lui.
Ainsi, la critique sociale, du monde du travail ou des services gouvernementaux, elle m'a plu. Toutefois, après cent pages, on se dit que ça ne peut être que ça, l'histoire d'un type désabusé par son emploi.
Et, effectivement, j'avais raison. La fracture arrive. Je ne l'ai pas du tout vu venir et elle frappe fort. Elle change complètement l'idée que je me faisais du roman. Tout déraille dans la vie de Frédérick.
Cette nouvelle intrigue (vraiment nouvelle, au poitn où je me dis que
Biz Fréchette aurait pu écrire deux histoires, l'une sur les déboires d'un employé insatisfait et une autre sur… l'incident et ses suite) est puissante, surprenante, bien amené considérant qu'il s'agit d'un sujet sensible, et dévelopé avec crédibilité. Je n'ai jamais rien lu de senblable, du moins dans un roman parce que j'ai déjà entendu des histoires pareilles aux nouvelles.
Malgré cela, j'ai gardé l'impression que cette deuxième partie s'est déroulée à la vitesse de l'éclair. Est-ce parce que je l'ai lue trop vite ou bien la narration avance à un rythme plus rapide ? Et que dire de cette fin qui n'en est pas vraiment une ? Les amateurs de happy ending n'aimeront pas mais je crois que c'est approprié. Ce n'est pas tout le monde qui a beaucoup d'enfants et qui vit heureux jusqu'à la fin des temps.
Bref, sous les premières impressions d'un roman léger et drôle – quoique pertinent –,
Naufrage cache des thèmes troublants, dérangeants, que certains lecteurs pourraient avoir de la difficulté à terminer.