Toutes choses est l’Unique. Cela est bouleversant. Cette vision est suprêmement radicale : qui peut la supporter ? L’être humain ne connaît que ses images de la réalité : c’est ce qu’il nomme les choses. Il croit que tous les objets perçus sont séparés les uns des autres et séparés de lui-même. C’est l’état de conscience ordinaire de l’état de veille. C’est la source de malaises, de souffrances et de tourments sans fin pour les êtres humains de toutes les époques et de toutes les cultures
« Sur le tracé circulaire, le commencement et la fin se confondent. »
Le tracé circulaire, c’est la vie - surtout celle des hommes - qui se déroule en cycles, en saisons « qui apportent tout ». La fin d’un cycle est le début d’un autre, qui, au fond, est toujours le même. Tout est cyclique dans les manifestations de l’Unique : la vie des êtres, l’évolution des civilisations, les saisons, les jours. Si le commencement et la fin se confondent, alors il n’y a pas vraiment de point privilégié sur le tracé circulaire, rien dont on puisse dire que cela ressort par rapport au reste, rien de spécial. C’est la pensée habituelle de l’homme qui fait tout spécial : le début, le milieu, la fin, la cause, l’effet, le sujet, l’objet, l’homme, la femme, la succession des jours, la naissance, la mort, le flux, le reflux.
Héraclite veut simplement faire ressortir qu’il n’y a rien de spécial. Non pas que tout soit uniforme, mais simplement que rien n’est fondamentalement plus extraordinaire que le reste.
(page 86)
L’impermanence de toutes choses a été un des points centraux de l’enseignement de toutes les grandes traditions. Bouddha, entre autre, en faisait un des fondements de son enseignement. Mais le plus important est que chacun peut le réaliser directement dans sa vie. C’est là la grande leçon de toute vie : on ne peut s’accrocher à rien. C’est pourquoi Jésus disait à ses disciples : « Soyez passants. »
(page 191)
« Tout s’écoule. »
On peut lire ce fragment de deux mots comme disant que les choses s’écoulent, qu’elles se transforment, qu’elles naissent, grandissent, périclitent et meurent. Mais en réalité, il n’y a pas de choses. Il y a un flot d’énergie, un mouvement et sa cessation. C’est l’homme qui construit des choses (les panta), qui y croit fermement…
(page 193)
Le contenu sémantique du message d’Héraclite est beaucoup plus près de la révolution scientifique et philosophique actuelle que de celle de son époque.
Nous nous référons à lui constamment ; il influence notre pensée la plus moderne, et les études et les recherches sur son œuvre se multiplient.
Sa vision, indiscutablement holographique, est apparue, avec les Sages ioniens, vingt-cinq siècles plus tôt.
Il s’agit d’un saut dans le temps qui n’a pas permis à son époque de profiter de sa pensée dialectique et d’y donner suite.
La terre n’était pas prête à accueillir la semence ; elle n’était pas propre à faire germer les graines disséminées par ces Sages ioniens.
(page 18 - Préface de Constantin Fotinas)