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Odile Demange (Traducteur)
EAN : 9782228904933
299 pages
Payot et Rivages (13/01/2010)
4.11/5   96 notes
Résumé :
Le Chapeau de Vermeer est un livre brillant et singulier. Derrière ce titre mystérieux se cachent sept histoires passionnantes, sept voyages à travers le globe, que Timothy Brook déroule à partir de six tableaux de Vermeer et une faïence. Éminent sinologue s'offrant une incursion dans la Hollande de l'âge d'or, Brook nous convie en effet à une autre lecture des oeuvres de Vermeer. Non pas celle d'un historien d'art qui s'attacherait à l'usage de la lumière ou de la ... >Voir plus
Que lire après Le chapeau de Vermeer : Le XVIIe siècle à l'aube de la mondialisationVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (19) Voir plus Ajouter une critique
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Voilà un livre original qui à partir essentiellement des toiles du peintre Vermeer, représentatif du XVIIe, et plus particulièrement d'un des objets mis en scène, ouvre sur les divers aspects de la société de l'époque, de ses échanges commerciaux et culturels. Car les hommes du XVIIe siècle voyagent pour acheter. Cette utilisation des peintures de Vermeer comme ouverture sur le monde est assez paradoxale dans la mesure où le peintre lui même n'a pas quitté Delft.

Dans un premier commentaire sur une Vue de Delft, Brook fait allusion, grâce à deux harenguiers, au refroidissement climatique qui a fait descendre les harengs vers ses mers et par les toits de la VOC à la Compagnie des Indes Orientales créée alors.
Puis l'auteur à propos du chapeau de feutre de L'officier et la jeune fille riant, fabriqué avec le sous poil des castors, nous mène au Canada avec Champlain au milieu des tribus autochtones. Outre le commerce des pauvres bêtes qui avait entraîné leur déclin en Europe, il devait trouver un passage vers la Chine.
Dans La liseuse à la fenêtre, c'est une jatte de fruits qui introduit un développement sur le commerce de la porcelaine chinoise et ses contrefaçons.
La toile le géographe et plus particulièrement le globe est prétexte à disserter sur la nécessité de compléter les connaissances pour une navigation plus sûre.
Puis c'est une assiette hollandaise imitant la porcelaine chinoise qui initie au commerce du tabac. Et à son adoption par la Chine, avec de nombreuses règles.
Dans la femme à la balance, la pesée de l'argent, geste habituel, renvoie aux monnaies et à leur importance de plus en plus cruciale au XVIIe. La Chine en étant une des grandes destinations finales.
Le dernier tableau n'est pas de Vermeer mais d'un contemporain Hendrick van der Burch, Les joueurs de cartes. C'est à la présence d'un jeune domestique noir, qui fonde une réflexion sur les destins personnels de voyageurs.
Le dernier chapitre est une méditation sur un vers du poète et théologien anglais John Donne Aucun homme n'est une île.

Ce qui est frappant, c'est que tout objet mène en Chine, non seulement à partir de l'Europe mais aussi de l'Amérique du sud. Il faut dire que Timothy Brook est un spécialiste de la Chine impériale.

Il me semble que s'il y a quelque chose à retenir de ce livre c'est que contrairement à l'image que j'en avais pendant ma scolarité, si effectivement beaucoup de gens passaient leur vie là où ils étaient nés, il y avait aussi beaucoup d'échanges et beaucoup de voyageurs dès le XVIIe et même avant. Certains de gré ou de force finissaient leur vie dans un autre continent que celui où ils avaient vu le jour, africains en Europe, Européens en Asie… Et si l'on ne voyageait pas soi même, on avait des récits et des objets étranges et étrangers. Exemple, cet Écossais de naissance Boquet qui vient en France puis passe en Hollande sous le nom de Baquet pour s'embarquer pour la Corée où il changea encore probablement d'identité. Ou encore cette phrases des personnes âgées lorsque l'humidité réveillait leurs douleurs rhumatismales “Aujourd'hui il neige en Chine.”
Aujourd'hui où l'on parle de village planétaire, l'on peut encore sans être dans la dernière misère peu sortir de son propre pays et encore moins aller aux antipodes, mais on sait à peu près ce qui s'y passe. Ce qui est mon cas. Je trouve que cela remet un peu en cause l'image d'un début de XXIe siècle où tout un chacun parcours le monde tandis que deux ou trois cents ans plus tôt, l'on ne savait rien de ce qui se passait en dehors de son propre monde.

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« Bonjour les Babélionautes ! Aujourd'hui, je vais vous parler d'un livre fascinant mélangeant humour, érotisme et aventures trépidantes vécues par une héroïne attachante !

-Waaaah, super ! Comment ça s'appelle ?

-Le chapeau de Vermeer, de Timothy Brook. Avec un sous-titre : « le XVIIe siècle à l'aube de la mondialisation. »

Or donc Timothy Brook nous propose un traité d'histoire économique en passant (littéralement) par certaines toiles de Vermeer, considérées comme des portes d'entrée vers un passé agité et mal connu. Par exemple, cet argent que pèse Catharina, d'où vient-il ? Et cette porcelaine ? Comment obtient-on des chapeaux en poil de castor ? Les perles de la jeune fille sont-elles vraies ?

-Mais… c'est pas du tout ce que tu annonces, comme bouquin !

-En effet. J'ai menti, sinon tu aurais disparu dès la deuxième ligne.

-J'peux toujours m'en aller maintenant ! J'ai horreur de l'économie, de l'histoire et de tout ce qui m'ennuie !

-Va-t'en si tu veux, mais tu auras tort. Honnêtement, je ne me sentais pas vraiment rassurée quand j'ai reçu ce bouquin. « Encore un tas de pages de connaissances super pointues auxquelles je ne vais rien comprendre parce que je suis trop bête et que ce sera écrit dans le plus pur style bloc de béton. »

Fort heureusement, M. Brook est un passionné déterminé à partager son savoir et ses recherches : il adopte donc un style fluide, clair et chaleureux. Il fait des efforts pour que son texte, en dépit de sa longueur, soit lu sans souffrance aucune et même avec plaisir.

Je dois reconnaître que ça marche : je ne me suis pas ennuyée, alors que l'histoire et l'économie ne représentent guère mes disciplines préférées. L'art comme machine à voyager dans le temps et l'espace, il fallait y penser !

-Et donc tu as accroché ?

-Sans hésiter, oui ! Je reprochais souvent aux cours d'histoire de ma jeunesse d'être trop abstraits. Avec ce livre, j'ai été plongée dans du concret : celui d'une oeuvre géniale pour commencer, celui de vies authentiques pour continuer.

Je parlais au début d'aventures trépidantes, sur ce sujet j'ai dit la vérité : traverser les mers, rencontrer d'autres cultures, échafauder des plans, des stratagèmes pour gagner de l'argent, établir ses réseaux ne sont pas des occupations de tout repos. Et ce n'est pas tout ! L'histoire n'est pas seulement décortiquée du côté des Hollandais. Tu y trouves aussi le point de vue des Chinois, des Hurons, ainsi que les conséquences politiques et/ou culturelles qui suivirent l'arrivée des Européens.

Je compte bien relire ce livre : la masse d'information est telle qu'une seule lecture ne me suffira pas pour l'assimiler. Il m'a émue, tout en m'enseignant une nouvelle façon de voir les tableaux et en m'en apprenant plus sur un passé que je connaissais très mal. Enfin, sa conclusion humaniste mérite d'être méditée. »
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La peinture de Vermeer évoque un univers calme, retranché des tumultes du monde et de ses turpitudes. Ses scènes d'intérieur, qui montrent de jeunes femmes rêveuses s'adonnant à leurs travaux, ont été comprises comme des images de la sérénité du Siècle d'Or hollandais. La Vue de Delft, qui est pourtant un paysage fluvial et urbain, fut de même lue par Proust à la seule lumière d'un de ses détails : le petit pan de mur jaune, qui devient sous sa plume la quintessence de l'esthétique intimiste du peintre. Or, dans un ouvrage publié en 2008 et réédité plusieurs fois à cause de son grand succès, l'historien T. Brook a révélé un tout autre Vermeer. Spécialiste de l'Asie, il a replacé le peintre dans le milieu qui était le sien : celui de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales, des voyages commerciaux en plein essor dans un siècle où les hommes et les objets circulaient sans cesse, celui d'une cartographie en mutation, se rééquilibrant à l'Ouest comme à l'Est pour fonder les prémices d'un monde globalisé. L'auteur n'oublie pourtant jamais les tableaux : il part toujours des objets décrits par Vermeer, plus complexes à cerner qu'on ne croirait. le chapeau de L'Officier et la jeune fille riant de 1658, aujourd'hui à la Frick Collection de New York, est ainsi le point de départ d'un voyage au bord du lac Champlain, dans l'actuel Canada. Une carte est accrochée sur le mur au fond de la pièce, où se tiennent les deux personnages. Mais c'est le chapeau qui « ouvre le couloir menant au vaste monde » parce qu'il s'agit d'un chapeau en castor, extrêmement onéreux et luxueux et non d'un vulgaire couvre-chef de feutre. Il révèle à lui seul l'importance du commerce de fourrure dans le Nord de l'Amérique, la lutte des Européens pour le dominer, de même que l'intrusion dans la vie de Vermeer d'un ailleurs lointain. le soldat ainsi coiffé révèle encore son raffinement, qui marque la nouvelle distinction sociale des membres de l'armée en Hollande. Chaque toile inspire à l'auteur un voyage similaire : la jatte en faïence de la Liseuse à la fenêtre nous entraîne dans la Chine des potiers pour mieux revenir à Delft, où l'on exposait les vaisselles chinoises comme autant de promesses de richesse ; la carte du géographe nous précipite dans un périple marin haletant, de Goa à Macao, en passant par Manille. Avec l'or pesé par la Femme à la balance, nous naviguons des mines de l'Amérique du Sud à la Chine, pour revenir à la pièce close peinte par Vermeer, en réalité ouverte sur un territoire immense. À dire vrai, on dévore d'abord ce livre comme un roman d'aventures. Stevenson n'est jamais loin dans les sept voyages composés par T. Clark, où se bousculent des artistes de l'Orient et de l'Occident, des militaires, des pirates impétueux et des marchands avides. Mais il est aussi un modèle d'essai historique et une leçon d'histoire de l'art. Grâce à lui, non seulement la peinture de Vermeer prend un relief nouveau, mais elle devient capable de rendre compte des grands bouleversements de son temps à travers un quotidien magnifié, dont l'immobilité n'est qu'apparence.

Par Christine Gouzi, critique parue dans L'Objet d'Art 522, avril 2016
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Thimoty Brook, historien et sinologue, nous fait entrer dans les débuts du commerce international et de la mondialisation, en plein XVIIème Siècle.
Pour ce faire, il part du détail d'un tableau de Johannes Vermeer, ou d'une oeuvre de l'époque.
Dans chaque oeuvre se trouve un détail, qu'il appelle une porte par laquelle il nous entraîne dans les méandres du monde bouillonnant du Siècle de Vermeer.
A partir de ces portes, on voyage de la Hollande à la Chine, en passant par les Amériques et le simple chapeau de l'officier et la jeune fille riant nous apprend beaucoup sur les conquêtes territoriales destinées à assurer l'approvisionnement en peaux de castor.
L'auteur nous apprend ainsi que de nombreux échanges émaillaient déjà le monde : tabac, argent, porcelaine chinoise et même esclaves.
On constate aussi avec amusement qu'à cette époque, c'étaient les Chinois qui étaient victimes de contrefaçons de leur porcelaine si prisée en Hollande.
Ouvrage très intéressant qui aborde la matière économique sous un angle original.
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Chapeau l'artiste !
Un livre réellement passionnant sur l'histoire de la mondialisation qui s'appuie de manière très subtile sur la peinture de Vermeer pour nous faire comprendre que ce que nous appelons mondialisation et pour nous semble avoir réellement commencé après 1945 est en fait plus ancien. La question n'est pas tant de savoir quand cela a vraiment commencé car là les débats entre historiens peuvent durer longtemps, mais surtout il s'agit ici de montrer que l'on a au 17-18ème siècle une mondialisation intense, complexe dans laquelle des produits font d'incroyables aller-retours. Jamais je n'aurait cru m'intéresser autant à un tapis ou à de la porcelaine. L'auteur est un brillant historien spécialiste de la Chine et l'on a vraiment envie de lire ses autres ouvrages. Par chance un nouveau vient de sortir. On s'en frotte les mains !
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Une culture élitiste du tabac se forgea autour de ce sentiment de compulsion, et les poètes furent chargés d'en faire l'éloge. Les XVIIe et XVIIIe siècles nous ont laissés plusieurs centaines de poèmes consacrés au tabac. Le célèbre poète Shen Deqian a consacré tout un cycle de poèmes à ce sujet, où il présente le tabac comme le plus raffiné des plaisirs et le plus élégant des passe-temps, échappant à l'entendement des gens ordinaires. Si ceux-ci apparaissent dans ses poèmes, c'est uniquement sous les traits de domestiques, jamais de fumeurs. Il décrit ici sa pipe d'ivoire:

J'aspire la vapeur ardente de ma pipe,
De ma poitrine, j'exhale des nuages blancs,
Le serviteur emporte les cendres,
Apporte du vin pour amplifier l'ivresse,
J'approche la flamme pour connaître le goût,
La faisant brûler dans la défense d'éléphant.
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C'est un des motifs qui ont présidé à la rédaction de ce livre : la conscience qu'en tant qu'espèce, nous devons trouver le moyen de raconter le passé d'une manière qui nous fasse reconnaître et admettre la nature globale de notre expérience. C'est un idéal utopiste -un idéal dont nous sommes encore très éloignés, que nous n'atteindrons peut-être jamais et qui, pourtant, pénètre notre existence quotidienne. Si nous arrivons à percevoir que l'histoire d'un lieu, quel qu'il soit, nous relie à tous les lieux et, en dernier recours, à l'histoire du monde entier, alors qu'il n'existe aucun élément du passé -aucun holocauste, aucun exploit- qui n'appartienne à notre héritage collectif.
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On ne trouvait en Chine personne qui, comme le géographe de Vermeer, ait eu l'envie, ou la possibilité, d'intégrer un flot infini de données en provenance du monde extérieur et de réviser régulièrement le corpus de connaissances utiles dont quelqu'un d'autre avait réellement besoin. Le monde extérieur pénétrait dans la vie des Européens sous forme d'idées et d'objets, dont nous avons vu certains dans la pièce que Vermeer a peinte.
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Vues sous ce jour, les toiles que nous allons examiner à la recherche de signes du XVIIème siècle pourraient ne pas faire seulement figure de portes conduisant à la redécouverte du passé, mais aussi de miroirs reflétant la multiplicité des causes et des effets qui ont produit le passé et le présent.
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Le devoir de convertir les païens ne l'emportait pas sur la liberté du commerce;plus encore,aux yeux de Grotius ,il faisait offense au principe de l'égalité de traitement pour tous:"La foi religieuse ne supprime ni le droit naturel ni le droit humain d'où découle la souveraineté."affirmait-il.
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