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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
~ Céline, Miller & Bukowsky réunis ~

C'est une idée étrange que de croire qu'il y a de la douceur dans la violence, qu'elle cache une colère qui se nourrit nécessairement d'une blessure, qu'elle n'est que le fruit corrompu d'une enfance meurtrie. Mais la violence n'a pas de circonstances atténuantes, cependant, j'avoue prendre du plaisir a lire Calaferte toujours !

Septentrion est une sorte d'autobiographie d'un aspirant écrivain à la langue incandescente qui doit jouer les gigolos & les pique-assiettes pour survivre. On y découvre sa fascination pour la lecture, les femmes & le sexe !

« Au commencement était le sexe »
Incipit choc, laconique & profanateur !

Septentrion est un monde qui interroge, interpelle, agace, stupéfie, révolte, chagrine, enchante & écoeure.
Calaferte a l'écriture qui pose, dépose, pèse, aligne, arase, édulcore, assaisonne, éloigne, rassemble : joies, souffrances, inquiétudes, peurs, espérances, regrets.
Et continuellement Dieu & le sexe !

« Le monde s'ouvre comme un énorme utérus en feu. le monde est femelle, comme l'est la Création. Et putain, impudique, comme l'est la femelle. Père. Fils. Esprit. Triangle sacré du pubis. le sexe-roi. C'est partout la famine. Étreindre. Prendre. Jouir. le monde est vautré, nu, offert à la fornication dans sa splendeur maligne et dans sa purulence, tous ses abcès ouverts »

Des mots, comme un tremblement de terre, âpres, dérangeants, obscènes, immorals & vénéneux qui ne connaîtrons jamais l'usure du temps & resterons à jamais flambant neufs.

Chez Calaferte, le commerce des mots n'est jamais une activité saine, il dépeint les facettes innombrables d'un moi qui file dans l'écriture, et reste insaisissable, en ecrivant, il pénétre dans sa plus grande intimité. Et en publiant (enfin), il fait acte d'impudeur absolue !

« Pour écrire, il faut être hanté, malheureux, persécuté, ou alors heureux au point de croire sérieusement qu'on a Dieu pour coéquipier »

Septentrion est avant tout une ode a l'importance de la lecture, celle qui permet un ailleurs pas trop loin d'ici !
Une autobiographie fievreuse & existentialiste a decouvrir, a lire, et relire !
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Un temple de beauté, de vérité et de vice. "Septentrion" est la lisière qui sépare Louis-Ferdinand Céline d'Henry Miller. Ce roman a la noirceur d'un tunnel de métro Célinien et la lubricité poétique d'un appartement de Clichy. Si pour Céline le monde s'ouvre par le bas et pour Miller par le bas-ventre, Calaferte l'ouvre par le haut, et tout un ciel dégoulinant couvre ses pages.
Les passages sur les pauses littéraires dans les toilettes sont à la fois drôles et sublimes, celles sur la lecture d'une beauté inouïe. L'auteur nous donne envie de lire en nous expliquant pourquoi la lecture est indispensable.
Il nous montre ici comment écrire un livre américain à la française, et c'est aussi un des tours de force de "Septentrion".
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Septentrion ou l'irruption d'une langue.

“Parlez-moi encore un peu de vous. Votre voix me rappelle de si doux souvenirs qu'elle entretient un léger frémissement localisé en dessous des couilles dans le prolongement du tube.”

Un récit autobiographique mais qui a tout du roman, (in)carné.

“Comment expliquer aujourd'hui cette rage de lecture qui me tenait continuellement sous pression, cette faim de découverte, cette fébrilité vis-à-vis de tout ce qui était imprimé ?”

Ecrit au début des années soixante et interdit de publication pendant près de vingt ans c'est d'abord un style. Une prose poétique, à la fois un parlé de rue, d'argot parfois, explosive, scandaleuse, érotique, mais aussi drôle, spirituelle, délicate, onirique, on peut passer allègrement du scato au sacré voyez. C'est un souffle épique mais cru, une Odyssée de la loose, qui n'a pas peur de descendre dans les méandres de notre rapport à nous-même, mais ce faisant, c'est aussi une littérature brutalement honnête et sans (im)posture. C'est une littérature jouissive, au sens de la distinction de Roland Barthes dans le Plaisir du Texte. Malgré ses errements mis en mots, ne nous y trompons pas Louis Calaferte n'est pas qu'un “thug” ou un rebelle sans cause (à l'exception de celle de la littérature), il est aussi un sage, peut-être même un moraliste.

Septentrion raconte la quête d'un écrivain en puissance, vers l'écriture, vers la littérature, et si le narrateur n'a pas encore vraiment écrit, l'ouvrage lui est d'emblée fichtrement littéraire.

“Mes humiliations font partie du butin.” Louis Calaferte c'est l'écrivain impénitent. Son narrateur est un cheval sauvage, définitivement indomptable : dans son rapport au travail, à l'usine, comme une domesticité de l'homme. Mais aussi allergique à la vie rangée, à la vie de famille bourgeoise. Tous ces rejets ont un corollaire, le parasitisme, on doit toujours trouver quelqu'un à qui on doit toujours quelque chose, une aide… dont la contrepartie est sans cesse différée. Ce goût pour la marginalité cela me rappelle un autre écrivain-poète-dramaturge qui dynamita aussi la langue : Jean Genet.

“Au commencement était le sexe”. Avec un tel incipit, je ne dévoile rien en confirmant que (avec un seul “e” et un seul “u” n'est ce pas…) la sexualité est un personnage à part entière du livre. du reste, Octavio Paz ne disait pas autre chose, dans son essai La Flamme Double, le Prix Nobel mexicain notait “sexe, érotisme, amour sont les aspects du même phénomène, des manifestations de ce que nous appelons la vie. le plus ancien des trois, le plus considérable et fondamental est le sexe.”

“Pas moyen de baiser le quart de ce qu'on voudrait. Il faut s'y faire.” Néanmoins, le livre n'est pas une série d'exploits donjuanesques, le narrateur exposant sans orgueil sa dépendance et sa misère affectives. Evidemment le narrateur, souvent “en manque” (le désir fonctionnant peu ou proue sur le même modèle qu'un crédit renouvelable…) il décrit ses sensations et ses envies face aux anonymes croisées dans la rue, au café. Finalement c'est aussi un témoignage sur la frustration quotidienne, celle de ne pouvoir coucher avec tout le monde, du moins tous les gens qui nous plaise. Alors lorsque le narrateur trouve une partenaire de jeu, quelque part il assouvit à la fois son désir d'elle, mais on peut se demander s'il n'évacue pas aussi la frustration de tous les précédents désirs insatisfaits de sorte que la partenaire n'est pas seulement un trophée, mais aussi un lot de consolation…

“Moi j'aime pas le mot pornographie, tout ce qui relève des rapports du corps avec un partenaire, quelqu'il soit, rien en ce domaine-là ne me parait pornographie, au sens où la langue l'entend. Moi ça me parait plutôt une espèce de recherche constante de la part de l'un et de l'autre.” Voici ce que répondait Louis Calaferte aux sempiternelles critiques, les mêmes qui condamnaient la Lady Chatterley de D.H Lawrence au silence, au micro de Jacques Chancel. Il y a sans aucun doute des passages érotiques mais ils ne sont jamais gratuits, et c'est le cas de le dire, puisque notre narrateur commence dans la première partie du livre une carrière de gigolo avec la plantureuse Nora van Hoeck, une riche néerlandaise entre-deux-âges. le jeune Calaferte n'était du reste pas le seul futur artiste célèbre à vendre ses charmes dans le Paris de ces années là, les encore anonymes Serge Gainsbourg ou encore Alain Delon l'ont discrètement confié depuis.

Dans la seconde partie une rencontre m'as particulièrement plu, celle avec une inconnue dans un hôtel, cet impromptu dans un moment où personne ne s'y attend plus, qui est une véritable histoire dans l'histoire (comme souvent avec Septentrion), parenthèse de quelques pages, magnifiquement écrite, sensuelle et intensément vive. Passion fugace et délicate qui fit dire à l'écrivaine Marie-Hélène Lafon, sur le plateau de LGL, que c'était l'une des plus belles histoires d'amour de la littérature française “de la page 323 à la page 339”. Une histoire dont le souvenir convoque à nouveau pour moi des vers d'Octavio Paz :

"Détaché de mon corps, détaché
Du désir, je retourne au désir,
à la mémoire de ton corps. Je retourne.
Et ton corps flambe en ma mémoire,
Et flambe en ton corps ma mémoire."

“il faut vivre l'absurde ou mourir.” Si vous aimez l'intensité, si vous aimez les rapports textuels explosifs, la destruction des totems et des fausses courtoisies, des hypocrisies et des conformismes, si vous avez la rétine baladeuse, si vous êtes désespéré mais avec le goût du sacré, si vous avez l'optimisme entêté des tire-au-flanc alors ce livre est peut-être pour vous. Mais aucune obligation, Septentrion,et d'ailleurs toute la littérature, ce n'est peut-être qu'une affaire intime : “quelque chose de privé, de précieux, d'indispensable à certains” comme disait Louis Calaferte.

Sur ce, comme dirait Calaferte je vous dit « bonsoir, j'en ai assez dit » et je vais m'adonner à d'autres lectures privées et précieuses car, pour citer Jules Renard « quand je pense à tous les livres qu'il me reste à lire, j'ai la certitude d'être encore heureux” !

Très belle année livresque !

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Un livre qui ne peut laisser indifférent qu'on pourrait détester pour sa misogynie patente, ou encenser pour sa verve romanesque d'une grande richesse en idées, en vocabulaire, en spontanéité qui s'exprime de façon frontale, sans réserve et souvent avec un humour décapant et réjouissant. Ses délires sont parfois excessifs, on a le sentiment qu'il se laisse dépasser par son appétence pour les mots et son imagination délurée et débridée, mais hormis ces quelques « hors piste », on est subjugué par la puissance du texte et du style. La crudité et la cruauté du discours sont d'un réalisme saisissant qui exprime de façon courageuse ce qui pourrait être fait, seulement pensé ou tu par la gente masculine.
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J'ai adoré. Les mots sont une matière qu'il entaille, qu'il malaxe, qu'il avale et rejette. Son écriture est comme la consonance de son nom : Calaferte. Il y a de la perte, de la farce, une balafre !
C'est trop bien sûr, on en a marre parfois, mais on en veut encore, il vous tient. Ce texte est sexuel. Et il est tellement vrai sur les conditions sociales, sur la pauvreté. Quelle horreur ce que les humains se font, mais comme c'est magnifique de le porter à bras le corps avec de simples mots. Plongez-y, vous y trouverez la pureté.
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SEPTENTRION de LOUIS CALAFERTE
Le livre s'ouvre avec une longue introduction sur la lecture, l'écriture, l'aspect féminin du monde, monologue sur le sexe féminin. Lecture qui sert à oublier l'usine, ses cadences, sa saleté et ses chefs. Terrible constat de la vie qui passe, des habitudes et de la vieillesse. Et puis soudain au milieu de cette noirceur, la rencontre, la femme, la maîtresse qui ne vit que pour le sexe, une mante religieuse car en dehors de la baise c'est une femme acariâtre, invivable mais son amant( Louis sûrement) ne travaille plus, veut écrire et elle est riche et l'entretient.
Tout ce livre absolument hypnotique tourne autour de ce déchirement entre ces deux êtres sans illusions sur un amour qui n'existe pas, sur une relation purement physique. Crû, sans omettre les détails, ce roman a valu à Calaferte une interdiction pendant des années car si Virginie Despentes que certains trouvent osée, elle écrit des bluettes à côté de Calaferte ( qui lui a du style et du talent).
J'ai déjà dit combien Calaferte était un merveilleux écrivain, c'est une claque littéraire par l'auteur de la Mécanique des Femmes et Rosa Mystica, entre autres.
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J'ai voulu mettre à l'épreuve ma mansuétude et quoi de mieux pour cela qu'un incipit qui dit “Le monde est femelle, comme l'est la Création. Et putain, impudique, comme l'est la femelle” ?

Contre toute attente (rappel : je suis féministe), je sors de Septentrion conquise. Syndrome de Stockholm ? Même pas. Simplement, il m'a été impossible de ne pas être saisie par la frénésie de ces confessions.

En un peu moins de 500 pages, Louis Calaferte raconte ses origines sociales et comment lui qui a connu l'usine dès ses 14 ans a pu s'en extirper pour écrire son 1er roman. C'est donc le récit d'une ascension sociale, traversée par des périodes de grand dénuement, avec, comme fil conducteur, sa passion dévorante pour la littérature et l'écriture (“Je me jetais sur les livres comme s'ils devaient nécessairement me livrer la clef de moi-même. Et la serrure avec”). C'est rare, très rare, les livres qui décrivent si bien ce que la littérature apporte à l'existence et à quel point elle peut être libératrice et Septentrion contient parmi les plus belles pages qui ont été écrites sur le sujet.

Calaferte évoque également les conditions de cette ascension sociale : sa rencontre avec une riche et vieille hollandaise qui l'entretient. Cette relation est particulièrement intéressante parce qu'elle témoigne des violences sexuelles que peut engendrer la condition sociale par le prisme du sexe masculin - pour une fois - et de ce qu'on peut être prêt à sacrifier pour échapper au travail aliénant. Lui parle d'ailleurs de liaison (alors qu'il ne prend aucun plaisir) et une fois seulement, du fait d'être un gigolo. C'est dans ces moments-là que ressurgit le plus sa misogynie, seul bémol de l'ouvrage : des qualificatifs aux insultes, en passant par l'envie de "mettre des gnons et taloches dans la gueule" ou une agression sexuelle dans un taxi... Si vous vous lancez, assurez-vous donc d'abord que vous êtes capable de lire “un sac femelle tout dégonflé” sans avoir envie d'un autodafé.

Ce point mis à part, j'ai adoré cette autobiographie fiévreuse et existentialiste, avec une plume singulière, très crue, qu'on sent en appétit pour les choses de la vie et avec des réflexions sociologiques brutes pour autant extrêmement pertinentes, comme ce passage où il dissèque le rapport à l'argent des riches par rapport aux plus précaires et où l'on ressent une colère sourde le ronger. C'est plus édifiant que bien des ouvrages sociologiques à mon sens. Une lecture qui m'a donc rappelé - même si dans une moindre mesure attention - la claque immense que j'avais prise en lisant Avant la nuit d'Arenas que j'avais refermé la gorge nouée et les yeux embués et que je vous recommande également..
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Septentrion est un livre coup de poing; Il ne peut laisser indifférent. Les phrases sont chocs. Elles vous percutent, vous bousculent, à la limite du supportable parfois quand elles deviennent vulgaires, crus ou sexistes. Mais c'est à l'image de sa révolte. Sa vision très cynique d'un monde qui ne veut pas de lui. Il parle de sa galère, des femmes, de sexe comme il le vit sans fioriture, sans filtre. Il décrit aussi sa longue procrastination, ce long temps de maturation pour écrire ce premier livre dont il rêve tant.
A lire absolument.
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Selon moi, la plus belle narration d'un rapport sexuel (sa relation avec Nora van Hoeck) p.147 à 155
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"Septentrion" n'est pas de ces livres qu'on oublie après l'avoir terminé.
Il contient une telle énergie que c'en est étourdissant.
Que de colère ! Que d'humour grinçant ! Autant le dire tout de suite : les lecteurs sensibles lui reprocheront sans doute un ton trop cru (les scènes de sexe sont hautement épicées), trop acerbe.
Pas un hasard si le livre a été censuré pendant vingt ans .

Cette déflagration pourrait certes s'avérer lourde à supporter s'il n'y avait pas la langue, et quelle langue ! Car les phrases éblouissantes parsèment le roman. Voilà un livre en feu, qui ne ment pas.

Avec une fougue de haute volée, Calaferte raconte son existence Parisienne, ses aspirations à devenir écrivain, ses déboires professionnels, ses rencontres féminines, ses relation sociales.
C'est autobiographique et mystique à la fois. Tour à tour naturaliste et onirique. Sous la plume exaltée de Calaferte, le monde entier se voit dynamité. On s'accroche, on en prend plein la figure, on en reste étourdi.

"Septentrion" est un livre unique, aussi attachant que déroutant. Une expérience littéraire à part entière.
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