Trouvé en tête de rayon à la médiathèque, je l'ai embarqué en me disant : "voyons ..."
J'aime bien les dystopies et les uchronies, en général, car elles amènent une réflexion intéressante.
Mais beaucoup, de plus en plus, semblent interroger/interpeller sur la condition des femmes, @La servante écarlate en tête, bien sûr, mais aussi @Vox (TB) ou encore @L'année de grâce (bof) ou @QI (AB) ... Bref, il faut trouver un moyen de faire sur le même sujet (femme et dystopie) sans avoir l'air de marcher sur les plate-bandes déjà existantes.
En cela, le roman est intéressant, en proposant un monde où le Royaume de Grande-Bretagne a signé une alliance avec Hitler et vit donc sous un protectorat, en 1953 quand commence le roman.
L'autrice a fait un travail minutieux pour transposer les règles nazies dans le monde britannique, alliant les caractéristiques des uns et des autres.
Au fil de ma lecture, je me suis aperçue -intriguée- que je lisais moins vite que d'habitude : est-ce l'impression de quelques longueurs avec une mise en place de l'intrigue un peu lente (j'y reviens plus loin) ou le sentiment d'oppression croissante au fil des pages dans cet environnement totalitaire, particulièrement dur envers les femmes ? Peut-être un peu de deux !? L'autrice a su transcrire avec maestria une atmosphère particulièrement étouffante, un monde peuplé de gens qui ont peur des autres et d'eux-mêmes, où la paranoïa règne, où les horreurs qui se passent sous un régime nazi sont en partie visibles, mais plus souvent tues ou sciemment ignorées pour discipliner et survivre.... L'importance de la propagande dans un régime totalitaire, notamment à travers les Arts, est particulièrement bien décrite (@1984 était un bon modèle).
En même temps, le lecteur est immergé dans un monde qui lui est familier (Londres) mais différent, si bien que les lignes sont brouillées.
Cela crée une sensation particulière, un sorte de décalage perturbant mais positif car davantage interpellant, sensation que j'avais déjà ressentie dans @Le secret ottoman par exemple (Paris intégrée à l'empire ottoman)... ce qui me fait dire que l'autrice a quand même bien réussi son coup, au moins avec moi !
Si je ne me suis pas particulièrement attachée à l'héroïne, c'est évidemment par manque d'identification : elle vit et a intériorisé des règles que fort heureusement je ne subis pas ! (mais pensées pour beaucoup de femmes dans ce monde qui sont considérées comme et amenées à se penser elles-mêmes comme des êtres inférieures, voire des animaux). La psychologie des personnages et le processus d'endoctrinement me semblent assez bien développés, les personnages montrent différentes facettes de réactions face à ces processus, depuis la soeur qui est totalement "convaincue" en passant par le personnage principal qui ouvre peu à peu les yeux sur la réalité du monde qui l'entoure pour finir par se révolter et les personnages secondaires qui refusent d'être aveuglés (le père, les 4 "widows"...)
C'est dommage que le décor et toutes ses nuances soient plantés un peu par à-coups, on avance parfois à tâtons avec un explication du contexte qui arrive un peu plus tard, en retard sur l'héroïne, ... d'où l'impression peut-être de début maladroit.
Mais je ne regrette pas cette lecture, elle restera un de mes coups de coeur de 2022 !
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Comment rater un roman avec pourtant de très bonnes idées à la base ?
1. Déjà : courir plusieurs lièvres à la fois. En l'occurrence un roman qui est : une uchronie, une dystopie et un roman policier (pour la partie roman policier, c'est uniquement sur la base de l'éditeur, "le Masque"). 3 genres différents, c'est trop. On en choisit un, et on s'y tient.
2. Ensuite : faire long, très long, trop long. C'est une erreur de jeunesse, ça. On croit que plus c'est long, plus c'est bon, alors qu'en littérature, c'est exactement l'inverse : pour faire long, il faut d'abord apprendre à faire court.
3. Enfin : bourrer son roman de dialogues non essentiels. Cela permet de gonfler artificiellement le poids et la taille pour arriver au 2e point, mais l'auteur oublie du même coup que le dialogue, dans un roman, il a une fonction précise (en général il permet de situer les personnages les uns aux autres)
Et tous ces défauts, c'est bien dommage de les trouver dans un roman que l'on aurait bien aimé apprécier.
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Le synopsis m'a beaucoup intéressé.
Je viens de tourner la dernière page et j'en ressors au finalement mitigée.
C'est bien écrit,l'histoire est plutôt intéressante, mais les axes de cette dystopie sont finalement assez classiques, rien de neuf.
L'héroïne bien qu'elle soit attachante, est plutôt passive, acceptant relativement bien toutes les contraintes dues au protectorat et à sa condition de femme. La prise de conscience par la littérature (Ça, c'est chouette ! ) met finalement du temps à se faire et je me suis ennuyée un bon bout du roman (même si c'est probablement plus plausible que cela se fasse de manière lente plutôt que du jour au lendemain), et finalement, ce n'est que la dernière partie du roman, qui m'a vraiment plu.
Le roman s'achève brutalement sur une dernière action de Rose sans voir qu'elles vont être les conséquences à la fois pour elle et pour l'Angleterre. C'est à la fois intelligent et frustrant.
Bon, il est vrai qu'on se doute très fortement de ce qui va lui arriver et en cela, elle rejoint le destin de ces héroïnes qu'elle aime tant lire.
J'aime en tout cas l'idée de l'auteur que la littérature peut changer les gens et leur façon de percevoir le monde.
Une bonne lecture, mais qui a quelques défauts.
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- Le Parti a l'écriture en horreur pour la même raison qu'il a la lecture en horreur. Parce que ça implique d'être seul , au contact d'une imagination libre de toute entrave. C'est de ça qu'ils ont peur.
-Je ne saisis pas vraiment pourquoi je le fais.
-Pourquoi écrit-on? Parce que nos existences s'acheminent vers la nuit. En écrivant, nous préservons une bribe de notre vie. Comme une étoile dans l'obscurité du passé.
- Je vous ai convoquée car j'ai une tâche qui concerne les livres. Je me demandais si vous étiez de ces personnes qui aiment les livres ?
Aimait-elle les livres ? C'était certainement le cas, autrefois. (...)
- J'aimais bien les livres autrefois, admit-elle. Quand j'étais petite.
(...)
- Et vous lisez encore ?
- Je suis bien trop occupée, répondit-elle platement.
Les citoyens se gardaient bien de s'épancher sur leur vie privée. Lire n'était expressément pas interdit - d’ailleurs une liste de livres "aux vertus éducatives" était publiée annuellement par le ministère -, mais un surcroît de lectures personnelles, indépendamment du cadre scolaire ou institutionnel était transgressif pour une femme. Ça fleurait la subversion. C'était le genre de choses qui attirait l'attention et alimentait les qu'en dira-t-on.
Lire n'était pas expressément interdit - d'ailleurs une liste de livres aux vertus éducatives était publiée annuellement par le ministère, mais un surcroît de lectures personnelles, indépendamment du cadre scolaire ou institutionnel, était transgressif pour une femme. Ca fleurait la subversion. C'était le genre de choses qui attiraient l'attention et alimentait les qu'en dira-t-on.
Notre Protecteur pense que les livres sont tout aussi dangereux que les bombes. Les mots sont des armes, n'est-ce pas? Ils sont les instruments de diffusion de la propagande.
L'écriture était peut-être une manière de se dissocier du monde qui l'entourait, ou de refuser de s'y associer. De se retirer vers un lieu intime dont elle-même ne comprenait pas tous les tenants et les aboutissants.