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EAN : 9782343196787
218 pages
Editions L'Harmattan (04/03/2020)
4.5/5   1 notes
Résumé :
Au début des années quatre-vingt, émerge aux États-Unis et en Europe une maladie mortelle, le sida, qui frappe principalement les homosexuels et les usagers de drogues.
Les auteurs de cet ouvrage furent parmi les premiers scientifiques à documenter l’existence de cette maladie au Rwanda, pays déjà sérieusement touché par l’épidémie, et à décrire les modes de transmission jusque-là ignorés du virus responsable du sida : la transmission hétérosexuelle et la tra... >Voir plus
Que lire après L'épidémie de sida occultée en Afrique centrale pendant la décennie 1980Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Une épidémie qui prend le large, que l'on sous-estime pendant plusieurs mois et que l'on nie ensuite. « Ces cas sont isolés et proviennent de l'extérieur». Mais l'épidémie touche rapidement tous les continents, elle suscite l'effroi car on n'est pas entièrement sûr des modes de transmission. Il n'existe aucun traitement, ni vaccin. L'information scientifique est confuse. L'origine du virus fait débat, aurait-il été fabriqué en laboratoire ? Les symptômes de la maladie sont imprécis. On découvre un grand nombre de personnes atteintes qui ne présentent pas de symptômes.
Où sommes-nous ? En 2020, en Europe, aux débuts de la pandémie de Covid-19 ?
Pas du tout, nous voici plongés à Kigali, au Rwanda, et à Kinshasa, au Zaïre, en 1983, au début d'une immense pandémie. Plusieurs dizaines d'homme et de femmes dans les hôpitaux présentent tous les signes de la définition clinique et immunologique du sida. La mortalité y est effrayante. Mais curieusement, sont absents les facteurs de risque habituels associés à ce nouveau syndrome aux Etats-Unis et en Europe: les rapports homosexuels, la transfusion sanguine, l'usage de drogues par voie intraveineuse.
L'hypothèse des chercheurs belgo-rwandais et belgo-zaïrois d'un foyer épidémique en Afrique centrale, et d'une transmission du virus par les rapports hétérosexuels rencontre un très grand scepticisme de la part de la communauté scientifique. le paradigme dominant reste pour de nombreux scientifiques la transmission du VIH par les rapports sexuels anaux. Les femmes ne peuvent pas transmettre ce virus à l'homme. Il doit s'agir d'une épidémie différente, transmise sans doute par des injections non stériles.
A Genève, l'Organisation mondiale de la Santé, l'OMS, reste silencieuse. L'institution est engagée depuis plusieurs années dans une politique ambitieuse pour développer les soins de santé primaire dans les pays du Tiers monde. Son directeur Halfdan Mahler considère le sida comme le problème de minorités dans les pays riches.
Les premiers travaux sur l'origine du nouveau rétrovirus mortel suggèrent une origine liée aux singes, localisée en Afrique centrale. La presse européenne donne à ces informations encore parcellaires un écho considérable non dénué de racisme, en imaginant une « hypersexualité » africaine. S'en suit une réaction immédiate de déni du sida de la part de nombreux dirigeants et intellectuels africains. Les équipes de recherche en Afrique centrale sont menacées, certaines sont expulsées, l'ampleur de l'épidémie est sciemment dissimulée, les résultats des tests Elisa sont remis en cause, les malades et leurs familles stigmatisées taisent leurs symptômes. Une conjuration de mensonges entrave les programmes de prévention, particulièrement tous les aspects associés à la transmission sexuelle du virus.
Ce livre destiné au grand public relate une bataille scientifique oubliée du début des années 1980 : prouver le caractère hétérosexuel de la transmission du virus à l'origine du sida. Les auteurs nous décrivent le long chemin parcouru pour aboutir à la reconnaissance de l'ampleur de l'épidémie en Afrique centrale. Ils analysent les multiples raisons politiques et les logiques qui ont conduit à son occultation par l'Organisation mondiale de la Santé et l'Unicef.
Dans ce récit très vivant, à trois voix, les auteurs reviennent sur les leçons que l'on peut retenir des multiples retards qui ont émaillé la lutte contre une épidémie de VIH devenue mondiale. Leur récit trouve un écho inattendu avec la pandémie de Covid-19. Les mécanismes d'effroi, d'impréparation, les fausses rumeurs, sont étrangement similaires. le lecteur ne peut pas s'empêcher de penser aux hésitations et revirements des scientifiques français concernant l'utilité des masques pour protéger du Covid-19. Or, face à une épidémie, les retards dans la réponse institutionnelle, politique et communautaire sont critiques : chaque jour compte. Durant la décennie 1980, l'épidémie d'un nouvel agent infectieux a pu se propager dans l'ombre et toucher les grandes capitales africaines avant que s'organise une réaction internationale, tardive et peu efficace. Une conjonction d'événements que l'on pensait incapable de se reproduire…
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Bien que rapportant des faits datant des années 1980 au Rwanda et en Afrique centrale, ce livre se révèle d'une brûlante actualité que soulignés on sous-titre, qui pourrait volontiers se transformer en '' l'évidence scientifique à l'épreuve DES politiques". La mise en évidence très rapide en Afrique Centrale d'une épidémiologie de l'infection à VIH très différente de celle initialement décrite aux USA ( syndrome gay) bouleversait des opinions déjà fermement établies et considérées comme exclusives. S'ensuivit, de la part des scientifiques et éditeurs anglo-saxons un débat basé sur la " non croyance" dans les résultats fournis, en dépit de la rigueur de la démonstration. Rapidement, le refus de l'évidence scientifique s'est étendu aux instances internationales ( Les yeux ailleurs de l'OMS, comme le dit un chapitre du livre). L'Afrique fut mise à distance de la communauté internationales lors du congrès d'Atlanta en 1985. L'hostilité de nombreux gouvernements africains à cette information qui " ternissait" l'image de l'Afrique s'est parfois manifestée de façon agressive voire violente. Tout cela eut pour conséquence ce, un retard préjudiciable à une prise en charge rationnelle de l'épidémie. Un constat approchant peut être fait à propos des deux autres aspects de l'infection à VIH abordés par les auteurs, la transmission materno-foetale et la transmission par l'allaitement qui se heurtaient par ailleurs aux habitudes et croyances locales. Tout cela résonne étrangement à nos oreilles d'aujourd'hui alors que sévit la pandémie de COVID 19. Au fond, peu de choses ont changé : contestation des faits rigoureusement établis, même au sein de la communauté scientifique, rivalités déplacées entre équipes de recherche, négation du problème par certaines autorités politiques aboutissant à des catastrophes dans la prise en charge des patients et l'application de mesures préventives, développement de théories du complot auxquelles s'ajoutent aujourd'hui les fakenews et l'amplification vertigineuse d'une formation dévoyée sur les réseaux sociaux.
Le mérite de cet ouvrage est grand de nous ramener à l'objectivité et la rigueur scientifiques et d'appeler aux échanges dépassionnés d'une information établie que le politique doit utiliser de façon elle aussi débarrassée de préjugés et de préoccupations électoralistes. Qu'on se rapporte aux chapitres intitulés "Hostilité politique et confusion scientifique" et " le silence comme réponse politique" pour juger de l'actualité du récit qu'on percevra également à travers la prémonition des auteurs de l'arrivée imminente de cette tragédie que fût le génocide des Tutsi au Rwanda. Notre monde continue d'aller mal. Tirons leçon de ce livre écrit de façon très objective, sans passion ni agressivité et avec une grande maitrise.

Claude Carbon, Professeur honoraire, faculté Xavier Bichat, Université D. Diderot, Paris

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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
La mise en évidence très rapide en Afrique Centrale d'une épidémiologie de l'infection à VIH très différente de celle initialement décrite aux USA ( syndrome gay) bouleversait des opinions déjà fermement établies et considérées comme exclusives. S'ensuivit, de la part des scientifiques et éditeurs anglo-saxons un débat basé sur la " non-croyance" dans les résultats fournis, en dépit de la rigueur de la démonstration. Rapidement, le refus de l'évidence scientifique s'est étendu aux instances internationales ( Les yeux ailleurs de l'OMS, comme le dit un chapitre du livre). L'Afrique fut mise à distance de la communauté internationale lors du congrès d'Atlanta en 1985. L'hostilité de nombreux gouvernements africains à cette information qui " ternissait" l'image de l'Afrique s'est parfois manifestée de façon agressive, voire violente. Tout cela eut pour conséquence ce, un retard préjudiciable à une prise en charge rationnelle de l'épidémie. Un constat approchant peut être fait à propos des deux autres aspects de l'infection à VIH abordés par les auteurs, la transmission materno-foetale et la transmission par l'allaitement, qui se heurtaient par ailleurs aux habitudes et croyances locales. Tout cela résonne étrangement à nos oreilles d'aujourd'hui alors que sévit la pandémie de COVID-19. Au fond, peu de choses ont changé : contestation des faits rigoureusement établis, même au sein de la communauté scientifique, rivalités déplacées entre équipes de recherche, négation du problème par certaines autorités politiques aboutissant à des catastrophes dans la prise en charge des patients et l'application de mesures préventives, développement de théories du complot auxquelles s'ajoutent aujourd'hui les fakenews et l'amplification vertigineuse d'une formation dévoyée sur les réseaux sociaux.
Le mérite de cet ouvrage est grand de nous ramener à l'objectivité et la rigueur scientifiques et d'appeler aux échanges dépassionnés d'une information établie que le politique doit utiliser de façon, elle aussi, débarrassée de préjugés et de préoccupations électoralistes. Qu'on se rapporte aux chapitres intitulés "Hostilité politique et confusion scientifique" et " Le silence comme réponse politique" pour juger de l'actualité du récit qu'on percevra également à travers la prémonition des auteurs de l'arrivée imminente de cette tragédie que fût le génocide des Tutsis du Rwanda. Notre monde continue d'aller mal. Tirons leçon de ce livre écrit objectivement, sans passion ni agressivité et avec une grande maîtrise.

Claude Carbon, Professeur honoraire, faculté Xavier Bichat, Université D. Diderot, Paris
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Au Rwanda, notre équipe de consultants est reçue par Jean-Baptiste Kanyamupira, le secrétaire général du ministère de la Santé qui nous interdit immédiatement de rencontrer les chercheurs et médecins du Centre Hospitalier de Kigali. Une situation inconfortable dans mon cas puisque je loge chez Philippe Van de Perre. Nos déplacements et le choix de nos interlocuteurs sont contrôlés par le Ministère. Nous sommes constamment accompagnés. Je fais personnellement l'objet d'une surveillance rapprochée. Les informations de base sur l'épidémie nous sont fournies parcimonieusement par le Programme national comme s'il s'agissait de secrets militaires.
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Début 1987, pour inaugurer le début de la Semaine de la Santé, devant une assemblée composée principalement d'ambassadeurs et d'organismes de coopération, le ministre de la Santé prend solennellement la parole. Il déclare une nouvelle fois que les Rwandais atteints de sida doivent leur infection à leurs contacts avec les étrangers. le Nonce apostolique, qui représente le corps diplomatique auprès du Président, se penche vers son voisin et s'exclame d'une voix suffisamment forte pour être audible "Que Cretino!"
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