Paru pendant le Disquaire Day 2019,
L'art de ranger ses disques traite de deux problèmes auxquels tout mélomane et/ou collectionneur est confronté : le classement et le rangement de ses disques vinyles, CD voire cassettes :
« Ranger ses disques est un sport complet. Mieux, ranger ses disques est un art subtil. Un jeu intellectuel, aux allures de grand puzzle. Un exercice de logique implacable. Une réflexion sur la musique et son histoire. Un travail manuel nécessitant des trésors d'énergie et d'ingéniosité. Bref, un boulot de dingue... et un enjeu de poids. Car au-delà de la manutention, des planches à raboter et des pochettes antistatiques à glisser dans les albums vinyles, ranger ses disques revient souvent à mettre en scène, aux yeux de tous, en tout cas de ses intimes, l'histoire de sa vie. À avoir sous la main et à exposer les musiques qui ont accompagné des moments importants de son existence. À avoir sous les yeux sa bruyante autobiographie. » (p. 9-10)
Sur le premier point, les auteurs discutent des différents classements (par ordre alphabétique, par genre, par ordre chronologique ou selon des classements plus intimes et propres à chaque mélomane) et de leurs avantages et inconvénients respectifs comme de faire se côtoyer
Jean-Sébastien Bach avec Burt Bacharach ou les Beatles avec Beastie Boys, la question du classement des artistes en Mc comme
Paul McCartney - faut-il les classer à « Mc » ou « Mac » ? - ou encore - les auteurs ne parlent pas de ce cas-là - les artistes avec un « The » dans le nom.
Une fois la question du classement partiellement résolue, les auteurs s'attaquent à la question épineuse du rangement, cela d'autant plus quand le nombre de disques vinyles, CD voire cassettes est important - selon les auteurs, « 500 [disques] […] est un minimum pour un honnête homme » (p. 15). À sa mort, le célèbre DJ
John Peel a légué une collection « regroupant plus de 26 000 albums vinyles, 40 000 45 tours et des milliers de CD » (p. 44) ; d'autres mélomanes et/ou collectionneurs possèdent des collections plus modestes. C'est l'occasion pour les auteurs de discuter des différents façons de ranger ses disques entre l'achat de meubles sur mesure, le détournement d'usage de meubles disponibles dans le commerce - cette partie vaut une discussion assez hilarante sur le « bon usage des étagères suédoises » et sur « Ikea : la grande panique de l'hiver 2014 » lorsque la marque suédoise a annoncé l'arrêt de la production de l'étagère Expedit - qui est aux disques, ce que l'étagère Billy est aux livres -, heureusement remplacée par l'étagère Kallax - ou la confection de ses propres meubles de rangement en utilisant des caisses de vin ou des caisses en plastiques utilisés par les laitiers américains. Les auteurs consacrent également une partie pour traiter de la question des « ennemis du disque » dont la chaleur, l'humidité, les copains, les déménageurs, les enfants - « quand l'enfant embarque l'intégrale de Led Zepelin et Venom pour une soirée pyjama, ou - pire - décide de s'initier à l'art subtil du scratch avec un pressage rare d'Herbe Hancock ou Parliament, il n'y a plus qu'à prier que l'autorité parentale ait encore un sens. Il est à noter que, dès que possible, un abonnement à Deezer ou Spotify peut, dans ce cas, limiter la casse » (p. 89-90) - ou encore la séparation - « Qui part en courant avec Born to Run et qui reste sur les rives de The River ? Que faire des albums sur lesquels on s'est aimé, maintenant, au temps des amours mortes ? » (p. 95).
S'appuyant sur les témoignages et conseils de collectionneurs plus ou moins célèbres -
Ian Rankin,
Robert Crumb, Denis Barthe (
Noir Désir),
Hugo Cassavetti (Télérama, C'est Lenoir), … -,
Frédéric Béghin et Phillipe Blanchet livrent une réflexion teintée d'humour et de philosophie - le livre reste néanmoins très accessible* et, sur certains des thèmes communs aux deux livres,
Retromania de
Simon Reynolds est davantage académique. Au final,
L'art de ranger ses disques fait partie de la catégorie des livres futiles donc indispensables.
* Il le sera peut-être moins lorsque il faudra le classer puis le ranger dans ma bibliothèque. le mélomane se retrouve avec le bibliophile et/ou le gros lecteur sur les questions du classement et du rangement.