Lorsque les premiers mots du recueil ont défilé sous mes yeux, j'en étais étrangère, bloquée par une incompréhensible frontière. J'ai lu quelques strophes en me laissant aller, sans chercher sens ou compréhension ; en laissant la musique des vers résonner, faire son chemin…
Une compréhension s'est révélée en douceur comme une image qui dévoile à contre-jour.
Territoires menacés, hommes déracinés, rejetés, gommés ; identité, déracinement, frontières mais aussi humanité, douceur de vivre : contrastes exprimés sans antagonisme. Pour repriser de mots un monde qui se disloque porter au regard ces délaissés qui se cognent, se brisent aux frontières. Pour célébrer la vie qui danse, le désir vibrant, la danse des sens malgré l'effondrement.
Gratitude envers la nature, berceau et nourrice de nos jours, qui reste cocon immuable ; saurons-nous y trouver remèdes, parades contre les dangers que nous y occasionnons ; nous monterons nous solidaires avec les plus fragiles, les plus exposés ?
Je ne sais comment rendre compte de ces strophes si ce n'est en mettant des mots sur ce qu'elles ont évoqué en moi ; les pensées qui naissent et ondoient là où les mots de l'artiste, leur musique ont tracé leurs sillons.
Ces poèmes parlent à l'universel, au trésor commun de nos humanités et, en cela, ce sont des joyaux
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Cette année le thème du Printemps des poètes 2023 est FRONTIERES alors vous trouverez sûrement ce recueil sur les tables de vos librairies.
Lorsque j'ai commencé ce recueil, j'étais curieuse de voir comment, à travers la poésie, l'autrice pouvait parler de l'immigration, des inégalités, de l'injustices, de l'exil ou encore du dérèglement climatique. Qu'ont en commun tous ces sujets : la frontière.
Qu'est-ce qu'une frontière sinon une invention humaine, sinon des morceaux de territoires découpé divisant le monde et ceux qui y vivent ?
Dans ses poèmes, elle emploies la 2e personne du singulier ce qui met tout de suite le lecteur dans une position particulière et ça fonctionne tout au long du recueil.
Parler de ces sujets est essentiel, témoigner est nécessaire parce que cela nous concerne tous en tant qu'humain et demeure d'actualité.
Les mots de Tanella Boni sont profonds et font leur chemin en moi. C'est plaisant de relire certains passage que j'ai marqué.
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Les vents contraires connaissent
L’endurance de tes pas
Sur une rive éloignée de tes lieux
Mais quelle eau quelle terre
Auraient pu accueillir ta présence
Quand tu pars en voyage
En compagnie d’humains
Délaissés sur le trottoir de la vie
Une femme qui marche
Ne cherche pas son pays
Ici ou là-bas
Ce pays reste gravé sur sa peau
Une rive ne sépare pas…
Une rive ne sépare pas
Deux mondes ou deux pays
Mais une question en deux temps
Hier et aujourd’hui
Hier encore tu avais foi en la vie
Tu espérais qu’aucune rivière
Ne transborderait l’eau de ses crues
Sur une terre hospitalière
Ici là-bas ou ailleurs
Tu imaginais qu’aucun fleuve
N’inonderait des maisons si paisibles
Là où le temps avait tissé son nid
Là où des humains heureux
Admiraient les étoiles
Scintillant par-dessus les fenêtres
Mais les étoiles meurent parfois
Belles et filantes qui brûlent leurs ailes
Contre les barrières fabriquées
Par des humains prédateurs
Qui séparent le temps de lui-même
Aux frontières de leurs rêves inachevés
Il y a simplement
Qu'un mot reconnait un autre mot
Qui ne lui ressemble pas
Les mots cheminent ensemble
Ils dessinent les couleurs de la paix
Ils écrivent une phrase de concert
Ils invitent d'autres mots à mêler leurs voix
A la fete du temps qui rythme les intempéries
Tes consonnes et voyelles sont des briques de terre
Qui se marient sur une parcelle de la langue
Que tu apprivoises
Tes syllabes veillent à la surface
De tes désirs brimés depuis
Le premier matin où tu as salué
La clartédu temps qu'il fait
Tes accents sont des pierres précieuses
A polir ensemble
A la lumière de rêves anonymes
Dans l'attente du feu d'où jaillit le sens
Tanella Boni "Les Idées mènent le Monde" à Pau - 2017