Les Bambaras, qui sont tous païens, prennent autant de femmes qu'ils peuvent en nourrir, mais les Mandingues n'en ont jamais plus de quatre. Ils ne les épousent pas toutes en même temps, et même ce n'est qu'à des époques éloignées, quelquefois à trois ou quatre ans de distance. Chaque femme qu'ils prennent est pour eux un objet de dépense considérable, à laquelle ils ne peuvent suffire qu'après avoir acquis quelques bénéfices dans leur commerce, pour acheter les esclaves qu'ils sont obligés de donner aux parents de leur prétendue, autrement ils ne trouveraient pas à se marier. Cette espèce de dot varie beaucoup : si la fille est de bonne famille, qu'elle soit jolie, et qu'on lui reconnaisse de bonnes qualités, les parents exigent trois ou quatre esclaves, ou la valeur en marchandises; ces malheureux sont toujours la propriété de la mère. Si la fille est d'un rang peu distingué, ou d'une figure désagréable, on ne donne que deux esclaves. Je n'ai pas vu d'exemple dans tout ce pays d'une fille célibataire; elles se marient toutes, belles ou laides. Ce sont autant de servantes que les hommes s'attachent, et dont ils ne craignent pas la désertion. Le prétendu est obligé de livrer la dot avant de posséder la fille, à laquelle il fait encore quelques petits cadeaux ; de plus, il lui envoie tous les jours de grandes calebasses pleines de riz. Deux mois avant le mariage, la future est toujours en fête, et sa mère invite les voisins à venir y prendre part.
Les esclaves aiment beaucoup à faire cet ouvrage, parce qu'il les met à même de ramasser une petite provision de sel pour leur consommation. En général, les hommes de cette classe sont moins malheureux à Tombouctou que dans d'autres contrées; ils sont bien vêtus, bien nourris, rarement battus; on les oblige à pratiquer les cérémonies religieuses, ce qu'ils font très exactement, mais ils n'en sont pas moins regardés comme une marchandise; on les exporte à Tripoli, à Maroc, et sur d'autres parties de la côte, où ils ne sont pas aussi heureux qu'à Tombouctou ; c'est toujours avec regret qu'ils partent de cette ville, quoiqu'ils ignorent le sort qui leur est destiné.
Dans cette contrée, la population est divisée en plusieurs catégories, et les rangs sociaux y sont distincts. Les hommes qui travaillent à la journée ou au mois, soit pour la culture des terres, soit pour tout autre ouvrage, sont regardés comme appartenant à la dernière classe : ceux qui se croient d'une condition plus relevée les traitent comme des êtres très inférieurs. Il y a aussi au Tafilet beaucoup d'esclaves nègres et quelques affranchis : jamais ils ne forment d'alliance avec les Maures; les enfants même nés d'une négresse et d'un Maure par une union clandestine n'ont aucun état réel dans le pays; ils restent toujours dans les dernières classes de la société.
Dans la soirée, je vis plusieurs femmes qui pilaient des souris pour faire la sauce de leurs soupers. Je remarquai qu'on les avait vidées, et que, sans se donner la peine de les dépouiller, on les avait passées sur le feu pour flamber le poil : ainsi préparées, on les laisse dans un coin de la case, et elles ont souvent sept ou huit jours quand on les mange. Les souris qui s'introduisent dans les jarres au mil sont prises par les femmes et les enfants, qui les attrapent sans pièges.
Le Mali : Sur les traces de René Caillé
- CARTE D'AFRIQUE SITUANT LE MALI --- Les rues de Bamako - DP le marché - DP le
photographe ambulant opérant (vieux système sur pied) - DP les tisserands au travail -
chanteurnoir chantant le mauvais de
la guerre - la route que suivit
RENE CAILLE - un village Bambara --- Djenné, ville musulmane DP - nous assistons à une fête religieuse traditionnelle où chaque famille...