"Je voudrais encore dire ceci : quand l'homme a vécu l'inoubliable, il s'enferme avec lui pour le regretter, ou il se met à errer pour le retrouver ; ainsi, il devient le fantôme de l'événement."
L'inoubliable, le jour et la nuit, on retrouve ici les thèmes de Blanchot,
Au moment voulu...
Dans ce roman, mais s'agit-il d'un roman ?, il y a trois personnages. Pas d'histoire. Les êtres, des figures, se croisent, se parlent peu. L'essentiel se joue dans ce qui ne se voit pas, ni ne s'entend. Dans ce qui aurait pu avoir lieu mais qui est absent... le possible pénètre le réel et lui donne sa forme, une figure. Un rapport sans rapport où le sans devient avec. Rapport anonyme et profond.
Lire Blanchot, c'est éprouver la lecture autrement. C'est entrer dans un espace inconnu qui fait signe...
Parfois, la lecture à haute voix convient mieux. La voix donne les mots, les fait entendre. La parole, essentielle pour Blanchot le devient pour le lecteur. Ce texte demande une voix, et comme toujours chez Blanchot, la lenteur de la lecture.
Des notions plutôt rares sous la plume de Blanchot sont mises ici au jour : le moi, la gaieté, "la vie gaie du jour", "la fête flottante", la volonté... Mais une volonté qui ne veut pas, une volonté qui implique de tenir debout. D'être là, dans l'instant de la présence, fulgurant. Oublié ?
"L'étrangeté de la situation, c'est que je sentais bien combien elle avait dit vrai : elle s'était troublée parce que j'étais gai. Et brusquement cela me troubla à mon tour. (...). Un orage ? mais stérile, le déchaînement de la légèreté la plus frivole devenant le vertige d'un cercle avide, avide de se dérouler à l'infini. (...) La frivolité de l'image la plus gaie.Autrefois, j'avais plongé vers la vie gaie du jour, événement insitué, insaisissable."