"
Nous sommes au regret de..." est un recueil de textes tirés du journal intime de l'écrivain italien
Dino Buzzati. Paru une première fois en 1960, il vient d'être réédité aux éditions Robert Laffont.
Au fil de près de 100 pensées écrites sur le vif, d'extraits de revues ou de courtes
nouvelles, ce recueil nous offre un aperçu des thèmes dichotomiques chers à l'auteur que sont la vie/la mort, la justice/l'injustice, la jeunesse/la vieillesse, l'illusion/la déception.
Voici un ouvrage à picorer ou à savourer d'une traite! Bien que revêtant un aspect décousu de prime abord, ce recueil m'a fait penser à ces dessins réalisés en reliant des numéros, nombres tous différents mais qui, une fois réunis, forment un tout cohérent.
Au détour d'historiettes rédigées bien souvent sous forme d'anecdotes, l'auteur pose un regard caustique sur la société et les individus qui la composent et dont il n'hésite pas à pointer les moindres failles.
Guichets, hôpitaux, tribunaux, Buzzati s'attaque avec force à tout ce qui s'approche de la bureaucratie et de ses effets pervers (les experts diraient "hum...très kafkaïen") comme dans le texte "Soumis" racontant l'histoire d'un homme condamné à la prison car il n'a pas osé dire non au bon moment ou dans "Ibi" où un individu est acquitté alors qu'il revendique haut et fort sa culpabilité.
Obsédé par le temps qui passe, l'auteur souligne avec justesse nos inquiétudes les plus profondes face à la vieillesse et la mort, deux notions auxquelles il associe l'oubli.
Ainsi, dans "Les miroirs", deux femmes mûres s'étonnent de ne plus attirer le regard des jeunes hommes et avancent que les miroirs ne sont plus fabriqués aussi bien qu'autrefois en ce qu'ils montrent à présent des visages irréguliers et ridés.
Dans "Enigme canine", un chien se demande ce que les humains cachent dans les cercueils.
A noter que le chien revient régulièrement dans les récits de Buzzati, de même que les prénoms en G. Un habitué de l'auteur en connaît-il la raison?
J'ai beaucoup aimé "Eau close" qui décrit ce moment où, alors que nous avons trop bu lors d'une soirée, nous nous rendons aux toilettes et contemplons effarés la personne face à nous dans le miroir tout en nous disant "Mais qu'est-ce que je fous au juste?".
Un texte qui m'a franchement fait rire, "La maison idéale", où l'auteur prétend que de petites pièces lui suffiraient à l'exception des toilettes qui devraient mesurer au moins 40m2 et être équipées avec le plus grand luxe.
Une lecture qui m'a donc beaucoup amusée malgré la dureté des thèmes abordés et une plume que j'ai hâte de recroiser!
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