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EAN : 9782881826429
170 pages
Editions Zoé (21/03/2009)
3.58/5   6 notes
Résumé :

Peut-on vivre sans la protection d une maison familiale, qu elle soit réelle ou fantasmée ?Dans une vieille demeure de famille où tous se réunissent pour célébrer la ronde des étés éternels, la narratrice tombe sous le charme de son oncle Archibald, patriarche incontesté quoique fragile. Chaque année elle revient dans la maison qui garde les secrets des défunts et des vivants, mais le passé ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
J'aime la littérature suisse romande, surtout celle des pays entre Vaud et Genève, imprégnée d'un calvinisme ravageur dont Jacques Chessex nous avait donné une violente image dans ses écrits.

« Une imprécation habite le paysage depuis longtemps. Personne ne peut se soustraire à l'oeil scrutateur de Dieu qui nous poursuit et nous force à nous interroger sur ce mal en nous », écrit Anne Brécart dans le Monde d'Archibald.

Le Monde d'Archibald, est le troisième roman de cet écrivain qui prend son temps: depuis Les Années de verre, publié en 1997, Angle mort en 2002, le Monde d'Archibald arrive en 2009, aux éditions Zoé comme les précédents.



Moi aussi j'aime prendre mon temps, laisser mes lectures à la décantation : le Monde d'Archibald possède un bouquet amer avec des notes sucrées, quelque chose de râpeux et de doux qui vous laisse un souvenir sur la langue et dans l'âme, une sorte de nostalgie et de douleur que l'on peine à oublier.

En Suisse romande comme ailleurs, il existe deux sortes d'écrivains : ceux qui ont de l'imagination et ceux qui utilisent leur vie et (ou) celle des autres pour créer une oeuvre, Anne Brécart appartient à la deuxième catégorie.

Elle creuse ses douleurs, ses souvenirs, un peu à la manière d'Annie Ernaux, c'est la seule comparaison pertinente qui me vient à l'esprit, mais pourtant la différence saute aux yeux, même dans les passages crus de l'initiation sexuelle de la narratrice subsiste une pudeur, une distanciation que l'on ne trouve pas dans l'oeuvre d'Annie Ernaux, et cela tient je crois à ce pays si particulier.

En quelques mots voici la trame du livre: la narratrice évoque ses vacances d'enfant dans la somptueuse maison de famille un rien décatie de son oncle maternel quelque part au bord d'un lac en Suisse romande. Elle y revient chaque année, grandit, découvre la mort et le sexe, de plus en plus fascinée par son oncle Archibald, perdant magnifique et seigneur du lieu.



Personnellement je déteste les souvenirs d'enfance nostalgiques de bourgeois complaisants vis à vis d'eux-mêmes. La tante de la narratrice qui a comme fait d'arme à son actif d'avoir conduit la Bentley familiale dans les rues de Lausanne me laisse parfaitement froide.

Où est l'intérêt de ce roman, me direz-vous ?

D'abord dans l'écriture qui ressemble au pays qu'elle décrit : Anne Brécart traque l'adjectif et l'adverbe, hait les points de suspension et d'exclamation. Seuls quelques points d'interrogation subsistent, sauvés par leur propos, les questions participent à la douleur, n'est-ce pas !

Pour le reste, on dirait que tout ce qui vit et pourrait déranger l'ordonnancement des choses, –les émotions, les incertitudes, les éclats de tout ordre –, a été évacué. Chut ! On ne dérange pas, on ne mêle pas la vie triviale à ce qui est une oeuvre d'art. Quelle contradiction, pourtant, que cette maison qui attend les enfants pour les vacances et d'où aucun cri ou dispute d'enfant ne sort ! Une maison de souvenirs d'enfance ou une maison de souvenirs qui accueille des enfants , un bloc de passé figé dans lequel les enfants ne sont que des figurants.

Nous avons affaire à une lutte contre le temps et la mort. L'oncle Archibald, le frère aîné de la mère de la narratrice, règne sur ce monde exténué qu'il porte à bout de bras. La rigidité des rites qu'il impose à sa famille (comme le repas de midi ou le thé de quatre heures dans les tasses évanescentes) fait partie de ses activités-remparts dérisoires contre la mort, tout comme les blasons des familles disparues qu'il dessine avant de les coller dans un livre. La narratrice lui prête un grand pouvoir : « Il savait arrêter le temps, il était capable de rendre présent le passé ».

Mais ce n'est qu'une illusion, la mort est là, omniprésente.

Celle de François, le cousin de la narratrice, mort à seize ans, celle d'Olympe, la femme d'Archibald, mort difficile à laquelle participe la narratrice, témoin de cette lutte entre la vie et la mort. « Pour elle, la mort n'est pas un simple et tranquille évanouissement, une disparition sereine, mais une lutte d'une rare violence. Couchée sur son lit, elle semble se heurter contre une paroi invisible qui la renvoie douloureusement dans le monde des vivants, passant ses journées dans un exténuant aller et retour entre l'au-delà et la vie ».

Celle de l'enfance, avec la relation sexuelle entre la narratrice adolescente et Idriss, l'ouvrier Kosovar chargé par Archibald de maintenir la vie de la ferme. Leurre contre leurre, fausse vie de ferme, faux ouvrier et vrai réfugié, fausse relation où il n'est jamais question d'amour, même pas de plaisir.

La mort est partout. Dans cette maison aux rideaux fanés qui laisse passer les vents coulis, dans les relations du vieil homme avec ses filles, dans cette volonté désespérée de maintenir ce qui a été.

La narratrice fascinée en oublie de vivre : elle reste en dehors, comme lors de cette manifestation d'étudiants à laquelle se joignent tous ses camarades : « Elle regarde mais ne se joint pas à eux, n'est-elle pas retenue par une différence qui l'empêche de se mêler au mouvement, à l'exaltation ? Eux trouvent un sens à leur vie dans la cause commune. Crier d'une seule voix leur donne le sentiment d'exister. Elle, au contraire, a une existence si fragile qu'elle a l'impression de se dissoudre dans la foule. Quelque chose comme une fatigue la retient près de la fenêtre, observatrice immobile. »

Pour finir, le vieil homme choisit de mourir, et sa mort entraîne bientôt celle de la maison. « […] le mot « perte » s'est déployé en moi comme un gigantesque parachute noir ».



D'où vient que le plexus se serre dès le premier chapitre ? D'où vient que l'on sent au plus profond de soi le déracinement, l'éloignement, la difficulté de vivre et de laisser mourir ?

Le combat d'Olympe contre la mort, la douleur de la vie nous le rend si proche, nous l'avons vécu, nous allons le connaître. Et la difficulté d'avancer et de trouver notre propre parcours, le besoin de se raccrocher à ce et ceux que nous connaissons : « La permanence n'est qu'une question d'habitude, il est si difficile d'envisager le monde comme une surprise ».



Ce livre nous ramène aux questions existentielles fondamentales : non, nous ne pouvons pas retenir le temps, mais l'écriture magnifique d'Anne Brécart nous donne à de nombreux moments un sentiment d'éternité, dans le pays sévère de ses souvenirs d'enfance.




Lien : http://n.giroud.free.fr/?p=51
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C'est une histoire de famille. La narratrice passe toutes ces vacances chaque année dans une maison familiale, celle de son Oncle Archibald. C'est le patriarche de la famille, il pourrait être son grand-père. La narratrice a beaucoup d'admiration pour lui. La maison de vacances est une ancienne ferme en terre romande entre Lausanne et Berne, au bord d'un lac. Oncle Archibald a trois filles Adèle, Blanche et Véra, elles sont artistes pianiste, peintre et photographe. La tante Olympe est une femme fragile. Arrive un garçon, il vient pour aider à la ferme, il se nomme Idriss.
Le seul cousin de la narratrice qui a son âge cet François mais malheureusement il sera décédé jeune suite à un accident.La maison peut-être considérée comme une personne à part entière avec une âme. Cette maison est hantée par les propriétaire oncle Archibald et la tante Olympe, le cousin François. de beaux passages réflexions sur la mort : " Pour elle, (Tante Olympe) la mort n'est pas un simple et tranquille évanouissement, une disparition sereine , mais une lutte d'une rare violence. Couchée dans son lit, elle semble se heurter contre une paroi invisible qui la renvoie douloureusement dans le monde des vivant, passant ses journées dans un exténuant aller et retour entre l'au-delà et la vie.""Étrange comme d'un deuil à l'autre la mort se précise dans son mystère."" Sa mort semblait avoir libéré sa présence qui, autrefois retenue par le filet de sa vie, s'était subitement éparpillé."" Et nous avons besoin d'eux pour vivre. Les vieilles maison étaient le lieu où les vivants et les morts se rencontraient sous le même toit. Maintenant que ces lieux de retrouvailles ont été détruits, les morts errent et nous cherchent."La narratrice est très attaché à la maison d'Archibald et je la comprends, car quand elle va à la maison du lac, elle est comme dans une bulle hors temps. Elle n'a pas très envie d'être dans le réelle. L'écriture est fine, limpide subtile. Il n'y a aucun dialogue cela permet de renforcer le sentiment d'étouffement dans cette maison remplit de secrets de famille et de non dit. Concernant l'époque ce récit à quelque chose d'intemporel. C'est un livre très touchant sur le temps qui passe. Ce livre touchera tous ceux qui sont sensibles aux vieilles maisons de famille, à une époque révolue, le temps de la douceur familiale du bien être auprès de personnes chers. Ce livre est vraiment une belle lecture encore un auteur à suivre. Ce roman est autobiographique sûrement en partie puisqu'il est dédicacé " En souvenir de mon oncle Luc Bischoff". J'ai trouvé des accents de la Cerisaie de Tcheckov dans ce roman.
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La narratrice vit à Zürich avec ses parents. Elle passe ses vacances d'été à la maison du lac près de Lausanne chez le frère de sa maman. Elle est perçue comme une étrangère et fait beaucoup d'efforts pour être acceptée. Elle s'attache à l'endroit et à son oncle Archibald. le vieil homme veut que rien ne change dans la maison et vit avec ses ancêtres décédés. Bientôt la jeune fille se sent responsable du domaine familial et du vieux patriarche. l'a mort de l'oncle Archibald et la disparition du domaine vont la libérer de ce devoir. le monde d'Archibald invite à une méditation sur le temps et la mort. Il nous renvoie à notre enfance. Intéressant et plein de finesse. M.C.
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
J'y retrouve François mon cousin. Nous reprenons notre projet de percer à jour les secrets de famille. Il me charge de découvrir les turpitudes des adultes.
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Vidéo de Anne Brecart
Anne Brécart évoque son nouveau roman, "La Patience du serpent", en librairie dès le 2 septembre 2021. Présentation suivie du mot de l'éditrice, Caroline Coutau.
http://editionszoe.ch/livre/la-patience-du-serpent
RÉSUMÉ
Christelle et Greg ont choisi la vie nomade. Ils ont la trentaine et sillonnent le monde en minibus avec leurs deux petits garçons. Amateurs de surf, ils s'installent là où se trouvent les meilleurs spots, vivent de petits boulots et d'amitiés éphémères. le vent les mène jusqu'à San Tiburcio, sur la côte mexicaine, Greg s'y sent vivant lorsqu'il danse sur la crête des vagues. Mais il faut s'habituer au soleil implacable, au grondement de l'océan, aux pluies diluviennes des tropiques. Un jour, Ana Maria, une jeune femme du village, fait irruption dans leur existence. Elle entraîne Christelle dans une relation vertigineuse qui va bouleverser la famille. Dans une langue sensuelle et luxuriante, Anne Brécart décrit le quotidien de ces voyageurs à la recherche d'une autre vie.
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