Drôle et féroce
Dans les recueils thématiques, la contrainte est souvent stimulante. Mais parfois, si elle ne correspond pas au tempérament d'un auteur, elle peut se révéler appauvrissante, un carcan. C'est le risque.
De plus, on ne peut éviter la compétition: ferai-je mieux que les autres? Plus malin? Plus noir? Plus puissant? Plus subtil? La surenchère est l'autre risque.
Du point de vue du lecteur, un auteur se démarque par un ton, un regard qui sortent de l'ordinaire - denrées rares. À l'intérieur d'un recueil à auteur unique, on trouve en gros deux nouvelles excellentes, deux faibles et six moyennes, alors qu'ici, le fait de comparer les nouvelles revient à comparer les auteurs entre eux. C'est cruel… et absurde: aujourd'hui inspiré, demain non, comment juger?
Donc, je vais arpenter au gré de ma fantaisie ce jardin extravagant dont je prélèverai certains specimens en toute subjectivité. Attention! Cela ne veut pas dire que je n'ai pas apprécié le reste.
La préface est un gloubi-boulga rabelaisien qui peut dissuader le lecteur de poursuivre, ce qui serait dommage. Je salue la virtuosité lexicale, mais elle détourne de l'essentiel.
Morgano pond une histoire subtile et savante, c'est l'un des auteurs les plus littéraires de la bande.
G. C. m'a agréablement surprise avec sa fable historique.
Le Bian et Quélard se sont beaucoup documentés pour traiter leurs sujets, impressionnée je suis.
Nadaco a écrit une nouvelle plutôt noire que bête et méchante, mais qui est très bien et témoigne d'une belle sensibilité.
Lewis construit une situation inattendue et balance une chute à double détente. C'est la nouvelle qui correspond le mieux au genre et c'est pour moi une réussite totale. (Il y a dans ce recueil plusieurs biographies complètes qui sortent du cadre du genre. Mais ce n'est pas grave.)
Bouffanges a le don de créer des personnages très vivants en quelques lignes.
Soulier pratique la critique sociale et la satire avec un humour féroce, sans oublier son style imagé et ses personnages émouvants dans leur différence.
Grisard possède un humour dévastateur et un style truculent, fils illégitime de
Frédéric Dard et de Céline. Une réserve: sa fin à tiroirs est de trop, de même que la conclusion dans le métro chez Soulier et la longue introduction sur le personnage chez Quélard.
L'ensemble du recueil est d'une excellente facture et j'ai pris grand plaisir à m'y balader pendant quelques jours. J'invite tous les curieux à m'y rejoindre. Vous aussi, adhérez au club Bête et méchant!
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