Jean-Philippe Blondel, né à Troyes en 1964, est un écrivain français. Tout en enseignant l'anglais dans un lycée près de Troyes depuis les années 1990, il mène en parallèle une carrière d'écrivain, en littérature générale comme en jeunesse. Son oeuvre est conséquente et
La Grande escapade, roman de 2019 vient d'être réédité en poche.
Une petite ville de province au milieu des années 1970. Plusieurs familles d'instituteurs, de la maternelle au CM2, habitent des logements de fonction dans l'école
Denis-Diderot. Les gamins, les parents, hommes et femmes, un microcosme représentatif d'une époque en plein chamboulement…
Encore un excellent roman de
Jean-Philippe Blondel, écrivain que je connais peu mais qui m'enchante à chaque fois que j'ouvre un de ses ouvrages. La grande qualité de cet auteur – à mes yeux – c'est de nous parler de choses sérieuses sur un ton très amusant. Ici, il est principalement question de la place de la femme dans la société à cette époque charnière de notre histoire.
La situation de départ, un vivarium (l'école) où des personnages des deux sexes et leur progéniture vont réagir à l'air du temps sous l'oeil acéré de l'écrivain. Les enseignants sont socialistes comme il se doit, prônant des idées libérales à l'extérieur mais beaucoup moins chez eux ; leurs épouses sont les femmes typiques d'alors, soumises à leur père et maintenant à leur mari, elles s'occupent des tâches ménagères et des gamins. Mais le vent du changement s'est infiltré entre les murs de l'établissement scolaire et ces épouses modèles qui gardaient cachés leurs espoirs et envies vont commencer à s'émanciper.
La culture pop envahit les vies, les anglicismes agacent, la musique moderne que fredonnent les gamins ou la radio exaspère certains, les carcans se desserrent, la mixité fait son entrée dans les classes des écoles. Les gamins font des bêtises de gamins, des épouses se mettent à regarder les collègues de leur maris avec des idées leur mettant le rose aux joues, d'autres s'en indignent. L'une d'elles, rêvant secrètement depuis toujours d'être styliste se voit proposer un poste qui chamboulera sa vie familiale si elle l'accepte.
Et les hommes ? Ils assistent impuissants à cette évolution généralisée. Maladroits, coincés dans leur formatage hérité des générations précédentes, pas complètement réfractaires aux nouvelles idées mais incapables de les accepter immédiatement, ils paraissent un peu minables face à ces femmes en passe de s'émanciper, dans ce monde en pleine mutation. Et parmi les gosses, le petit Philippe
Goubert pourrait fort bien être un avatar de
Jean-Philippe Blondel puisqu'il déclare « Philippe
Goubert ne perd pas une miette des récits. Il devine qu'un jour, il faudra les retranscrire. »
Le fond est donc sérieux, la forme elle, est très amusante, même parfois carrément loufoque (la longue scène épique où la femme de service espagnole hurle à poil à travers les couloirs !), ou bien encore tendre et émouvante lors de l'escapade foirée à Paris entre deux amants potentiels. Un très bon roman.